Accueil Chronique album : Salem - King Night, par Philippe
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Critique d'album

Salem : "King Night"

Salem :

Autres / witch

Critique écrite le 06 février 2011 par Philippe

Beat house posé sur une sorte d'Ave Maria qui semble joué à travers une radio déréglée, appuyé par un synthé et des bruits étranges, le tout donnant une curieuse dialectique tragique/désinvolte (mélodie/beat) : la chanson King Night de Salem est pour le moins stupéfiante à la première écoute... et à la quinzième aussi. Tout comme Asia ou la fascinante Redlights, qui marient pour le moins audacieusement une rhétorique shoegaze (des voix féminines tellement reverbées qu'elles en deviennent fantomatiques), une mélodie simple comme une ritournelle mais torturée à travers on ne sait combien de filtres, et un big beat outrancier et veule, au point d'en être agaçant. Il n'empêche que le son d'un titre comme Killer rappelle rien moins que des ancêtres glorieux comme My Bloody Valentine : les nostalgiques de ces expérimentateurs de saturations sonores vont certainement adorer, tout en détestant (peut-être) la boite à rythme kitsch interposée en travers, là-aussi dans une controverse violente entre planant et terre-à-terre.
Autre démarche de Salem, un hip-hop horrifique inédit, que personnalise la chanson Sick, qui serait idéale pour animer une zombie walk : dialogue entre des voix élégiaques/aériennes, et un grosse voix aplatie/atonale. Idem pour Trapdoor qui entrechoque sur son flow dégénéré et relativement incompréhensible, des crash automobiles, une autre ritournelle entêtante et un étrange aboiement rythmique, d'origine indéfinissable et un peu flippante. Car cette musique est bien la bande originale malsaine d'un film d'horreur, ou plus probablement d'épouvante : dans Release da Boots, quelque part dans le maelström sonique, on entend un rire féminin qu'on ne peut associer qu'à celui d'une sorcière tout droit sortie du Blair Witch Project, et qui continue à gazouiller avec un sinistre écho, après la fin de la musique...
Des trois jeunes gens de Salem, vrais rednecks de Traverse, Michigan, on peut sans exagérer dire qu'ils ont inventé, fortuitement peut-être mais quand même, un style (le qualificatif witch house a par exemple été proposé), sorte de synthèse entre l'épure mélodique (à notre goût formidable et poignante) de The XX et la mécanisation musicale (à notre avis outrancière et inaudible) de These New Puritans. Le tout donnant un résultat que d'aucuns, surtout à l'oreille trop pressée, pourraient bien qualifier de, mettons, euh... dégueulis sonore. Il n'en reste pas moins que dans ce mur de son, il y a un sens mélodique et rythmique, un talent du mixage et de la compression, tout comme une démarche jusqu'au-boutiste qu'on ne peut que saluer... et même quelques passages d'une beauté étrange et fulgurante.
A l'écoute, on oscille donc entre deux impressions d'attraction-répulsion, devant cette musique qui comme ses racines multiples (shoegazing gothique, hip-hop désabusé et électro-dark), semble personnifier un monde sans avenir et en route pour une apocalypse inéluctable - nucléaire, financière ou écologique, choisissez ! On se prend pourtant à y revenir, comme à une mauvaise habitude ou à un bouton qui gratte, d'autant que la fin en queue de poisson parfaite de Killer incite à la récidive immédiate...
Et après plusieurs dizaines de passages, on reste bien incapable de dire si l'on est plutôt fasciné ou irrité par cette musique, en tout cas jamais entendue auparavant - bien malin qui pourra dire à quoi le titre Hound, sans doute le plus abouti/nauséeux/splendide/abominable, lui fait penser d'autre ! Quoi qu'il en soit, en ce début d'année, Salem est incontestablement LA nouvelle sensation à découvrir pour vous faire votre propre religion...
(2011)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 06 février 2011 par Philippe
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