Accueil Chronique album : V/a - Phocea Rocks, Volume 1, par Philippe
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Critique d'album

V/a : "Phocea Rocks, Volume 1"

V/a :

Pop - Rock

Critique écrite le 07 août 2012 par Philippe

"De toutes façons, il ne se passe jamais rien ici !". Voilà bien LA phrase débile que tout noctambule marseillais a déjà entendue, généralement de la bouche de spectateurs blasés et peu curieux, se contentant peu ou prou de leur sortie annuelle (et invitée) à la Fiesta des Suds et d'un concert au Dôme, voire d'un passage à Marsatac pour les plus aventureux... Spectateurs toujours prompts aussi à pester contre les annulations de concert, alors qu'ils sont (défavorablement) réputés pour leur incapacité à acheter les billets à l'avance : le compte des concerts sabordés faute de prévente à Marseille, a été perdu depuis bien longtemps... Manque d'informations peut-être ? Si la presse locale (non communiste...) ne fait pas toujours son travail d'information, LiveinMarseille recense gratuitement tous les concerts... depuis le siècle dernier, alors !
Et pourtant, à leur insu donc, la scène rock de Marseille existe (depuis toujours) et elle fait mieux que survivre : elle foisonne ! Et généralement sans subventions ni auto-apitoiement, merci pour elle. Un comptage à la louche (et forcément imprécis) situe à au moins 60 (soixante !) le nombre de groupes en activités à l'heure où nous tapons ce texte. Et quelques centaines d'aficionados, heureux comme des congres dans l'eau, qui évoluent au fil de leurs salles favorites pour voir chaque semaine, sinon chaque jour, des petits concerts de grande qualité, organisés à des prix ridicules par une poignée d'activistes valeureux et jamais découragés. La liste des salles/lieux serait incroyablement longue (constatez !), des plus do-it-yourself (Machine à Coudre, Embobineuse...) aux plus institutionnelles (le très subventionné Espace Julien, qui ouvre toutefois son Café à de belles expériences soniques...), en passant par des institutions locales (le Poste à Galène, le Dock des Suds, le Cabaret Aléatoire...) et les small-is-beautiful (Lounge, O'Bundies, Lollipop and many more...)

Par contre s'il y a un ennemi de la scène rock à Marseille, outre l'apathie et le manque de curiosité déjà évoqués, c'est cette dame de 70 ans et plus (appelons-la Monique, pour simplifier), membre d'un de ces fameux CIQ, Comités d'Intérêt de Quartier, dont l'objet principal est la défense de sa sécurité, et plus précisément de sa "tranquillité". Idéalement, si elle pouvait voir ses rues - déjà vidéo-surveillées - être désertées et s'il le faut nettoyées à coups de matraques à 22 heures, elle se foutrait pas mal que Marseille, "Capitale de la Culture 2013" et 2e ville de France, ne devienne une ville morte, Monique ! Du moment qu'elle pourra flatuler tranquille et machouiller son dentier en regardant Plus Belle la Ville, image sans accent ni aspérités d'un Marseille qui n'a pourtant jamais existé. Et ce surtout, sans entendre par sa fenêtre tous ces gens plus heureux qu'elle, s'amuser et simplement, Vivre Ensemble et Dehors comme le veut une tradition méditerranéenne plusieurs fois millénaire...
Or elle est choyée, Monique, comme étant le vestige de l'électorat traditionnel du très droitier et autoritaire Jean-Claude Gaudin et de ses sbires, qui savent que les clefs de la ville ne leur tiennent plus qu'à un fil (... de 500 voix la dernière fois...) qui sort directement de son cabas. Et ils l'invitent à baffrer gratos, Monique, à tous les voeux et inaugurations de pissotières, où ils lui tiennent le crachoir : pour la Ville, elle représente la voix des Quartiers - aussi bien que Force Ouvrière, la voix des Syndicats. Technique habile héritée de Gaston Defferre : avec un seul interlocuteur - qu'on a choisi - au moins, on est pas emmerdés, pas vrai ? Et du coup la Vioque a pratiquement droit de vie et de mort sur les petites salles de concert, et elle a d'ailleurs déjà eu la peau de pas mal d'entre elles (Balthazar, Ache de Cuba, Enthröpy...) Là aussi la liste serait longue, et pas seulement au centre-ville d'ailleurs : Monique a déjà atomisé de riches boîtes de nuits des beaux quartiers, et même envoyé par le fond des bateaux-apéros organisés au large...

Mais alors nous direz-vous, pourquoi ne pas organiser un festival "Tue La Vioque" ? Naaan, la culture ne peut pas être à ce prix, même symboliquement ! Et puis pas de caricature : nous connaissons des grand-mères qui fréquentent les salles, et même les scènes des salles de Marseille ! Et d'ailleurs ce serait inutile de s'en prendre à Monique, car ce qu'elle ne peut pas gérer, la vieille bique (ni son pote Jean-Claude, ses arrêtés assassins et ses descentes de police municipale), c'est l'énergie de la passion qui anime les acteurs de cette scène rock protéïforme de Marseille ! Cette énergie impossible à contenir - on peut pour beaucoup parler de mode de vie, sinon de raison de vivre, ce n'est pas juste un "hobby", hein ! - qui fait que le Balthazar va renaître à l'automne en Molotov, que l'Enthröpy est déjà repartie ailleurs, que même le Théatre du Moulin va ressusciter !
Et c'est encore sur la vague de cette énergie collective et personnelle qu'ici Vincent Palacio, activiste forcené, va organiser le festival Phocea Rocks à Marseille en 2013, dans le cadre du 'Off' de Marseille Capi'Cul 2013 ! Budget grotesque et ambitions dantesques (ordre de grandeur : 18 soirées, 10 salles, 40 groupes !) ? Il s'en fout le Vince, il sait faire. Parrainé par Michel Basly, notre légende du rock locale, il craint dégun. Et commence donc ci-devant, par sortir au compte-gouttes 4 compils "Phocea Rocks" pour "mobiliser les écouteurs" (vous et moi), en leur rappelant l'existence dans la cité phocéenne de tous les styles que vous pourrez nommer.
Car à Marseille en rock, il y a (ou il y a eu) des groupes pop, pop-rock, électro-pop, électro-rock, stoner, math, grunge, noisy, goth, occitan, hard rock, rockabilly, psycho, psyché, oï, metal, garage, doom, indus, blues, lo-fi, emo, kraut, crust, folk, punk-rock (ici on dit "punqueroque"), hardcore, etc, etc. Tous ces styles sont les bienvenus sur les compils, les 2 déjà sorties comme les 2 à paraître, et tous ces styles seront les bienvenus à Phocea Rocks, qu'on se le dise, prévenez Monique et Jean-Claude ! Car pour reprendre l'adage immortel de ce salopard de Ted Nugent (un horrible redneck aux idées pourtant assez proches des leurs...) : "Si c'est trop fort, c'est que vous êtes trop vieux !".
(2012 - 2013)
Phocea Rocks volume 1, en écoute sur D----r par ici !
Vignette Philippe

 Critique écrite le 07 août 2012 par Philippe
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