Critique d'album
Sufjan Stevens : "Illinois (Come On Feel The Illinoise)"
Il y a celles qui (m')horripilent horriblement, pleines de bonheur apparemment niais, voire bigot (avec force haut-bois, choristes femelles, on croirait la Jesus Army of Revolution), du genre à faire passer Arcade fire (rappelé ici par certaines cordes) pour une bande de sinistres batcaves : la chanson-titre Come on Feel the Illinoise ou la très belle -et très énervante- Chicago aussi. Idem pour The Black Hawk War, The tallest man... et autres The predatory wasp .... Chansons que, pour une raison que je n'arrive pas à comprendre, il est toutefois impossible de détester complètement, on y revient malgré soi...
En effet la plupart des chansons évoquent le riant état de l'Illinois (capitale, Chicago, héros, Superman) ou ses habitants, en particulier certains souvenirs d'adolescence comme Casimir Pulaski's Day : nul besoin de connaître le jour où l'on commémore ce personnage (sûrement mythique) pour apprécier cette délicieuse balade folk aux paroles doucement mélancoliques, et le monde rural ainsi évoqué. Ballade plaisante comme toutes celles du deuxième type : celles qui grâce à deux voix en duo, rappellent immanquablement le folk old school, délicieux et tranquillement indémodable de Simon & Garfunkel. Une vraie madeleine de Proust : sur Decatur c'est par exemple flagrant, de même John Wayne Gacy, Jr, délicieusement mélancolique. Par moments comme pour Jacksonville, on pense aussi à Conor Bright Eyes Oberst, autre jeune folk singer barré (et tout à fait inchroniquable lui-aussi, d'ailleurs j'y ai renoncé).
Et puis le dernier style, celles qui vous emportent, tout simplement. Si l'introductive Concerning the Ufo... vous a plu, préparez-vous à un véritable choc émotionnel à l'écoute de Seers Tower, chanson piano-voix où le fantôme immense de Jeff Buckley lui-même semble chanter sur certains choeurs. Dans ce dernier types de chanson, Sufjan Stevens semble chuchoter, la main en cornet, à l'oreille de l'auditeur, c'est bouleversant. A signaler aussi, une chanson de rock orchestral foutraque (Arcade Fire, toujours) The Man of Metropolis, des courts instrumentaux superbes comme To the workers of Rockford..., ou encore 5 bonnes minutes d'instrumental contemporain pour clôturer le tout.
Furieusement énervant, bizarrement attachant, horriblement bordélique et finalement, addictif : la plupart des auditeurs normaux n'atteindraient pas la fin de la première écoute. Mais pour les autres, les curieux et les tenaces, la récompense est assurée : ils finiront par ressentir, après immersion dans cet opus, la naissance d'un amour vache qui pourrait bien durer... cinquante albums ?
(2006)
Critique écrite le 29 mars 2006 par Philippe
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