Accueil Chronique album : Keith Richards Overdose - Kryptonite Is Alright, par Philippe
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Critique d'album

Keith Richards Overdose : "Kryptonite Is Alright"

Keith Richards Overdose :

Pop - Rock

Critique écrite le 06 novembre 2015 par Philippe

A une époque lointaine (en 2005), un certain Huggie von Pinkbird, membre des regrettés Hatepinks (mythique groupe de punqueroque queer), déclarait : "Tous les disques sortis après "Dance Party" de Carl Perkins en 1956 et avant "Sehr Gut R'n'R" [des Hatepinks] sont complètement inutiles... Jette les tout de suite !". A l'époque, reconnaissons-le, c'était quelque peu exagéré, au moins pour la deuxième partie de la sentence. Par contre, un type nettement plus straight mais qui lui ressemble dangereusement (à la couleur de cheveux près), et qui occupe en 2015 le micro de Keith Richards Overdose, pourrait avantageusement reprendre ce prophétique statement aujourd'hui, alors que sort Kryptonite is alright, un deuxième album de rock'n'roll pétaradant comme une Mustang de 1967, aux harmonies brillantes comme un Wurlitzer de 1941 et qui plus est, à la pochette sexy et dangereuse ! Du genre qui ferait effectivement prendre un coup de vieux à pas mal de choses sur vos étagères à vinyles. Et pourtant soyons clairs et directs : cet album est une pure trahison des fans du groupe. Vous avez bien lu : une pure trahison !
On l'a souvent écrit sur ce site (au moins 15 fois à ce jour), ce qu'on aimait en live chez Keith Richards Overdose (et même sur leur premier album), c'était leur faculté à jouer du super rock'n'roll certes, mais en sonnant comme s'ils avaient été enregistrés en mono dans un conteneur de la CMA-CGM... Et aussi la capacité de leur frontman Hugues Barroero à éructer quelque chose qui arrivait encore à ressembler à du chant, tout en semblant à chaque phrase en être à son dernier râle avant une apoplexie inéluctable. Bref, chez eux tout sonnait à fond la caisse, potards sur 11, et c'était totalement jouissif de se faire ainsi maltraiter la gueule aussi bien que par Motörhead, mais (entre autres) sur une reprise des Beatles ! Et si la moitié des O.R.L. de Marseille roule aujourd'hui en Porsche Cayenne, après avoir pu équiper des dizaines d'oreilles pourtant encore juvéniles de prothèses dispendieuses, c'est bien grâce à ce quatuor aussi, j'espère au moins que la profession leur en sait gré, et les invite à ses congrès pour services rendus...
Et voici que, à notre grande surprise, les mêmes Keith Richards Overdose dégainent cet album où tout sonne merveilleusement propre, où les saturations orchestrées par le grand Rudy Romeur, tous canaux confondus, sont discrètes et raisonnables ! Où l'on semble laisser le chanteur reprendre son souffle et donc, explorer un registre vocal bien plus subtil qu'on l'aurait cru, où le talentueux guitariste Paul Milhaud peut faire des phrases de plus de 8 notes et ne pas sonner comme une perceuse enrayée, où la batterie de Guillaume Stravato ne résonne plus comme une kalashnikov en vacances en Ukraine, et où même la basse de Nasser Naamoune porte une vraie ligne mélodique affirmée, et plus un discours monomaniaque et épileptique ! Même la mal-nommée Below the Belt, une des chansons les plus explosives ici, ne tape justement pas sous la ceinture - c'est-à-dire au-delà de la bienséance acoustique.... Plus étonnant encore, des balades pépères et nostalgiques comme So You say You lost your Baby, avec solo de guitare... Ni plus ni moins qu'une trahison globale (CQFD !) de tous leurs principes et de tous les groupes où ils ont respectivement joué auparavant (Gasolheads, Hatepinks, Huggie & the Glitters, Irritones, Holy Curse, etc. etc.), puisqu'on vous le dit !
Alors à partir de là, deux solutions. Ou bien on les regarde avec inquiétude effectuer ce quasi-saut dans l'inconnu (...mais eux s'en branlent, cf plage 8 : I don't get along with Sissies !). Ou bien on se dit qu'ils ont parfaitement raison : s'il faut jouer du rock'n'roll à fond la caisse avec un son volontairement dégueulasse (et c'est tout à fait respectable...), des préhistoriques Sonics encore en fonction jusqu'à The Jim Jones Revue, le créneau est déjà bien pourvu, merci ! Tandis que parvenir à composer de nouveaux standards dans le registre rock'n'roll orthodoxe, lui qui ne ressemble pourtant plus qu'à un zombie déchiqueté à force d'être déterré, sans plus se réfugier dans la facilité d'un son stéroïdé, ça n'est pas à la portée du premier Punk rock de Vieille venu... Surtout en reprenant les thématiques aussi anciennes que Chuck Berry, à savoir en gros : prôner l'abus de drogues et de très jeunes filles (Fifteen-Sixteen), et regretter sa faiblesse d'avoir fait et refait les deux choses, après... On peut bien vous l'avouer, de toutes façons, nous on a toujours trouvé Superman plus sexy quand il est affaibli et s'interroge sur sa condition de mortel - quand il est sous kryptonite donc, d'où le titre du présent disque ? - que quand il se la pète à tout défoncer sans réfléchir.
Car oui, l'évidence est là, la beauté et la richesse de Keith Richards Overdose se sont enfin révélées, en baissant tout d'un ton : la finale Worse things do to you, pour ne citer qu'elle (mais il y en a plusieurs comme ça) a tout, absolument tout ce qu'on peut aimer dans une chanson de rock'n'roll, on pourrait en faire une thèse, c'est un vrai classique instantané ! Pour votre platine et pour votre lecteur CD (la galette bien utile en voiture et au travail étant glissée en bonus), c'est donc Noël avant l'heure : Keith Richards Overdose ne déchire plus les enceintes !
Alors surtout, pas de regrets car de toutes façons, nul doute que ces 11 titres passés aux filtres des petites salles et caves profondes où le groupe s'épanouit généralement, sonneront à nouveau comme un balloche infernal où Carl Perkins donc, mais aussi Marty Mc Fly, Lux Interior et quelques autres, se crêperont le chignon pour s'emparer de la 6-cordes et communier au son de ce putain de rock'n'roll encore une fois ressuscité en nous défonçant les esgourdes (la boucle sera donc bouclée)... Mais attention, en attendant et pour être sauvé vous aussi, ce sera encore plus dur que pour les 144 000 âmes élues des Témoins de Jehovah : ici nous parlons de 500 passeports circulaires à 33 rpm pour l'Eternité, 500 et pas un de plus. Alors à bons entendeurs (...puisque nous en sommes, à nouveau...), salut !
(Closer Records, 2015)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 06 novembre 2015 par Philippe
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