Accueil Chronique album : Pascal Escobar - Pachuco Hop (livre), par Philippe
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Critique d'album

Pascal Escobar : "Pachuco Hop (livre)"

Pascal Escobar :

Pop - Rock / punqueroque

Critique écrite le 03 octobre 2020 par Philippe

Chroniquer sa vie en rock en mode "gonzo", selon la voie tracée par les grands anciens, est moins facile qu'il n'y paraît... Il faut avoir des mésaventures intéressantes à raconter, et donc qu'elles vous soient d'abord arrivées... Il faut ensuire savoir s'y mettre en scène de façon appropriée, en trouvant le juste milieu entre une auto-dérision complaisante, et une auto-glorification excessive. Autre règle d'or : ne jamais jamais, au grand jamais, chercher de justification à ses propres comportements déviants, et jamais d'apitoiement pour leurs conséquences éventuellement désagréables ("No explain, no complain"...). En clair, le lecteur ne doit jamais penser de vous, ni "Pauvre chou !", ni "Sale mytho" !
Le style gonzo offre une porte de sortie facilitatrice quand même : on a droit, à peu près sans limites, à l'exagération et au mélange dans les anecdotes, tant que cela sert à rendre l'histoire plus belle ou plus marrante ("Print the legend"...). Peu importe si une partie des épisodes racontés n'est pas exactement arrivée, ou un peu embellie/amochée, tant que ça reste crédible et que ce n'est pas totalement inventé - à condition de toujours penser à garder au moins un témoin survivant sous la main, en cas de procès... Enfin et surtout, il faut avoir le sens de la formule qui tue, savoir aligner des punchlines qui doivent faire au moins sourire, et si possible faire se marrer franchement vos lecteurs. Tenter d'évoquer des images dépravées qui s'approchent un peu, si possible, des fulgurances inégalables du grand Hunter S. Thompson quand il ravageait les hôtels de Las Vegas ou qu'il chassait le requin au Mexique, toujours bourré jusqu'aux yeux de drogues variées et dangereuses ("uppers, downers, screamers, laughers...").

Pascal Escobar sait parfaitement faire tout ça ! Il s'est d'ailleurs entraîné en lisant (et même en publiant à fonds perdus !) de grands gonzo punks comme George Tabb ou Aaron Cometbus. Doué d'un style à la fois personnel et respectant ces grands principes, il n'hésite donc pas à se présenter un poil plus glorieux qu'il ne le fut (il prétend que le public de la Machine à Coudre s'ouvrait comme la Mer Rouge quand il y entrait, à la grande époque...). Mais il ne rechigne pas non plus à se montrer plus pathétique qu'il ne le fut (en prétendant par exemple avoir perdu sa dignité un nombre incalculable de fois...) Pour le connaître personnellement (enfin juste un peu, mais depuis longtemps) - même si on l'a vu jouer cent fois, on ne l'a pas suivi partout après et jamais en backstage, c'est sûr - on peut témoigner que de mémoire, on ne l'a jamais non plus croisé sans son pantalon, ou niqué au point d'être incapable d'articuler un mot, ou encore vautré par terre dans son vomi... Rien de dramatique de notre point de vue, donc.

Par ailleurs, il se trouve que ce guitariste joliment poseur a joué dans presque tous les groupes de son genre qui ont compté, circa 2000-2015 (Gasolheads, Ich bin Dead, Neurotic Swingers...), mais aussi dans Bleifrei, première tentative lycéenne d'être rock et surtout punk, dans les quartiers Nord de Marseille. A l'époque, il fallait sans doute un certain courage pour porter un cuir au dessus de pulls de femme cintrés à rayure, sous les quolibets des minots alentour... Autrement dit, il a été dans tous les bons/mauvais coups possibles, et aux premières loges. Alors après avoir publié en 2019 une Histoire du Rock à Marseille que certains ont trouvé partiale, mais qu'on avait déjà jugé assez flamboyante dans son style, gentiment gonzo dans son évocation des lieux mythiques, et donc globalement passionnante, il a bien gagné le droit d'écrire, cette fois, son histoire du rock à Marseille : celle qu'il a déroulé sur les 30 dernières années... On ne va pas multiplier les liens hypertexte ici mais évidemment, Concertandco (branche Marseille) peut se targuer d'avoir chroniqué une assez grande partie des concerts donnés par cette mythique scène "punqueroque", organisée autour de la regrettée Machine à Coudre, et dans la rue du même nom, Roque.

Question punk-rock et face B de la vie en tournée de ces petits/grands groupes, on est servis donc, et c'est bien sûr aussi leur histoire à eux qui s'inscrit en creux, notamment leur vie en tournée ou en backstage. S'adressant aussi bien aux gens qui ont connu cette scène mythique (et qui perdure heureusement sous d'autres formes), qu'aux autres, il prend grand soin de ne jamais prénommer les protagonistes, mais de toujours permettre qu'on les reconnaisse, si jamais on les connaît ("le bassiste des Hatepinks", ce genre). Distance parfaite et risques de procès limités : l'idéal... La mère de ses enfants, la "chanteuse d'Ich Bin Dead" donc, y est évidemment un personnage récurrent, qui lui tend sans prendre de gants le miroir de ses petites grandeurs et de ses grandes décadences. Mais son évocation ouvre aussi la porte à des côtés bien plus personnels et touchants de l'histoire du rock de Mr. Escobar, relatant sans aucun fard ses addictions (celle à l'alcool en particulier), ses séparations déplorables (et ses retrouvailles prudentes), ses errances professionnelles très diverses, et par là-même tout ce qu'il juge avoir foiré dans une vie déjà bien remplie (puisqu' "il a tout raté, sauf la guitare", dit la 4ème de couverture).

On l'aura compris, Pachuco Hop de Pascal Escobar (qui reprend en partie ses chroniques parues dans le fanzine Dig It), est une lecture chaudement recommandée, aussi bien aux gens qui n'auraient jamais passé la porte de la Machine, qu'à d'autres qui auraient été jusqu'à en partager la scène avec l'auteur. Personnellement on l'a dévorée en quelques heures... Et une image forte nous en reste : quand revenu (temporairement ?) de tout, l'animal va courir tous les dimanches matins sur les plages du Prado pour fêter son abstinence, elle évoque celle d'un Rocky levant les bras en haut de ses escaliers philadelphiens, cabossé de partout mais globalement victorieux et ayant sauvegardé l'essentiel - son intégrité donc, l'auteur confessant qu'il se retrouve parfois en larmes face à la mer, face au soleil et plus globalement sans doute, face à la vie. A ce moment-là, on aimerait pouvoir lui donner une tape amicale sur l'épaule et lui rappeler une ou deux devises rock pour la suite... Have fun and stay wild !, par exemple, ou mieux encore : Keep on rockin' !

(Pachuco Hop, Chroniques, Editions Mono-tone, 2020)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 03 octobre 2020 par Philippe
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