Critique d'album
Elliott Murphy : "Elliott Murphy Is Alive!"
Comme souvent, divers sentiments se mêlent, divergent ou s'entrechoquent, lestés d'angles contradictoires, lorsqu'un artiste décide, de SON VIVANT, d'entrouvrir un rien (en grand, bientôt ?) la poussiéreuse porte de ses musicales archives : qu'il s'agisse, en l'état, de bandes "studio" ou "Live". Est-ce toujours pertinent ? Y à-t-il toujours un public disposé à les recevoir, quelques années ou décennies plus loin ? N'est-il pas déjà trop tard, pour s'y livrer ? Sont-elles (encore) dignes d'être tout à coup mises à dispo, exposées en pleine lumière ? Des gens sont-ils prêts à payer ou s'enthousiasmer pour cela ? Pas simple. Pas tranché, Pas... gagné.
Qu'est-ce qui peut donc bien les pousser un beau jour à le faire ? Lorsqu'il ne s'agit pas d'une grosse pression appliquée, "façon couvercle", par un label gourmand, d'un contrat discographique "bancal" à régulariser au plus vite ou d'un trop-plein de bootlegs envahissant le Net et les bacs (rien de tout cela ici, c'est à noter).
Autre problématique majeure : comment regarder d'avec (ou d'entre) les oreilles d'aujourd'hui, un show enregistré en la lointaine 2008 ? - pour certains groupes mythiques, c'est encore plus délicat, lorsque l'on exhume des captations sonores, parfois très anciennes, qui ne correspondent plus du tout aux divers changements de directions opérés depuis, au fil du temps ou des enregistrements, encore moins aux performances "Live" du moment : loin des musiciens originaux ou membres fondateurs.
Sur ce point, très précis, aucun écueil majeur à relever ou pointer ici, puisque le gars Elliott est toujours en activité et la plupart du temps sur scène aux côtés de son (désormais) plus vieux complice, nommé Olivier Durand. De plus, comme il n'aura pas succombé aux chants envoûtants des sirènes et ne se sera pas adonné au fil d'Ariane cousu de paillettes de la mode, pas de grosse surprise à en attendre, ou redouter ; peu ou prou, il se sera "contenté" de suivre son chemin depuis l'aube de son temps (l'améliorant sans cesse, l'enrichissant) : celui qu'il aura lui-même su créer, modeler puis imposer à son fidèle auditoire, album après album, après album, après... album ! - Aucune incartade "disco" connue, de (re)mix Electro s'étalant sur des plombes ou de featuring Hip Hop, chez le natif de Rockville Centre, New York, nope : amoureux de la continuité et de la durée indexée sur fidélité, you're really welcome ! Un mode, "cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage..." (Nicolas Boileau/goûteur de mots du XVIIe), qui rassure et convainc au niveau de ses intentions initiales, de sa toujours efficiente et perspicace, actualité.
Au niveau des satisfactions à ne pas bouder de plaisir intense, à l'écoute de ce sémillant "Elliott Murphy Is Alive!", la possibilité pour nous d'entendre de nouveau des morceaux peu joués dernièrement, abandonnés ou oubliés depuis : au fil des ans, des albums parus et des multiples tournées. Aussi, c'est un réel plaisir, que de redécouvrir la finesse d'Ophelia, les gammes hispanisantes et l'énergie débordante de Razzmatazz, l'extrême malice nichée derrière les mots évoquant la "Fille de Frankenstein" (Frankenstein's Daughter), la paire formée de Scandinavian Skies/The Valley Below (envoûtante, apaisée autant qu'éthérée), ou bien l'épastrouillant Canaries In The Mind. Sans oublier pour autant de goûter au mieux au mélodieux et imparable Crepuscule (extrait de Notes From The Underground/1995) qui, dès les premières pincées d'acoustiques inaugurales - précises, justes, inspirées - installe, pose le cadre et prépare d'autant le public/auditeur, à tout ce qui suivra.
À ce niveau, l'architecture sonore "bâtie" par le fils prodigue Gaspard, séduit résolument les esgourdes et les ravi au mieux. Aussi, les notes d'acoustiques occupent au mieux l'espace, sans pour autant prendre le pas sur les vocaux, eux-mêmes omniprésents mais pas trop mis en avant dans le mix (avec un Olivier carrément en forme vocale internationale, ce soir-là !) ; un très bel équilibre, du confort moelleux pour les pavillons, en somme...
Si la performance séduit d'emblée, l'on ne peut gommer un sentiment de logique frustration né du manque, de l'absence - cela concerne tout un chacun, c'est du domaine de l'intime - de certaines chansons "marquantes", pourtant jouées ce soir-là mais manquant néanmoins ici à l'appel : On Elvis Presley's Birthday, A Touch Of Kindness, Sicily, Destiny, Dusty Roses, ou bien encore, la magique Pneumonia Alley ! D'autant qu'il restait encore près de 15 mn de CD espace, avant d'en atteindre ou dépasser le "découvert minutes autorisé".
D'un autre côté, je vais mettre la pédale douce, sur ce sujet, tellement je peste en "interne" depuis l'invention de ce support numérique, contre ces artistes qui s'obstinent à remplir leurs disques "à donf", juste parce qu'ils en ont la possibilité, juste, souvent au détriment de leur but/propos initial ou bien du résultat final ! Ces stakhanovistes de la note, qui nous infligent, à chaque nouvelle sortie, près d'une heure vingt de nouveaux morceaux dont une belle part serait (logiquement) restée en rade à l'époque du vinyle et de ses limitations minutées, ou bien aurait juste servi à "habiller" la face "B" des 45t, à fournir de l'inédit lors de futures compilations caritatives, d'"hommages" ou coffrets rétrospectifs. Lors, n'en déplaise à certains "gommeurs", éradicateurs de mémoire musicale, à une certaine époque, encore toute proche, une grande partie de ces morceaux (remis) en question se serait retrouvée à moisir d'obscur dans des coffres pour l'éternité ou bien aurait tout bonnement fini "au panier" ; là où sa véritable (courte) destinée, in fine, se trouvait...
Pour plus de "détails et infos précises", concernant cette "Live" sortie, il suffira de lire l'Interview, réalisée à cet effet, des deux duettistes en question, à suivre tout bientôt sur ce même site...
Critique écrite le 07 décembre 2018 par Jacques 2 Chabannes
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