Critique d'album
Noir Désir : "En Public"
Alors oublions le fait divers, ressortons enfin des amalgames débiles et du bla-bla, pardonnons même à la pitoyable Lio le fait d'avoir osé dire (troublée par le chagrin il est vrai) que Noir Désir musicalement c'est pas si terrible que ça... car lors de cette tournée où nous les vîmes pour la dernière fois (à Istres en l'occurence), Noir Désir avait atteint la perfection.
Ou plutôt l'avait dépassée : arrivé à un niveau de maturité étrange, le groupe les connaissait si bien que plusieurs de ses chansons furent plus ou moins dynamitées. Et du coup, il n'y a pas une seule version ici qui ne surprenne pas au moins un peu l'oreille même aguerrie du fan. Il faut dire que le groupe a fait la sélection de chaque chanson en fonction des meilleurs soirs (sur 60 dates et presque autant d'interprétations), donc forcément ceux où quelque chose s'est passé : essais transformés, ratages magnifiés, fulgurances passagères et jamais reproduites...
Certes, on y perd en spontanéité - j'ai un petit faible pour les live d'une seule pièce, d'ailleurs j'ai une copie 'pirate' de cette tournée (diffusée à la radio). La chanson Des Armes, pour ne citer qu'elle, y est plus ou moins ratée : il y a le synthé réglé trop fort au début, la voix de Bertrand qui dévisse dans la face nord, et trois crétins qui gueulent pile au mauvais moment... Alors il faut le reconnaître : quel bonheur d'entendre Des Armes ici parfaitement chantée (avec le fameux frisson sur des qu'il faut se garder bien connu des fans) et sans interventions intempestives...
On aura compris que l'idée de ce disque est donc plutôt de montrer le groupe dans son état de quintessence scénique, musicalement au top et s'il le faut au détriment du vocal (un Tostaky dont le refrain est couiné par un chanteur visiblement au bord de la syncope a par exemple été conservé). Les chansons gardées sont celles avec la meilleure improvisation de gratte, le meilleur solo de batterie, la meilleure digression de fin de morceau, choisies expressément par le groupe qui a eu totalement la main sur ce Director's Cut.
Faut-il dès lors leur détailler les chansons, leur dire que Les Ecorchés ou la Chaleur sont des tueries, leur préciser que le CD n°2 contient trois reprises plus ou moins inédites, que l'expérience des remix One Trip, One Noise transparaît à de nombreux moments en transfigurant le son du groupe, qu'A l'arrière des Taxis n'a pas pris une ride ... Pourquoi enfoncer des portes béantes ? Non, ne leur disons pas, ils disent qu'ils ont compris, qu'il n'y a plus que le choix, que l'esprit qui souffle, guidera leurs pas...
Tout ça, les aficionados l'ont deviné et/ou voudront le découvrir par eux-même ! Alors merde à Dieu, merde aux hommes et surtout merde aux charognards d'assureurs qui vont - paraît-il - se partager une partie du butin : le meilleur en live du meilleur groupe de France est dans les bacs ! Un groupe dont l'engagement politique et social, rappelons-le quand même en passant, n'a jamais fait défaut quand on avait besoin d'eux. Alors faites-vous -certainement- plaisir et rendez-leur -probablement- service : tout le monde y trouvera son compte. Il ne sortira sûrement pas de meilleur live en 2005 que celui-ci.
A lire également sur CnC : chronique du DVD En images sorti en même temps, présenté par Pierre Andrieu.
(2005)
Critique écrite le 21 septembre 2005 par Philippe
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