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Chronique album : Link Wray - Rumble - The Best Of Link Wray, par Philippe
Jeudi 21 novembre 2024 : 6751 concerts, 27229 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Critique d'album
Link Wray : "Rumble - The Best Of Link Wray"
Le fait se produisit en perçant un ampli à coups de crayons, en 1958, et en constatant que ce son pourri venu d'ailleurs déclenchait l'hystérie des kids. Et tout ceci 10 bonnes années avant que cela fasse tilt dans la tête de Jimi Hendrix et de ses contemporains chevelus (Black Sabbath, Led Zep ...), qui allaient inventer le hard rock en 1969-1970.
Autrement dit on peut très bien supposer que sans lui, même les meilleurs n'auraient pas tous été sauvés : Angus Young serait peut-être devenu pompiste, John Spencer braqueur de banques, Jack White joueur de poker, Hôtel des Kills un proxénète, Michel des Cowboys from Outerspace un véritable machiniste... La liste est longue, mais je suis sûr que les VRAIS guitaristes savent tous ce qu'ils lui doivent. Et ne parlons pas de la galaxie du hard-rock et du metal : d'aurait-on fait de ces hordes de chevelus bons à rien à part jouer en power chord, je vous le demande un peu... Sans parler de la pire perte de toutes : Spinal Tap, qui n'aurait pas pu exister. Commencez-vous à mieux réaliser combien l'héritage de Link Wray est immense ?
Le bad boy entama donc la légende en enregistrant en 1958 le titre Rumble, un blues nonchalant, sensuel et sale, qui fut alors un tube - impossible de ne pas avoir au moins une pensée sexuelle à son écoute. Pete Townshend a dit un jour qu'il n'aurait jamais touché une guitare si Rumble n'avait pas existé, c'est dire. Autre tube daté de 1963, l'énorme Jack The Ripper, duo infernal entre une contrebasse et une guitare maléfique, guitare qui avait déjà ce son "reverb à mort sur vieil ampli à lampes Marshall", qu'on retrouvera peu après dans les musiques sublimes d'Ennio Morricone pour la "Trilogie des dollars" de Sergio Leone, et plus tard encore chez Jimi and co.
Il faut savoir que l'homme ne faisait qu'un usage parcimonieux de sa voix : l'essentiel de sa production est donc instrumentale, à de rares exceptions comme Aint that living you Babe et Hidden Charms, respectivement blues crado et rock enfiévré, où il chante d'une voix approximative et miaulante à la Billy Corgan, un bonheur ! Certes un best-of d'un tel artiste, pour un puriste genre Mr Manoeuvre, ne saurait être satisfaisant, surtout s'il n'est pas en vinyle, convenons-en. Et pourtant celui-ci, parmi deux testés, est le meilleur.
Tant il contient ce qu'on pourrait appeler la Bible du Blues Dégueu : Big City after Dark, Ramble ou encore l'inquiétante Shadow knows ponctuée de ricanements sinistres... Mais aussi, incontestablement, les prémisses du rock garage : Run Chicken Run et la phénoménale Deuces Wild. Pour être cruel, on pourrait dire par ailleurs que les Beach Boys ont essayé toute leur vie d'écrire un titre de surf-rock aussi simple et bon que Ace of Spades.
Signalons que le père Wray écrivit aussi, presque en passant, le riff ô combien célèbre de Batman (ici ponctué par des exclamations hilarantes de Batman et Robin, dans leur célèbre version kitsch 60's en sous-pull lycra). Autre titre marrant, Dixie Doodle, où il dynamite en live la chanson la plus plouc que les USA aient jamais écrite. Et le tout se finit par un 20e et dernie titre : une version live de Jack The Ripper, étirée en longues plages bruitistes et enthousiasmantes pleines de ces fameux larsens.
Alors certe personne qui lit ça n'ira plus voir le malheureux en concert (il a cassé sa pipe l'an dernier). Mais qui ne connait pas son histoire est condamné à la revivre : si un groupe dans un an prétend avoir réinventé le blues instrumental, vous serez prévenus. Et comme dit un sinistre politicien vieillissant : il faut toujours préférer l'original à la copie... L'original c'est Link Wray, et lui il ne vieillira jamais !
(2006)
Critique écrite le 05 mai 2006 par Philippe
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