Accueil Chronique album : Bud Spencer - People Are Curious But From The Outside, par Philippe
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Critique d'album

Bud Spencer : "People Are Curious But From The Outside"

Bud Spencer :

Autres / sludgeprogressifrançais

Critique écrite le 03 avril 2014 par Philippe

Quelqu'un qui sort un vinyle sans que jamais vous n'ayez entendu parler de son groupe dans un média mainstream, ni même sur Concertandco, et que vous ne découvrez qu'avec une bonne année de retard, ne peut pas être foncièrement mauvais. Encore moins si ce vinyle est de couleur uniformément blanche, comme une feuille vierge ! Quelqu'un qui choisit un nom aussi "commun" que Bud Spencer et se saborde donc volontairement en se rendant quasiment in-référençable sur le web (cf la jurisprudence des inspirés 'La Femme'), nous fait encore meilleure impression. Quelqu'un dont on a envie d'acheter le vinyle juste pour la beauté de sa couverture (un monstre fumant qui tient aussi bien du bouc, que du singe, de la pieuvre et de diverses autres choses restant à définir) a déjà presque gagné son pari.
Quelqu'un dont en plus, la simple lecture des titres de chansons vous met en joie tout en vous intriguant - et c'est le cas ici, allez, soyons généreux, on vous donne la track-list entière : Banana Joe, Enquillage à burnes !, Ugly Cap, Cuir Moustach, 100 % épeautre / Red, Ingestion de personnes décédées, Sac à Viande. Parle-t'on ici de nécrophagie, de végétalisme, de Sacher-Masoch ou de tout ça à la fois ? Quelqu'un qui intitule son disque "People are curious but from the outside" dans ce contexte déjà passablement dérangé, suggère en outre que les gens sont finalement moins curieux que prévu de l'intérieur et donc, que ce quelqu'un a manifestement déjà ouvert des gens ! Si en plus de tout ça un petit autocollant bienveillant de votre disquaire préféré précise : "sludge progressif et instrumental français", intitulé dont plusieurs mots semblent ne pas pouvoir correspondre, je vous le demande un peu, comment pourriez-vous seulement songer à ne pas acheter la chose céans et incontinent ?
Vous ne pouvez pas, et donc vous l'achetez. Et bien vous en prend ! Bien sûr et comme on l'espérait, le mystère persiste en ouvrant la chose : le disque est offert en CD en bonus, mais pas la moindre photo du groupe, aucune explication, juste une liste décourageante de contacts incongrus pour qui voudrait vraiment enquêter : deux adresses mail, une association à Nevers, un titre de fanzine (Truies, Porcs, Marcassins !), et a priori 4 labels différents situés, quand c'est précisé, à Hendaye/pays basque, Nancy/Lorraine, et Genève/Suisse. Bon bien sûr, sur le vinyle, il y a l'adresse du site web du groupe mais là, ce serait tricher que d'aller voir ou de vous la donner : démerdez-vous ! Un indice ? 3 690 000 résultats sur Google et le groupe ne sort qu'en troisième page, pour la première fois... Amener l'acheteur à un tel niveau de "WTF ?!" serait déjà admirable, mais le problème c'est qu'on a pas encore parlé de musique !
Or le disquaire, c'est connu, fait bien son travail : le son sludge progressif y est en effet (esprit Kylesa), avec en bonus une construction fréquemment surprenante des morceaux (esprit Mastodon), son qui donne l'impression, selon les moments, de dévaler des escaliers sous acide en hurlant de rire, de tomber dans le vide à la fin d'un rêve enfantin, de headbanguer dans un festival de metal lent en Suisse (esprit Neurosis), de galoper dans le Mordor poursuivi par une araignée géante, de courir en hurlant dans un sous-terrain cauchemardesque avec une torche vacillante, et finalement d'émerger dans une chapelle sinistre (esprit Sunn O)))). Mais aussi parfois, d'accéder au sommet d'une montagne brumeuse et de voir soudain apparaître un paysage fantasmagorique (esprit Mogwai). Bref, force est de constater que sur le fond, comme sur la forme, l'album de Bud Spencer est à l'exact opposé de son modèle patronymique : le monstre est aussi effrayant que ce brave Bud a l'air bonhomme, le son est aussi mystérieux que Bud peut être sans malice, la finesse des compositions n'a d'égal que l'épaisseur du "jeu d'acteur" de ce bon vieux colleur de tatanes obèse de Bud Spencer. Espérons toutefois que quelqu'un a bien pensé à envoyer au respectable vieillard napolitain (qui aura 85 ans aux champignons), ce disque qui lui rend ainsi un vibrant hommage... en creux. A découvrir d'urgence si une partie des noms droppés dans la chronique vous est familière... ou si vous êtes assez curieux/se pour accepter de vous perdre complètement !
(No Way Asso, Le Sourds Records, Nuclear Gaichal, Cal of Ror, 2012)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 03 avril 2014 par Philippe
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