Critique d'album
Roky Erickson With Okkervil River : "True Love Cast Out All Evil"
Officiellement classé dans le top 10 des plus grands dérangés du rock (dans la branche schizophrène), hébergé au fil du temps en hôpital psychiatrique et même en prison, ce bon Roky Erickson toujours adulé par quelques fans éplorés, a fini par réapparaître vers 2008, dit-on, sur sa scène locale d'Austin, Texas, rattrapé à l'occasion d'une embellie mentale par des musiciens fans (dont notamment le groupe déjà vanté sur ce site, qui l'accompagne ici, Okkervil River).
Et il sort aujourd'hui un album dont le titre True Love cast out all Evil est un beau clin d'oeil à son fils artistique, le presque aussi perturbé (mais dans la branche dépressive) Daniel Johnston. Cette belle rédemption mentale est d'ailleurs bien illustrée par un bouleversant premier titre, démarré sur une démo sans doute enregistrée entre 4 murs molletonnés, à la mélodie soudain repris par une orchestration vibrante. Devotional Number One s'enchaîne sur un pur son de studio qui donne la tonalité du disque : voix claire et vibrante, instruments et choeurs discrets ... Idem pour la God is everywhere finale où des violons viennent épauler une guitare vacillante.
Il se dégage ainsi une belle émotion de ces chansons classiques, mais transcendées par l'émotion palpable du chanteur pratiquement ressuscité : Goodbye Sweet Dreams ou la chanson-titre de l'album auraient sonné variétés, chantées par n'importe qui d'autre, mais pas par un miraculé comme lui ! Même les chansons d'inspiration country peuvent s'y faire vibrantes (Be and bring me home, Forever) ou euphorisantes (Bring back the past) et lui ouvriront à n'en pas douter les scènes de l'Amérique entière s'il le souhaite, y compris de la plus rurale. Seul au piano, voix légèrement altérée - mais pas tant que ça, il fait merveille (poignante Please, Judge), planant quelque part entre Tom Waits et les envolées de Grandaddy. Mais aussi sur un titre de rock détraqué, John Lawman, les deux titres n'étant au fond pas loin de ceux que composait le regretté Mark Linkous (qui n'a pas survécu à la mocheté du monde, lui).
Revenu d'entre les morts tombés au champ d'honneur des années 60, Roky Erickson livre donc un très équilibré - et très sensé - album de chansons d'americana, à ranger quelque part entre ceux de Johnny Cash (rien que d'imaginer le Maître chanter True Love cast out all evil vous foutrait la chair de poule) et de Bruce Springsteen (splendide hymne Bird's Crash). Et peut-être, s'il arrive à garder la lumière dans toutes les pièces (de son cerveau), que nous verrons un jour cette légende vivante remonter sur scène en Europe, qui sait ?
(PIAS, 2010)
Critique écrite le 19 mai 2010 par Philippe
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