Critique d'album
Metallica : "Some Kind Of Monster / DVD"
A ma gauche James Hetfield, frontman, grand gaillard tatoué, autoritaire et fort en gueule, genre impulsif capable de plaquer le groupe en répétition pour partir en vacances en Russie. A ma droite le petit Lars Ulrich, batteur émérite (le seul que j'aie vu de mes yeux faire un solo en courant autour de la batterie) mais sacré emmerdeur dirigiste, lui aussi. Au milieu pour compter les points, le bassiste Jason Newsted ayant claqué la porte (ce qui a bien fichu la pagaille), ne reste que le doux Kirk Hammett (pourtant redoutable guitar hero) qui préfère s'esquiver en allant faire du surf...
Le début du film est assez pitoyable : incapables de s'écouter, ils essayent péniblement d'enregistrer entre deux engueulades ce que n'importe quel metalleux un peu averti reconnaît comme de la merde en boîte. La seule chose qu'ils trouvent à faire est de recruter un psy pour sportifs (à 40 000 $ par mois), en espérant régler le problème de leur absence totale d'envie de jouer ensemble. Evidemment la première étape aurait logiquement été de désintoxiquer Hetfield, alcoolo notoire... ce qu'ils feront dans la douleur : il s'absente plusieurs mois, refusant de parler à Ulrich, laissant les autres douter - excellente mise en lumière du processus de split, ici évité vraiment de justesse.
Pendant ce temps un autre coup dûr : Lars Ulrich s'est senti investi de la mission de défenseur des artistes contre Napster. Résultat, un procès retentissant et une haine tenace de certains fans, qui piétinent en public des albums de Metallica (mais pas les meilleurs, juste Load et Reload, pas fous les mecs). Problème qui vient encore un peu destabiliser le groupe qui tente de répéter en respectant les horaires de la cure de désintox du chanteur, celui ci ne supportant pas que les autres travaillent sans lui. Autre moment touchant, les retrouvailles avec Dave Mustaine, membre du quatuor d'origine, viré il y a vingt ans et vivant toujours dans le regret et le doute malgré sa petite affaire florissante (Megadeth, 15 millions d'albums vendus...). Beaucoup plus tard, la thérapie collective finit par porter ses fruits : ils finissent par détester unanimement l'intrusion du thérapeute tout en reconnaissant qu'il leur a fait un bien immense (ce que je crois être à peu près la définition d'une analyse réussie).
Le fait de recruter un nouveau bassiste, après un défilé impressionnant du gotha du metal, en la personne du bel enfant Robert Trujillo (une bestiasse aux doigts diaboliquement groovy issu de Suicidal Tendencies), achève de les ressouder. Ils sont alors prêts à retourner à la rencontre de leur public, qui témoigne d'un retour d'affection à la hauteur de la 'brouille Napster'. L'extraordinaire scène de leur retour à Rock am Ring, temple du metal, dans une ovation incroyable et sur une musique d'Ennio Morricone, donne littéralement le frisson, même si rien ne dit que ces retrouvailles vont pouvoir durer (en tout cas le groupe tournait toujours, fin 2006).
On pourrait imaginer le film réservé aux amateurs de metal, aux fans du groupe, qui en effet sont gâtés en extraits de studio et de live, montrant Metallica en train de faire parler la poudre (rappelons qu'ils sont les meilleurs dans leur catégorie). Cela dit derrière cette histoire singulière, il y a toute la difficulté du processus créatif collectif, problème qui doit se poser chez à peu près tous les groupes. Et puis une immersion intéressante même d'un point de vue technique, quand on est pas ingé'son : on voit à quel point Protools rattrape les cafouillages et on comprend mieux que tant de groupes soient si mauvais sur scène alors qu'ils sonnent excellemment sur album.
Une réflexion enfin sur la difficulté d'un groupe à s'inscrire sur la durée (il n'y en a pas tant qui tiennent si longtemps, sans départs ni arrivée). Et le plus fort pour conclure, c'est que de toute cette pénible période de doute (mais matière à cet excellent reportage souvent digne de l'émission Strip-Tease) est finalement sorti en 2003 un excellent album de garage metal, retour aux fondamentaux du groupe, le dépaysant et explosif St Anger que je chroniquerai (oui c'est une menace) à la prochaine insulte anti-metalleux que je subirai.
(2007)
Critique écrite le 01 janvier 2007 par Philippe
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