Accueil Chronique de concert Herman Düne & Julie Doiron
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Chronique de Concert

Herman Düne & Julie Doiron

Herman Düne & Julie Doiron en concert

L'Escapade, Clermont-Ferrand 9 novembre 2005

Critique écrite le par



Escapade de rêve avec Herman Düne & Julie Doiron

C'est à L'escapade, un bar habituellement réservé aux concerts de hardcore ou de métal qu'Herman Düne et Julie Doiron se produisaient pour la modique somme de 4 euros en ce jour béni du mercredi 9 novembre... Cette date miraculeuse pour les fans clermontois d'H.D. (qui espèrent quand même que leur groupe favori aura sous peu les honneurs du club de la Coopérative de Mai, plus adapté) a été trouvée à la dernière minute par le groupe clermontois Bolik (grand fan des auteurs de Not on top et qui se produisait en première partie) à la demande du trio, qui veut jouer tous les soirs et déteste les day off. Jusqu'ici ceux que la musique d'Herman Düne transporte (et qui avaient manqué la prestation du groupe dans les studios de Radio Campus Clermont et à l'Espace Couriat, à Riom, lors de la première tournée, qui date de 1999) devaient être voyageurs pour aller écouter la bonne parole folk pop des frangins franco suédois et suisses : à Belfort, Bourges ou à Paris dernièrement, au festival Rock en Seine. Et puis soudain, un miracle se produit en ce beau jour pluvieux de novembre : en transit entre Nantes et Annecy, Herman Düne & Julie Doiron posent leurs instruments le temps d'un show en Auvergne, devant 170 personnes tassées comme des sardines, mais heureuses. Car les quatre musiciens sont en grande forme et contents d'être là : dès les balances, David-Ivar, tout sourire, chante a cappella Sad eyed lady of the lowlands de Dylan, si c'est pas la classe, ça y ressemble fort (et ça tranche agréablement avec les habituels "check, check, un deux, un deux") !



The Ballad Of Julie, David, André & Néman

C'est la fragile (en apparence seulement) canadienne Julie Doiron qui débute la soirée - après la prestation appréciée de Bolik en première partie - avec les chansons mélancoliques et intimistes jouées sur la guitare d'Angus Young d'AC/DC, une Gibson SG. Mais ici, point de riffs titanesques et de hurlements suraigus de bêtes sauvages s'engageant à fond sur l'autoroute de l'enfer : mais plutôt des rythmiques délicates égrenées d'une main tremblante et une voix très émouvante (on pense à Chan Marshall de Cat Power et à Shannon Wright, quand elle est calme). Miraculeusement, les spectateurs se comportent en auditeurs attentifs et pas en hooligans assoiffés de bière... On peut donc écouter le concert et apprécier cette ballade avec les chansons de Julie. Dès le début de la prestation de leur amie, les trois Herman Düne sont là sur scène, attentifs aux chansons et visiblement émus par celles-ci. Certains se bourrent la gueule dans les loges pendant les premières parties, envoyant au casse pipe leur support band. Pas de ça chez H.D. ! C'est donc fort logiquement, qu'au bout de quelques titres, André délivre un petit solo magistralement sobre, avec sa nonchalance coutumière. Ça sonne, tout simplement. Puis, plus tard, Néman joue un peu de batterie (couché derrière celle-ci... ) et David (casquette New York vissée sur la tête) se saisit de percussions, avant d'empoigner une basse et de faire des chœurs. C'est très réconfortant, cette fraternité musicale. La voix quasi enfantine de Julie Doiron est teintée d'une tristesse vraiment saisissante (mais pas plombante), et c'est donc agréablement bercé par la folk captivante de Miss Doiron que les 50 minutes qui lui sont imparties passent très vite. Les morceaux sont très beaux, comme sur Goodnight nobody, le dernier disque chaudement conseillé aux fans transis de folk sans filet. La timide brune, qui joue parfois un peu approximativement à cause du trac, obtient même un rappel d'un public compressé, à deux doigts de l'étouffement, mais très enthousiaste et convivial ; les petits concerts ont cet avantage inestimable de permettre le rapprochement des gens et des âmes.



Knockin' on heaven's door

Puis, sans temps mort et sans changement de place (Julie Doiron reste au centre mais troque sa guitare contre une basse), le concert d'Herman Düne commence et c'est immédiatement magique. Les deux premiers morceaux joués sont des inédits qu'on entend pour la première fois (et qui figureront peut-être sur le prochain disque) mais leur lien de parenté avec les extraordinaires compositions qui garnissent la discographie du groupe folk français est flagrant. C'est la classe (on l'a déjà dit). L'idée saugrenue de hurler à tue-tête "Folk pop !" nous traverse l'esprit. Mais comme on a déjà constaté à de multiples reprises à quel point il est ridicule d'entendre un mec hurler "Rock 'n roll !", on s'abstient. Pourtant, ce n'est pas l'envie qui manque, le concert auquel on assiste étant vraiment unique. Herman Düne est l'exemple type du combo ayant des influences incroyablement bonnes (Leonard Cohen, Bob Dylan, le Velvet Underground, les Rolling Stones, Neil Young... ) et qui les transcende avec trois fois rien (en apparence) : des voix poignantes et des instrumentations rustiques au possible. Et ça donne, entre autres, Walk, don't run, un genre de chanson ultime.
C'est un groupe de rêve qui joue devant le public de connaisseurs, c'est assez rare pour être signalé. David et André se partagent le chant, les rythmiques et les solos de guitare, avec le même résultat : ça sonne divinement bien. Néman, quant à lui, se fait fort d'être tour à tour discret, délicat ou puissant, on appelle ça un bon batteur, pas la peine d'en rajouter. Et au milieu, il y a Julie, sa basse et sa voix élégiaque saisissante. La simplicité et le naturel qui se dégagent de cette femme sont hallucinantes, elle joue avec ses potes, ça lui fait plaisir, et ça se voit, c'est tout. Sur un morceau qu'elle ne connaît pas, elle regarde les guitares de ses acolytes pour savoir où placer ses doigts sur la basse, et ces touchantes hésitations ne s'entendent pas. Surtout, Herman Düne & Julie Doiron, avec leurs chansons écrites de mains de maîtres ès songwriting humilient tous les groupes qui jouent uniquement sur le volume sonore, l'esbroufe et la pose rock 'n roll pour masquer un cruel manque de bons morceaux. Là, avec une sono que certains jugeraient ridiculement petite, des amplis minuscules, il n'y a que l'essentiel : des chansons géniales. Ce soir c'est Noël à l'Escapade, et l'on n'en croit pas ses yeux et ses oreilles de voir de si près et d'entendre aussi bien Herman Düne : volume sonore minimal mais bonheur maximal donc.
Pendant toute la durée du concert (1h10), la majorité du public présent semble avoir la sensation d'être sur les marches du paradis juste avant de frapper à sa porte ; tout le monde crie son amour pour le groupe, sourie et passe une des soirées les plus mémorables de l'année. Plus rien n'a d'importance, seule la musique compte... et quand à la fin du set, Herman Düne entonne son dernier tube (qui ne passe pas à la radio, cherchez l'erreur), Not on top, c'est l'extase générale, le bonheur total, que dis-je un feu d'artifice d'émotions, un best of de tout ce qu'on aime en musique. A ce moment là, la communion est totale entre le groupe et son public : on voudrait pouvoir chanter en chœur le génial gimmick/solo d'André sur sa super guitare Silvertone et faire "Ti ti ti ti ti ti, ti ti ti ti ti ti", mais ce n'est pas humainement possible. Un rappel intimiste s'ensuit et hop, le concert est fini. On reste là comme des ronds de flan, en se demandant si on a rêvé, ou pas : on jurerait presque avoir vu une sorte de Velvet Stones Crazy Horse Underground avec Neil Young, Dylan et Leonard Cohen derrière les micros. Il semble bien que non, c'était Herman Düne sur scène, pour un des concerts folk pop de l'année.




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