Accueil Chronique album : Aaron Cometbus / Prigent-vargas - Déviations / Livre, par Philippe
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Critique d'album

Aaron Cometbus / Prigent-vargas : "Déviations / Livre"

Aaron Cometbus / Prigent-vargas :

Pop - Rock

Critique écrite le 25 mars 2008 par Philippe

Quoi de neuf dans la bonne maison Corde Raide ? Eh bien, juste la suite de la Pléiade de l'écriture punk (bon, ce n'est que le deuxième livre et c'est en poche, mais faut bien commencer quelque part - et au moins ça s'emporte partout avec soi...). Au fait, à ceux que l'expression "écriture punk" ferait bêtement ricaner, on ne peut que conseiller de commencer par la lecture de Lester Bangs, reconnu par des gens plus intelligents qu'eux comme l'un des meilleurs écrivains américains depuis Kerouac... Quoi qu'il en soit si le Maître a été amplement publié et traduit, beaucoup de punks à plume ne s'expriment qu'à travers des fanzines et autres publications confidentielles - c'est donc bien de chefs-d'oeuvre en péril qu'il s'agit, quand l'un d'eux a un talent comme celui d'Aaron Cometbus !
On avait adoré l'écriture vive et hilarante des aventures de George Tabb traînant son perfecto autour du CBGB's dans les années 70, on retrouve ici 15 ou 20 ans plus tard ledit Aaron cometbus, toujours dans la bonne ville de New York. Le style est très différent mais pas moins abouti - les deux personnages n'ont en effet pas grand chose en commun : là où Tabb était un punk-poseur, Cometbus est manifestement plutôt dans la branche punk-à-chien, genre squatteur émérite et fouilleur de poubelles. Animateur d'un fanzine depuis les années '80, le gaillard (également batteur à ses heures) y publie de petites chroniques en tranches de vie, à peine plus longues qu'un billet d'humeur, au style acéré et percutant, drôles et/ou mélancoliques...
La musique punk, toile de fond, n'en est cependant pas la thématique centrale, qui est bien plutôt un regard sur ses contemporains. On y découvre notamment la sociologie des punk houses, où l'on peut changer cinquante fois de colocataires le même mois et avoir des raisons de les détester quand même, l'une d'elle étant notamment que certains se torchent dans des originaux de votre fanzine (comprenez-vous mieux la notion de chef-d'oeuvre en péril ?) Mais on y lit aussi une multitude d'histoires courtes : une description haute en couleur de ce qu'est l'amour avec une fille aussi punk et déjantée que soi, une parabole sur le succès et/ou l'underground à base de vers et de serpents, sur Halloween en tant que refuge ultime contre l'âge adulte, une nuit au poste, un compte-rendu de tournée de groupe en bus à portée universelle, une autre relation avec une fille belle et cruelle à vous en faire crever, une errance à Cleveland (apparemment l'endroit le plus atroce des USA), une coincidence étonnante à Stockholm...
Mais là où l'auteur se fait particulièrement touchant, c'est quand il déclare son amour pour des endroits de peu, ceux où il a sa vie et ses repères : un cinéma ouvert la nuit, un restaurant chinois pourrave à Berkeley, un ancien marchand de glace et/ou sa serveuse qu'il a recherché(e) pendant des jours, la panique ressentie quand sa salle de concert préférée a failli disparaître ... Zonard sans doute, mais certainement pas paumé, il écrit lui-même sa petite Histoire, anecdotes sur une scène punk ou un squat disparu, et que personne n'a écrites à sa place. En somme, il fait ce que nous rêverions tous de faire : vivre à une vitesse qui permette de voir, vraiment, le monde qui nous entoure. Dans d'autres catégories socio-professionnelles, on appellerait quelqu'un qui fait ça... un poète.

Corde Raide Editions, 20 r Providence 13170 Fuveau / Distribution : La Passerelle, Lollipop Music Store, L'Odeur du Temps.
Vignette Philippe

 Critique écrite le 25 mars 2008 par Philippe
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