ELECTRELANE : "THE POWER OUT"
The Power Out restera certainement comme l'un des meilleurs albums de rock de l'année. A une époque où le rock se résume à une affaire de mode et se pratique le nez dans le rétroviseur (revivals électro-pop, post-punk, gothique...), les quatre filles d'Electrelane ont choisi d'être elles-mêmes et de revendiquer leur singularité. "The Power out" représente ce que devrait être le rock en 2004, et donne à entendre un groupe en état de grâce. Laissant de côté le tout-électronique auquel a recours la majorité de ses contemporains, nos quatre héroïnes se reposent sur une formule classique (basse-guitare-batterie-claviers) et confient la production de leurs compositions au grand Steve Albini. Le résultat est saisissant. Concentrant leur propos par rapport à leur premier album (l'infernal "Rock it to the moon"), Electrelane propose une musique intriguante et exaltante à plus d'un titre. D'où vient la supériorité d'Electrelane ? Le groupe nous donne la réponse sur le morceau inaugural, le superbe "Gone under sea". Le disque s'ouvre sur des arpèges élégiaques, auxquels les filles de Brighton nous ont habitués. Une surprise de taille attend l'auditeur : la voix de Verity Susman. Electrelane n'est plus un groupe instrumental, et l'on ne peut que s'en féliciter tant ce chant se révèle indispensable. Le magazine anglais "Wire", auquel contribue pourtant Mia Clarke, guitariste du groupe, a émis un jugement extrêmement d'favorable sur "The Power Out", en particulier sur la voix de Verity Susman, comparée aux miaulements d'un chat coincé sur un arbre. Certes, d'aucuns, prenant un air affecté et un certain plaisir, nous soutiendront que cette fille ne sait pas chanter. A ceux-là, nous suggérerons de nous laisser tranquilles et de retourner écouter les vocalises de la Castabjörk, car pour notre part, ce chant maladroit soutenant dans un français charmant que "les mensonges c'est désespéré" est certainement une des choses les plus touchantes que nous ayons entendues depuis longtemps. Et lorsque, pour couronner une montée en intensité sans faille, Verity Susman accompagne ses cris de superbes "avé Maria", nous tenons la reéponse à notre question : la supériorité d'Electrelane vient de sa foi indéfectible en la musique. Bien sûr, ce groupe a ses influences (le morceau ressemble à du Stereolab, donc à du NEU !), mais il sait les transcender pour en faire quelque chose d'unique. Cette fois se retrouve sur le mystique "This deed", ou les quatres sirènes de Brighton interprètent à la manière d'une chorale angélique un texte de Nietzsche sur la mort de Dieu (en allemand qui plus est). "Oh Sombra !" est la mise en musique d'un sonnet du poète espagnol Juan Boscon. C'est également un morceau sublime, où le chant déraille superbement, se permettant toutes les libertés. "On Parade" est un morceau infernal qui provoque l'hystérie. Tous les éléments (voix-batterie-guitares) sont adroitement imbriqués pour mener à l'explosion finale, où, après un break haletant, l'une des basses les plus jouissives qui m'aient été donné d'entendre débarque pour intoduire cette exclamation : " I bet I'd like your underwear". Mais le point culminant de l'album est sans doute le fantastique "The Valleys", où une chorale interprète demanière dramatique le splendide poème de Siegfried Sasoon, "A letter home". Les arrangements vocaux imaginés par Verity Susman sont tout simplement renversants (on pense aux derniers travaux de Silver Mount Zion), et prennent place au milieu d'une musique qui se plaçant en retrait pour mieux les mettre en valeur, n'en demeure pas moins envoûtante.
Les quatre croisées de Brighton viennent de se fendre d'un album unique, qui embellira votre vie.
Critique écrite le 06 avril 2004 par DJ Deschamps