Critique d'album
Joseph Arthur : "The Graduation Ceremony"
Le problème, lorsque l'on s'attaque à ce type d'album capable à lui seul de faire en sorte que tout s'efface tout autour durant un certain laps de temps, plus ou plus... Long ! Musicalement parlant (à définir selon la profondeur d'addiction de chacun, dans le plus pur style : "posologie appliquée et long sevrage de fond en perspective"...) c'est qu'il aura simplement suffi d'un revers de saphir posé, puis creusé sous bras, pour que tout se teinte de différent en suivant.
Généralement, l'on aurait plutôt tendance à aborder cet épastrouillant The Graduation Ceremony, de deux façons radicalement différentes : de peur de ne pas arriver à retranscrire pleinement les multiples émotions qu'il suscite, façonne, écorche ou déterre. La première approche consisterait plutôt à faire court, à user de formules et superlatifs par poignées, histoire d'accrocher puis ferrer l'attention du promeneur du "Net" au plus vite, en moins de temps qu'il ne lui en faudra pour télécharger l'album en suivant sur le très officiel www.josepharthur.com - en lieu et place d'autres achats plus dispensables : un ennuyeux remix de plus, labellisé "Lady "Point" G", le énième et pathétique retour variétoche de Johnny l'Opticien, ou LE sempiternel Hit de l'Été ramoneur de neurones, hardeurs, tongs et... nerfs !
"Un album tendu, profond, en équilibre permanent entre "petit" soi et l'"autre", l'éventuel "autre", qui met du baume à foison et panse peu à peu les diverses plaies et bosses, les petites langueurs de la vie rêvée/fantasmée à deux !" : serait sans doute à même de faire la maille. De même, que, le très basique, banal, balisé de l'écrit : "12 chansons écorchées de vif qui déversent du sel sur les plaies béantes de l'"après" rupture, sans omettre pour autant de distiller également le miel ou le foutre à foison, selon affinités sélectives et moments clés à goûter d'urgence : "This is Still My World" (et ses arrangements précis, chiadés) "Love Never Asks You To Lie" (qui s'éteint peu à peu dans un ultime souffle de lutte, de vie, d'envie ?) ou bien encore, l'envoûtant, parfait, intriguant et mélodieux en diable "Gypsy Faded"... entre autres !".
Il suffirait alors d'y adjoindre une petite pincée de "références" historiques, ou plus récentes - sa découverte passée sous Peter Gabriel, ses chansons "clé" : In The Sun, History, Big City Secrets, Vacancy, Lonely Astronauts, Leave Us Alone... ! Ses escapades de groupe vécues pleinement auprès du gang hétéroclite d'humains musiciens formant les baroques Lonely Astronauts ! - de s'étendre un tantinet sur sa carrière d'Artiste Peintre menée de front, en parallèle ou au contact de ses multiples tournées poussées sans répit autour du globe et des lieux les plus reculés, pour arriver à boucler sèchement l'affaire en mode "laborieux", soit, mais tout de même satisfait du devoir accompli en l'instant "TGC" !
Lors, cela me paraîtrait néanmoins et (mal)proprement insuffisant, "petit", indigne de la qualité intrinsèque affichée par ce très bel effort créatif qu'est et sera The Graduation Ceremony. Lorsque l'artiste s'implique, se livre, s'"arrache" à ce point pour NOUS faire don d'une réelle partie de lui au final, la moindre des choses est de s'impliquer pleinement à notre tour, ou bien tenter de se hisser à son niveau d'exigence au moment de disséquer la chose ; un juste retour des choses, ce me semble, histoire que de remercier chaleureusement la main qui crée, qui façonne, qui donne, retourne, et comble.
Depuis l'inaugural Out On A Limb, jusqu'au point de non retour du couple, lesté d'amertume (Love Nevers Asks You To Lie) affiché en mode "Putain de Saint-Valentin de mes deux !", l'album flatte les pavillons (et la coproduction de John Alagia) séduit sans forcer : niché sous une fine couche d'acoustiques cristallines, de rondes basses posées d'espace en contrepoint, de notes de claviers minimales, de bases rythmiques qui tissent et "habitent" le tout, plus qu'elles ne pulsent, au final (uvre du "fantasmagoricoexceptionneloélevésouspeauxettoms" batteur de légende qu'est Jim Keltner, qui ce sera assis, quarante années durant, derrière LE gratin du Rock, du Blues, du Jazz ou de la Folk : depuis George Harrison, Ry Cooder, Pink Floyd, Roy Orbison, Neil Young, Éric Clapton, Brian Wilson, ou Dylan... Bob !)
Au bout du bout du compte, de multiples écoutes enfiévrées jusqu'à plus soif, enchaînées d'excès, plus loin - malgré quelques rares moments, un rien en "retrait" : Over The Sun, Midwest - ce The Graduation Ceremony, gravi, puis tutoie aisément les sommets du genre : le Blue, de Joni Mitchell ; le Here, My Dear, de Marvin Gaye ; le Rumours, de Fleetwood Mac ; le Sea Change, de Beck ; le Tunnel of Love, de Bruce Springsteen ; l'inégalable et resté inégalé, Blood On The Tracks, du gars Zimm' ! (Encore et toujours juché au dessus du lot du commun des artistes, même en matière de "pain" pris en pleine gueule...).
Un disque qui plane et stagne (parfois) avec magnificence, au dessus du petit lac noir et embrumé qu'est celui des relations "Homme Femme" ! "Je suppose qu'il existe une chance de nous voir réunis tous deux un jour / mais ça me semble difficile, vu les conditions actuelles / je n'ai juste pas vu cela arriver, alors pardonne moi d'encaisser aussi mal ce choc / celui de me voir désormais marcher tel un étranger au milieu de ce qui m'était jusque-là familier..." (Gypsy Faded On Us).
2011 / Lonely Astronauts Records / Fargo
Disque disponible chez Massilia Records (13 cours Lieutaud, 13006 Marseille)
Critique écrite le 28 juillet 2011 par Jacques 2 Chabannes
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