Accueil Chronique album : Eric Clapton - Old Sock, par Captainbeurk
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Critique d'album

Eric Clapton : "Old Sock"

Eric Clapton :

Jazz - Blues

Critique écrite le 28 mars 2013 par Captainbeurk

Passons sur la pochette, assez moche, de ce nouvel album sur laquelle Eric Clapton a effectivement l'air d'une vieille chaussette pour aller à l'essentiel : la musique. Le bonhomme en est à une période de sa carrière où tout lui est possible. Plus de pression de la part des maisons de disque, le bonhomme vend toujours sans que cela pose de questions existentielles, il est reconnu par tous les guitaristes en herbe et ses pairs, c'est un survivant de la drogue, de l'alcool, de la mort accidentelle de son fils, c'est pas un directeur artistique sorti d'une école de commerce qui va l'emmerder ! Bref, Clapton, ex-dieu, est un guitariste qui chante. Sauf que depuis, disons l'album Pilgrim, en 1998, on parlerait plutôt d'un chanteur qui joue de la guitare. Clapton a toujours eu du mal avec sa voix mais s'est obstiné à la travailler encore et encore jusqu'à devenir un chanteur émouvant sans posséder un organe démentiel ou une technique sidérante. De fait, depuis 1994 et le formidable album de reprises blues, From the craddle, premier pas de son émancipation, cela faisait des années qu'il en rêvait de cet album, Clapton alterne les albums "guitare" et les albums "chant". Pilgrim, Reptile, Back Home, l'album Eric Clapton de 2010 et ce dernier opus font partie de la seconde catégorie. A cela s'ajoute un autre élément, le recours de plus en plus évident à des influences jazzy qui égayent les origines blues du guitariste, lui donne une autre couleur. Sauf que cela s'accompagne d'une prépondérance des titres mid-tempo ou down-tempo à la guitare électro-acoustique pour une ambiance plus proche du jazz club plein de fumée et de bourbon frelaté que du concert en plein air plein de fumée de merguez et de relents de coca light. Les albums les plus représentatifs de cette direction artistique sont le déjà cité Eric Clapton, ainsi que Play the blues - Live from jazz at Lincoln Center en compagnie du trompettiste Wynton Marsalis, un type qui sort crucifix et eau bénite à l'évocation du free jazz !



A bien regarder, Clapton délivre désormais ses meilleurs parties de guitares sur les albums pour lesquels il est invité, ainsi en est-il de sa participation à l'excellent album de Paul Mc Cartney, Kisses on the bottom. Ce nouvel album, Old sock, drôle de titre, est un album "chant" très tranquille, plein de reprises variées dont trois reggae, de la country, du Gershwin, des invités de prestige (Steve Winwood, Taj Mahal, JJ Cale, normal, son influence est évidente, Chaka Khan, Paul MacCartney, juste retour d'ascenseur). Les influences blues sont toujours là mais moins directes. Il n'y a qu'à écouter la reprise du Still got the blues du regretté Gary Moore pour comprendre ce que je veux dire. L'intro est pure blues mais dès l'arrivée de la voie, Clapton déboule avec piano et violons pour en faire quelque chose de très éloigné de l'original qui possédait pourtant également des parties violon. En jouant ce titre avec une certaine réserve, Clapton évite de se frotter à la comparaison avec l'originale, plus rageuse, plus lyrique. Reste que les violons, pour le coup, sont de trop. Mais bien tenté quand même.

Bien sûr, on peut regretter les envolées de guitare dont Clapton est capable. Ce type a quand même créé des classiques de la gratte qui font rêver tous les apprentis de la six cordes. Ce type est capable de convoquer dieux et diables dans ses doigts. Ceux qui ont pu, comme moi, vivre sa version de Voodoo Chile à Bercy il y a quelques années sauront ce que je veux dire.

Et en même temps, on ne peut, avec un minimum d'honnêteté, que remarquer qu'il y a dans cette démarche comme une façon de vieillir avec dignité. Après tout, a-t-il seulement encore envie d'être uniquement un guitar hero ? Les mauvaises langues diront qu'il n'est en plus capable, ce qui est une possibilité qu'il faut considérer parce que l'âge rend certes sage mais aussi moins agile des doigts.
Dignité donc dans cette volonté de ne faire que ce qu'il veut faire sans recourir à son passé, à son image éternelle de roi du manche. Une leçon de vie en quelque sorte.

2013

 Critique écrite le 28 mars 2013 par Captainbeurk
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