Comme pour Madonna il y a 3 ans, je savais qu'en allant voir Mylène Farmer j'avais 20 ans de retard dans la tournée qui m'aurait le plus intéressé, car comme pour Madonna, j'ai grandi avec Mylène, ayant tous ses 45 tours jusqu'à "Desenchantée", l'ayant même encore un peu suivi jusqu'à "Anamorphosée". Comme pour Madonna, je n'adhère plus à ses dernières productions, encore moins au dernier aux beats bien technoides parfois. Comme pour Madonna, j'y suis allé histoire de dire que je l'ai vu une fois malgré tout. Enfin, comme pour Madonna, j'ai eu des échos antérieurs soulignant qu'elle reprenait les anciens morceaux à la sauce du dernier opus, c'est à dire technoïdes.

Mais les comparaisons s'arrêtent là, ne dépassant pas le cadre du théorique. Car ce soir, dans un Dôme surchauffé complet un an à l'avance, Mylène m'a transporté loin... très loin. Dans son monde.

Quand les lumières s'éteignent, un œil apparait sur un écran géant. Un œil qui cligne. Public déjà hystérique. Œil qui recligne. Puis ça part dans de l'onirisme visuel. Puis le rideau transparent en plusieurs parties se rétracte sur les cotés et je découvre en même temps que la foule... un des plu beaux décors de scène qu'il m'ait été de voir, si ce n'est LE plus beaux. Deux statues anatomiquement écorchées (pour ne pas dire des cadavres, car on voyait les tendons et muscles du corps humains) immenses, un bras levé, encadrant un escalier central où trône Mylène tout en haut, dans une combinaison d'écorchée vive superbe (merci Jean-Paul Gaultier). En fond, de bas en haut, plein de cases où sont disposés dans diverses positions, des mannequins nus. Un light show époustouflant, mêlant tous les effets possibles, mais surtout un jeu de lasers impressionnant. Bref un décor majestueux, qui pourrait verser dans le "juste morbide" mais ce ! n'est pas le cas à mon sens. Au contraire.

Au milieu de tout ça, des musiciens efficaces, des danseurs au top, et Mylène. J'ai compté jusqu'à 18 personnes sur les planches. C'est une des rares fois où j'ai compris où allait l'argent du concert. Où je cautionne le prix prohibitif du ticket. C'est rare, mais là, rien à redire, c'est assez justifié.

Et honnêtement, pendant les quatre premières chansons, j'ai eu l'occasion d'admirer toute cette mise en place. Car comme je le craignais, elle ne jouait que du récent, dont trois du dernier ("Appelle mon numéro" est particulièrement chiante...), et "L'âme stram gram" que je n'aime pas.
Puis le show a réellement démarré avec "XXL", qui a soulevé une première fois le public. Et qui m'a fait rentré dans le trip. Un grand trip.

Parce que Mylène, rien qu'en elle même, elle fascine. Elle a un charisme magnétique qui fait qu'on se surprend à la regarder béatement. Et je trouve que plus elle vieillit, plus elle devient belle. Ses tenues étaient splendides, son sourire éclatant, sa sincérité touchante.



Quelle émotion pendant l'enchainement "Nous souviendrons nous"/"Rever"/"Ainsi soit je"... Un Dôme suspendu aux lèvres de cette artiste, qui par son "filet" de voix sans failles, juste accompagné de quelques notes de piano, a su toucher chacun de nous. Comme "prévu", elle a pleuré. Je me suis dit au début qu'elle méritait un oscar... et puis je me suis bien vite ravisé. C'était on ne peut plus sincère. Je ne pense vraiment pas que ces larmes soient feintes. Il n'y a qu'à sentir le frisson général pendant "Rêver", et la reprise de la foule après la performance de Mylène. D'ailleurs, j'ai rarement entendu une salle chanter aussi juste. Et ce fût la même pour tous les morceaux que Farmer finissait avant de faire une reprise du refrain ("Ainsi soit je", magistral, "Desenchantée", euphorique, "Sans contrefacons", orgasmique, "Pourvu qu'elles soient douce", en choeur...).
Sérieusement, cette communion entre l'artiste et son public, cette sincérité de sentiments, cette aura qu'elle dégageait, ça a donné quelque chose de spécial, de vraiment touchant.
Et vocalement, elle a assuré tout le show. Même dans ses aigus si particuliers. A sa façon bien sur. On ne lui demande pas d'avoir une voix puissante, on lui demande d'avoir sa voix unique. Pour faire passer de l'emotion, elle s'y connait. Et elle le ressent, ça se voit dans son regard, ça s'entend dans ses merci.

Et quand elle se tourne, et se dirige lentement vers l'escalier central à la fin de "Ainsi soit je", les statues s'inclinent tout aussi lentement, accueillant Mylène par une révérence. Une fois disparue, les zicos continuent l'instrumental, au centre le pianiste ressemblant à Mozart avec ses cheveux fous, les autres en retrait, allant crescendo, les statues relevant le buste de concert jusqu'à tenir debout... ça valait rien que pour ça le prix de la place ! Génial.

Quand Mylène réapparait avec ses danseurs, c'est pour atteindre un bonheur orgiaque via l'interprétation musclée de "Libertine"/"Sans contrefaçon", une jolie transition "Je te rend ton amour" avant d'enchainer sur une plage plus technoïde dont un "Désenchantée" qui va représenter le point culminant du live, les gradins étant enfin debout dans leur intégralité !

Quand un ami (coucou Chacal :p) m'a dit après sa date d'il y a quelques jours, qu'elle reprenait les anciennes chansons en version moderne, j'étais un peu dégouté. Ben vous savez quoi ? On a pas du voir le même concert, parce qu'alors, à part quelques rares effets sonores, ça sonnait tout a fait normalement, et même bien rock pour "Libertine" et "Sans contrefaçons", avec les deux gratteux chacun d'un coté de la scène, une batterie qui pulsait le gros son, et un ensemble pêchu à mort.
Pareil pour "Pourvu qu'elles soient douces" plus tôt dans la soirée, c'était normalement pop.
Y a que pour "Désenchantée" donc, qu'un beat techno était présent, et franchement ça sonnait très bien, le titre s'y prêtant à merveille (et après vérification c'était déjà le cas sur le précédent tour). Quel orgasme j'ai pu avoir ! Et je n'étais pas seul au vu de la folie ambiante ! Tout le quartier a du trembler tellement ça sautait et ça remuait !

Après ça, le dernier single en date, "C'est dans l'air" m'a paru gentillet, même si dans la salle c'était lasers à gogo, refrain hurlé, danseurs en folie, Farmer éclatante, qui fait chanter encore et encore les 8500 personnes.
Puis tout s'éteint. A ce moment là je me dis que j'ai eu pratiquement tout ce que je voulais en anciens titres qui me tenaient à cœur. A part "Tristana" qui me semblait improbable. Cependant, j'aurai bien repris un "California" ou un "Instant X" étrangement absents. Eh bien non, Mylène revient dans un belle robe blanche, auréolée de lumière rouge, chantant un bien joli morceau du dernier opus. Un mid tempo annonciateur de départ, lent mais irréversible. Elle fait un dernier signe, entouré d'explosions de lave jaillissante simulée sur les rideaux et écrans, et disparait sous l'escalier dont une partie s'est relevée. Applaudissements nourris, teintés de bonheur et de respect. Et d'amour. De ces fans fidèles qui l'ont acclamé encore et encore tout du long, communiant sans limites. J'ai juste trouvé étrange qu'une bonne partie des gradins ne se lève que si tard dans le set. Par contre, vocalement et niveau applaudimètre, c'était ! un public sensationnel.

Si c'était possible, je retournerai la voir mardi ici, ou ailleurs. Car je me suis vraiment pris une sacrée claque, et j'ai eu confirmation que Mylène, quoi qu'elle soit en dehors d'une scène (son mystère, son ambiguïté, etc...), en live, c'est une artiste totale. Sincère, émouvante, touchante, épanouie, heureuse, donnant et recevant. Ça me fait d'autant plus regretté de l'avoir loupé, pour différentes raisons, durant ces 20 dernières années...



Setlist :

01. PARADIS INANIMÉ
02. L'ÂME-STRAM-GRAM
03. JE M'ENNUIE
04. APPELLE MON NUMÉRO
05. XXL
06. À QUOI JE SERS
07. POURVU QU'ELLES SOIENT DOUCES
08. POINT DE SUTURE
09. NOUS SOUVIENDRONS-NOUS
10. RÊVER
11. AINSI SOIT JE
12. LIBERTINE
13. SANS CONTREFACON
14. JE TE RENDS TON AMOUR
15. DÉGÉNÉRATION
16. DÉSENCHANTÉE
17. C'EST DANS L'AIR
18. SI J'AVAIS AU MOINS REVU TON VISAGE