Accueil Chronique album : Anna Calvi - One Breath, par Philippe
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Critique d'album

Anna Calvi : "One Breath"

Anna Calvi :

Pop - Rock

Critique écrite le 14 octobre 2013 par Philippe

Retour ô combien attendu de la merveilleuse Anna Calvi, au commencement petite souris blonde apeurée et corsetée, à qui il suffisait de passer une guitare électrique et un micro... pour en faire une diva du rock. Mais autant sa voix entrait comme en catimini dans son premier disque avant de s'y déployer, autant des centaines de dates au compteur (où on a eu le bonheur de la croiser plusieurs fois) et une reconnaissance quasiment unanime du public rock, lui ont désormais donné une belle assurance ! C'est donc de plain-pied qu'elle entre en scène avec Suddenly, au refrain décomplexé (en "ah-ah-ah") : elle a enfin assimilé que la fêlure de sa voix chuchotée, tout comme la flamboyance de sa voix déployée, ont chacune le même effet chairdepoulesque sur les foules, tout autant que les fulgurances de sa chère Telecaster ...
C'est donc tout aussi fièrement qu'elle aligne deux nouvelles chevauchées électriques dont elle a le secret : la western et baroque Eliza, la virile et rayonnante Tristan. Puis, soucieuse de ne pas répéter son sublime premier album (pourtant dieu sait qu'on lui aurait volontiers pardonné...) et/ou curieuse de nouveaux territoires, elle pousse assez vite ses mélodies dans des zones nettement plus inconfortables. Avec en particulier, dans de nombreux titres, des ponts reversants et volontiers dissonants, comme l'annonce Piece by Piece, ballade ludique et chahutée de guitare saturée, et comme le confirme la déconcertante et finalement fascinante Carry Me Over...
Quoi qu'il en soit, et fussent-il désarçonnés par certaines de ces nouvelles expériences, les deux voix/armes précitées, totalement imparables, mettront ensuite les auditeurs cul-par-dessus-tête lors du merveilleux climax de l'album, Sing to Me (hommage à Maria Callas, l'une de ses modèles), où Anna Calvi fait monter tout doucement les violons et les choeurs morriconiens - faisant écho à la déjà mythique Love Won't Be Leaving - avant d'exploser en feu d'artifice poignant, qui retombe en vous laissant des flammèches longtemps incandescentes dans le coeur...
L'autre surprise majeure de l'album One Breath, c'est la présence de chansons nettement plus sexuées : entendons-nous bien, une telle voix provoque presque fatalement un effet physique sur quiconque la reçoit, mais Anna Calvi ne semblait pas réellement l'assumer jusqu'ici... Or là-aussi elle a poussé tous les potentiomètres dans le rouge, depuis les gémissements susurrés de la chanson-titre (qui cache une mini-symphonie contemporaine) jusqu'aux hurlements de Love of my Life, hommage appuyé à The Kills où elle laisse libre cours à sa guitare en feu pour un solo infernal, tout en atteignant vocalement la charge érotique d'Allison Mosshart... Bien entendu, sans forcer les effets et même presque a capella, sa voix en elle-même reste sensuelle à souhait, surtout avec les paroles à peine ambiguës de Bleed into Me...
One Breath, plaisamment surprenant à la première écoute, s'avère donc être l'éclosion de la nouvelle chanteuse, Anna Calvi 2.0, plus sexy, plus dissonante, plus surprenante que la première... que nous adorions pourtant déjà. Par exemple et pour conclure cet album notoirement trop court (moins de 40 minutes), elle fait l'expérience intéressante de disparaître dans sa propre musique, sa voix se diluant dans les choeurs de The Bridge... Déjà ailleurs peut-être, elle quitte donc assez cruellement l'auditeur/trice émoustillé(e) avec un dernier pont étrange, et sans hélas lui livrer de chevauchée fantastique finale. Le plaisir à l'avoir ici retrouvée, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, est heureusement prolongé un peu, pour les acheteurs du vinyle, par un 45 tours bonus dont chacune des faces semble être la bande annonce d'une direction possible pour le prochain album... la version 3.0 sans doute, qui est donc déjà attendu avec un grand pensamor, elle aussi.

Octobre 2013 (Domino Records)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 14 octobre 2013 par Philippe
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