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Chronique album : Me As The Devil - Cannibal (EP), par Philippe
Vendredi 15 novembre 2024 : 6918 concerts, 27223 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Critique d'album
Me As The Devil : "Cannibal (EP)"
On se souvient pourtant bien qu'au début de ces années 2010, la communauté metal se lamentait de l'absence, depuis Rammstein 15 ans auparavant, d'un groupe capable de la fédérer au delà de ses chapelles pointues, un combo capable de renouveler un genre qui commençait à radoter sérieusement, un groupe qu'ils puissent à nouveau suivre aux quatre coins du monde, avec une identité visuelle qu'ils puissent afficher sur leurs t-shirts, leurs sacs et leurs vestes, un nom qui claque à tatouer sur leurs corps, un groupe si possible mixte, et en tout cas mené par un ou plusieurs leaders charismatiques...
Et que cette communauté se trainait donc, bon gré mal gré, revoir chaque année les même groupes de quinquas squatter les têtes d'affiche des festivals spécialisés : Hellfest, Graspop, Wacken etc... : bien sûr, Metallica, Iron Maiden, Black Sabbath (reformé en 2013) ou les Scorpions déchaînaient encore la nostalgie des plus vieux et l'enthousiasme des plus jeunes... Mais aussi et surtout, une affection teintée d'ironie de la part du gros de la troupe, la fanbase de 25 à 45 ans, qui avait alors compris que la révolution du metal ne viendrait pas d'en haut... Mais qu'elle partirait bien, fatalement, de quelque part en bas !
A le réécouter aujourd'hui, ça paraît évident : Cannibal EP avait tout pour être la goutte qui déclencherait ce tsunami. Parce que tout simplement, grâce à un mix idéal de culture musicale et d'audace, comme son prédécesseur M6asth6d6vil, enfin, il emmenait le metal ailleurs... mais là n'était pas son seul atout. Album violemment trop court (4 titres sur 2 faces, plus 2 à télécharger) ! Design sobre jusqu'à l'austérité ! Digestion parfaite de l'histoire du metal (la bête étant tenue en respect la plupart du temps et lachée toujours à bon escient), mais aussi du pop-rock et de l'électro, avec un sens imparable de la mélodie, une richesse de son à tomber ! Un single brutal et groovy à la fois, la tuante Cannibal (vidéo ? ici !), qui ne mettait que quelques secondes à vous replonger corps et âme dans l'univers torturé de Me As the Devil, avec ses ponts mystérieux et son refrain qui vous obsédait ensuite pendant des jours... Holy Sentence, et son malicieux renvoi au plus grand tube new-wave des années 80, ressurgissant entre les riffs de guitare et une batterie en plomb fondu... La touche presque discoïde de She's coming back for me (vidéo ? là !), achevée dans une furieuse cavalcade thrash... Et puis bien sûr, Angel, tube instrumental et immortel du groupe (au même titre que The Great Escape Plan), et titre vers lequel semblait converger tout le disque. Sans oublier l'introspective Teufel, traditionnellement jouée à la fin des shows du groupe et reprise par des milliers de gorges enrouées - et pourtant à l'époque, une simple chanson bonus... Ou pour finir, la toute première interprétation de la poignante Give it to me, vendue ensuite à Marylin Manson avec le succès que l'on sait, puisque le titre a relancé sa carrière jusqu'à ce jour...
Aujourd'hui, en 2021, maintenant que l'histoire de l'ascension stratosphérique de Me As The Devil, largement documentée, est connue des metalleuses et metalleux du monde entier, trois albums et plusieurs tournées sold out plus tard (et dans des lieux toujours plus grands), les 300 exemplaires de l'édition originale de Cannibal EP s'arrachent à prix d'or sur Vinylbay - on ne vous apprend rien ! Il est également de notoriété publique que cette édition originale est l'un des objets repro-3-dés le plus souvent saisis chez les faussaires - sans pour autant tromper les vrais fans sur la texture inimitable du papier cartonné originalement utilisé, et dont certains peuvent pratiquement dessiner de mémoire les petits incrustations colorées...
On dit enfin de ce disque ô combien mythique, que quelques dizaines d'exemplaires originaux en dorment encore chez de bons pères ou grand-pères de famille alsaciens, les contributeurs de 2013, régulièrement dérangés au téléphone - ou même à leur porte - par des chercheurs transis (puisque leurs noms sont cités à l'intérieur du disque dans sa pression originale, et donc depuis longtemps divulgués sur le web). Que les trois grandes et belles jeunes filles du chanteur, qu'on aperçoit parfois admirant leur hirsute héros de père depuis les backstages (cf par exemple le fameux et fabuleux concert Glastonbury Me de 2018), changent régulièrement de numéro de T-pod pour échapper aux petits malins qui tentent encore leur chance par cette voie éhontée...
Quel dommage, pour la plupart de ces hordes de fans hardcore de Me As The Devil, légitimement enragés à l'idée qu'ils ne peuvent décidément plus y accéder en 2021, qu'ils n'aient pas eu connaissance de l'existence de ce vinyle, devenu en quelque sorte le Graal du metal, lors de sa sortie presque confidentielle, à la fin de 2013, il y a à peine un peu plus de huit ans. Il y a une éternité...
(2013 - Me As the Devil)
Critique écrite le 07 janvier 2014 par Philippe
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