Chronique de Concert
Nevchehirlian + Luciole
Après une rapide présentation des artistes, et l'annonce du décès d'Alain Bashung, qui plombe complètement le début de la soirée, Luciole et ses deux musiciens (Jérôme Plasseraud, un guitariste "né à Aubagne" et Antoine Arroyo batteur / bassiste / sampleur) arrivent sur scène. Heureusement, le peps de la petite et charmante Luciole remonte un peu le moral d'un public très attentif et mélangé (composé pour une moitié de familles au complet, de la grand-mère souriante au gamin remuant, et pour l'autre d'un public plus habitué aux salles de concert rock).
Luciole captive apparemment la salle, et je me laisse prendre au jeu pendant les premières chansons. Malheureusement, la lassitude arrive vite, et même si je n'ai pas grand chose à reprocher à ses textes, à la musique qui l'accompagne, ni à la maîtrise qu'elle a de sa voix, je dois avouer que son univers ne me touche pas vraiment... Je venais en totale inconnaissance de ses chansons, ayant juste lu un article élogieux sur son récent album dans un hebdomadaire qui venait de lui distribuer des fff. Une seule de ces chansons me fera penser que Luciole peut arriver à m'accrocher, une des dernières de son set (moi aussi je suis resté attentif) sur laquelle elle scandait un énergique "Elle ne pense qu'à ça"...
Après un rappel, Luciole laisse la place au quatuor composé de Fred Nevchehirlian, Christophe Rodomisto (à la guitare), Julien Lefevre (violoncelle, guitare acoustique et basse) et Stéphane Paulin (à la batterie ce soir-là à la place de Tatiana Mladenovitch). Une première pour moi qui suit ce que fait Nevchehirlian depuis ses début en solo (sur son myspace), et depuis un concert atypique (unique et magnifique) donné en novembre dernier à Arles (concert en collaboration avec Guylaine Renaud et Antoine Chao) ... Une première pour moi, donc... Une première pleine d'attente, d'espoir et d'interrogation.
Le Set commence fort avec La grande bourge et Dans le stade, deux chansons de l'album à venir de Nevchehirlian (Monde nouveau, monde ancien qui sort fin avril). Deux chansons qui font monter le son et le ton. La grande bourge démarre tranquillement, presque chuchotée ("on peut avoir un peu pitié du bonheur des gens qui crèvent la dalle"), sur un rythme primitif, pour monter crescendo, et permettre à Dans le stade d'exploser en imposant un autre de ces rythmes envoûtant. Le texte est posé ("et maintenant, je les vois dans le stade autour, TOUT autour de nous"), le ton est combatif ("des gueules de boxeurs, des mecs qui envoient") et le son pur (même si l'acoustique de la salle paraît perfectible)... Sous des airs de morceaux rocks se cachent des textes splendides qui, ceux-ci, me touchent en plein cur.
L'homme troué qui suit, sur un air plus calme, des harmonies plus sages, et un phrasé qui me fait penser à Dominique A y arrive également. La tension retombe avec les deux morceaux suivants. Deux titres magnifiques, mais nettement moins rocks (le superbe Des milliers de gestes et La beauté des jours qui se lèvent). Heureusement, Fred et ses acolytes relancent la machine avec L'univers parmi nous, un des plus beaux titres de cet album à venir. TOUT y est: le rythme lancinant de la guitare claire de Fred, les nappes fascinantes de celle de Rodomisto, la batterie et la basse qui martèlent, et un texte digne de ceux chantés par le défunt du jour... Frisons assurés si on écoute le texte, bougeotte obligatoire si on se laisse entraîner par la musique. TOUT ce que j'aime !
La suivante, Où vont-elles ? enchaîne avec un de ces rythmes que j'ai qualifié de "primitif" plus haut... Un rythme tribal et entêtant. Une voix désespérée qui porte un texte de haute couture... Ce n'est plus seulement l'ombre de Dominique A qui plane, mais celles de Diabologum (#3), Bertrand Cantat et celles de TOUT autre artiste ou groupe français que j'aime... Je suis sur un nuage, Fred Nevchehirlian semble l'être aussi... En tout cas, il faudra un petit accrochage au début de La mer pour qu'il revienne parmi nous et se reconcentre totalement avant de nous donner un Les filles, les garçons sobrement et excellemment interprété : Fred et Julien Lefevre seuls, le premier plaçant ses mots avec sourire, le second jouant du violoncelle comme on gratte une guitare sèche.
TOUT peut arriver à présent. TOUT, une chanson écrite par Ronan Chéneau, et donc l'interprétation par Fred Nevchehirlian et son groupe à Marsatac l'an dernier avait fini de me mettre l'eau à la bouche concernant ce fameux album à venir (je n'y étais pas, mais la vidéo de cette performance se trouve sur le net). TOUT, un mot martelé : "[...] TOUT est beau et actif et risible, TOUT à la classe est confortable parfait limpide agressif [...] TOUT est magique et dansant, TOUT n'est pas tromperie chimère mensonge foutaise ou faux-semblant [...]". Quasiment TOUT Nevchehirlian est là, dans ce texte, cette chanson, mélange de douceur et d'agressivité, de bonheur et de désespoir... On aimera alors que TOUT nous soit offert, TOUT, jusqu'au final Tant cendre que poussière de circonstance. Nevchehirlian et ses musiciens nous ont donné un pur moment de bonheur ce soir là.
Soir pendant lequel j'ai pris la contre allée, me suis emporté, transporté avec la force décuplée des perdants qui nous a fait danser ensemble à se donner la main. L'ombre d'un géant planait dans le silence ou dans le bruit, l'ombre de celui dont les bras connaissent les impasses et les grands espaces, et même s'il n'était pas question que j'perde le feeling, il fallait bien cette performance de Nevchehirlian pour que cette ombre laisse percer une légère éclaircie.
Critique écrite le 17 mars 2009 par Chlorophil
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