Accueil Chronique album : Algiers - The Underside Of Power, par Philippe
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Critique d'album

Algiers : "The Underside Of Power"

Algiers :

Pop - Rock / post

Critique écrite le 21 septembre 2017 par Philippe

Le gospel et le rock, en partie consanguins à leurs origines, sont souvent mariés pour des raisons évidentes : le premier apporte le prêche endiablé, le deuxième y ajoute l'énergie électrique qui décuple la force du message... Le dernier exemple en date, sans doute le plus abouti en la matière, est ce deuxième album du groupe Algiers from Atlanta, Georgia, ville à la fois pauvre et de culture sudiste, pas précisément un endroit où il fait bon être noir et pauvre. Son chanteur Franklin J. Fisher a donc toutes les raisons d'être en colère, une colère exposée dès Walk Like a Panther, d'abord dans un mode hip-hop sur guitares qui n'a rien à envier au grand Saul Williams, sauf qu'en plus, il chante. Mais c'est au deuxième titre, Cry of the Martyrs, que se dévoile l'ADN et le son (sauf erreur) tout à fait inédit qu'a créé le groupe : gospel déchirant autant que lyrique donc, posé sur une cavalcade rock à grosses machines saturées, un son post-punk industriel dans l'esprit de Suicide. Mix enthousiasmant et inédit qui alimenterait déjà de quoi enregistrer un album entier !
Grisé par le mélange ainsi créé (et que leur premier album avait seulement ébauché), le groupe l'emporte pourtant encore plus loin avec The Underside of Power, qui dévoile encore un peu plus une voix soul dérangée et poignante (les médias américains ont parlé à leur sujet de dystopian soul), mais aussi, comme ça sans crier gare au refrain, un véritable wall of sound spectorien, comme si les Supremes étaient soudain convoquées pour les choeurs. Chanson pourtant coupée en deux par un pont démoniaque où le batteur Matt Tong (ex-Bloc Party) retient un instant les chevaux, avant la charge finale. Possiblement notre chanson de l'année 2017, d'autant que son clip est de toute beauté.
Avec un tel attelage sonore, chaque titre de l'album, quel que soit sa cadence, recèle sa beauté toxique : A Murmur. A Sign met en avant la voix pour mieux cacher des sons atonaux et finalement un orgue sinistre qu'on croirait sorti de chez John Carpenter, Mme Rieux est une ballade d'une tristesse insondable, qui confirme une putain de voix (on a pourtant lu que le chanteur avait encore du mal à croire qu'il pouvait chanter) autant qu'une vraie inspiration mélodique, Cleveland salit le son des choeurs à un point pas entendu depuis le mystérieux groupe Salem, et Hymn for an Average Man fascine par le pessimisme insondable de sa mélopée au piano, tout comme par son pont central très Portishead.
On se demande ensuite où vont les choeurs qui suivent, atonaux et sinistres (remplissage ?) quand déboule une rythmique furax en forme de clin d'oeil à l'inoubliable Sinnerman de Nina Simone : il reste en fait un titre quintessenciel, The Cycle/The Spiral, en douzième position quand lui aussi aurait pu être le single de l'album. Planquer l'un de ses meilleurs titres en fin d'album est l'apanage des plus grands... A ce stade le fan de rock se dit peut-être : d'accord, mais est-ce qu'on danse ? Eh bien oui, on pogote même, sur Animals, aux batteries sauvages et crades comme du Nine Inch Nails, mais toujours habité de soul furieuse - pas la plus subtile, mais c'est peu dire que ça dépote. Quand on a vu des centaines de concerts, et notamment toutes les têtes d'affiche qu'on aime, souvent plusieurs fois, et qu'on voit chaque année refleurir les mêmes de festival en festival, il arrive qu'on cède un peu au découragement. Avec un album aussi splendide (allez, flambons un peu, on est fin septembre : notre album préféré de 2017 ?), un groupe comme Algiers redonne pourtant foi en la musique live : non seulement on crève d'envie de le voir en concert, mais on ne doute pas que leur show peut s'avérer époustouflant et bouleversant tout à la fois...
(2017)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 21 septembre 2017 par Philippe
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