Chronique de Concert
Yeah Yeah Yeahs + HTRK
Concert à la fois percutant, surprenant et vite expédié au Bataclan à Paris pour les stars new yorkaises de Yeah Yeah Yeahs... Karen O (costumes de scènes flashy, cris et feulements orgasmiques, déclenchement de pluies de confettis), Nick Zinner (guitare bruitiste, synthés, coiffure à la Robert Smith), Brian Chase (impeccable batterie disco punk ou rock... ou pop) et un musicien d'appoint (aux synthés et à la guitare sèche) ont proposé au public les deux facettes de leur talent (présentes sur leur nouvel album, It's Blitz).
L'assistance a pu se délecter de "synth pop" à la Blondie produit par TV On The Radio et se faire ratatiner la gueule par un disco punk bruitistico hystérique... Si la majorité du public (nombreux, le Bataclan affiche complet) a semblé adorer le concert, certains ont paru regretter les nombreux titres assez calmes issus du dernier opus. Compte rendu d'une chaude soirée mouvementée...
HTRK, aucun effort pour séduire.
Tout commence avec le set lancinant de HTRK, qui avec sa musique expérimentalo dépressive endort presque le public d'entrée de jeu. Malgré une voix joliment monocorde (façon Nico sous Xanax), des parties de guitares agressives, une basse maléfique et des virulents coups secs sur une caisse claire, il faut dire que ce trio là ne fait strictement aucun effort pour séduire ou être d'accessible... Bel effort justement, en ces périodes de tout commercial et de pré digéré ! Cela dit, commencer le set par les morceaux les plus "plombants" n'était pas une idée si brillante que cela. En première partie de Liars (en novembre 2007 à la Coopérative de Mai) cela avait marché, le public s'attendant par la suite à une démonstration de punk expérimental, mais en première partie des Punk Pop Yeah Yeah Yeahs, c'est un peu plus dur... Néanmoins, les intransigeants et courageux HTRK méritent qu'on jette une oreille attentive à leurs odes au psychédélisme gorgé de spleen et d'invitations au décollage drogué. Même si le sombre combo accélère (à sa manière, hein !) un peu le rythme sur la fin de son set, la messe est dite : le public veut les Yeah Yeah Yeahs. Un point c'est tout.
Yeah Yeahs Yeahs, étudié en soufflerie pour donner envie d'acheter, de faire la fête et de danser...
Avant le moment tant attendu, il faudra longuement poireauter dans la fournaise du Bataclan, une très belle salle de concert parisienne, soit dit en passant... Puis après moult réglages, les trois Yeah Yeah Yeahs et leur acolyte scénique arrivent sur scène (sur l'excellent titre Heads Will Roll) avec une Karen O enrubannée dans une guirlande électrique, sous des éclairages vrillants et avec un énorme orbite oculaire (qui se transformera en lune puis en boule de lumières) au dessus du batteur. Déluges de synthés décérébrants, voix sexy en diable, morceaux catchy, c'est le nouveau visage des Yeah Yeah Yeahs : légèrement putassier (juste comme il faut !), méchamment addictif et étudié en soufflerie pour donner envie d'acheter, de faire la fête et de danser... Ce virage vers une synth pop à la Blondie est à notre avis bien négocié sur disque (grâce à David Sitek de TV On The Radio) et sur scène, grâce au talent de Karen O & co.
Certes, il y a des boucles sonores en pilotage automatique, certes on attend tous que Karen O reprenne les vieux titres (comme l'épatant Black Tongue, joué à la perfection) en hurlant comme une furie assoiffée de sexe, mais les nouveaux titres qu'ils soient lents (Skeletons... ) ou rapides (Zero, Dull Life... ), synthétiques, électriques ou synthético électrique (superbe Soft Shock) fonctionnent à plein régime. Les "slows" quant à eux permettent de reprendre son souffle sans casser l'ambiance (sauf au milieu du set où un titre trop mou fait - un peu - retomber le spectacle), constituant l'équivalent d'un changement de position ou d'un passage moins frénétique lors d'un échange de fluides sexuels. On frôle néanmoins l'éjaculation précoce quand on voit les Yeah Yeah Yeahs sortir de scène au bout de 45 minutes, et ce malgré un public de feu reprenant les paroles, réagissant au quart de tour et soutenant à fond le groupe.
Une belle envie de remettre le couvert rapidement avec les Yeah Yeah Yeahs...
Le retour triomphal du groupe sur scène permet à l'intenable Karen O (comment fait-elle pour hurler et couiner ainsi tous les soirs à la manière d'une fille spirituelle de Yoko Ono, Courtney Love, Debbie Harry et PJ Harvey ?) de donner de la voix sur de jouissifs vieux titres - dont un imparable Date with the night, un sensuellement violent Maps et un Y Control proprement infernal, en deuxième rappel.
Et puis au bout d'une heure cinq de communion public/groupe, les New Yorkais regagnent les loges, sans doute pressés de fêter l'anniversaire du très bon guitariste Nick Zinner (salué par un "Happy birthday to you" dans la salle !) en famille. Il aurait quand même été de bon goût de prolonger la fête avec la foule parisienne des grands soirs pendant au moins une vingtaine de minutes, non ? Cela dit, on repart en ayant eu sa (petite) dose d'orgasmes soniques entre pop synthétique, rock énervé, disco punk et bruit démantelé. Et avec une belle envie de remettre le couvert rapidement avec les Yeah Yeah Yeahs... Comme quoi, le coup de la légère frustration, ça marche souvent pour attiser le désir !
Photos live : Flore-Anne Roth www.floreanneroth.com
Sites internet : www.yeahyeahyeahs.com, www.myspace.com/yeahyeahyeahs, www.myspace.com/htrk, www.radical-production.fr, www.le-bataclan.com.
Critique écrite le 01 mai 2009 par Pierre Andrieu
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