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Chronique de Concert

The Kills

The Kills en concert

Le Rockstore, Montpellier 19 octobre 2008

Critique écrite le par


Pour une fois que The Kills, meilleur duo de rock garage du monde passe à moins de 500 kilomètres, on va pas mégoter, alors on se rend sans discuter à Montpellier, même un dimanche soir lendemain de grosse soirée à la Fiesta - après tout, on dormira quand on sera mort... On découvre le Rockstore et sa bagnole encastrée, une salle assez pimpante dont les bars affichent des tarifs, et pour cause, de boîte de nuit. En tout cas le concert n'était pas particulièrement cher et l'entrée facile et courtoise (surtout comparée à celle systématiquement pénible de l'Espace Julien à Marseille).

Une première partie, me dit-on, quelle première partie ? Je n'ai rien vu ou entendu qui ressemble à de la musique, avant l'entrée en scène de VV et Hôtel, le duo de rock le plus fascinant des 5 dernières années. Le seul faux couple aussi glamour et sexy que les White Stripes, mais en version dark side of the Force... Venu défendre, si besoin était, son troisième album - au fait, les gens raisonnables n'essayent pas de comparer les albums de The Kills, qui sont à la fois tous différents et tous pareils, et tous trois aussi nécessaires à la bonne marche de notre Univers que, mettons, Jupiter, Saturne et Uranus.

J'ai déjà oublié quelle était la nuisance sonore qui les a précédés, mais en tout cas dès la première corde pincée, ce qu'on sait d'eux en live se vérifie : ils vont jouer BEAUCOUP plus fort. Les guitares et les voix sont au taquet exact de la limite entre le plaisir et la douleur.

U.R.A. fever... you're a fever... Alison Mosshart est en effet le genre de créature à déclencher des poussées de fièvre, couplant une PJ-Harvesque voix de Damnatrice des Enfers et un physique de femme fatale (c'est tout à fait redondant, à ce stade). Tout comme Jamie Hince à sa manière, qui aurait une ou plusieurs très jolies captures à son tableau de chasse, et qui pour ce qu'on en sait a très bien pu vendre son âme au Démon et/ou à Link Wray, pour en retirer une telle perfection dans l'arrogance et la classe de son jeu, minimaliste et noisy, perfect.

Bref ce sont des Tueurs. D'ailleurs on oublie instantanément nos bonnes résolutions - reconnaître un max de titres alors qu'on les a plus ou moins découverts récemment. Car c'est facile, ce genre d'album s'écoute en entier, et chacune des deux pistes l'une après l'autre : la face A et la face B du vinyle, au pire tout le CD, alors les titres hein, pfff... Gentiment d'ailleurs, ils se contenteront principalement du 3ème et dernier album, Explosion de Minuit. Tape Song ? You got your ghost in the head ... c'est calme et beau, envoutant.

No Wow, d'abord ça monte en puissance comme un bug répétitif, ça vous gratte partout, ce beat dans votre tête, la note basse vous accroche par le colback, le type est comme bloqué, qui joue et rejoue sans cesse les deux mêmes accords, la fille chante de plus en plus fort, ça vibre dans votre tête, votre gueule est déjà béante de sidération...

You're gonna have to step over my dead body... les murs tremblent et se lézardent, des gravats tombent du plafond, le feu a pris quelque part derrière la scène, vous ne voyez plus personne, vous écartez sans ménagement les zombies encore debouts dans la fumée autour de vous, vous titubez jusqu'à la scène, tombez à genoux ...I said No Wow no more... Vos doigts s'agrippent à votre T-shirt et le lacèrent au torse, tandis que vous riez sans vous entendre...

Et vous vous arrachez le coeur pour le déposer, encore fumant, au pied des retours, sous le regard dédaigneux d'Isis, et le rictus à peine amusé d'Osiris, antiques Dieux de l'Amour et des Enfers, réincarnés en cuir suintant, kératine, vrombissements et ferraille. Enfin délivré de ce poids, vous défaillez de bonheur au refrain tandis que vos tympans éclatent dans une vapeur rouge, et vous perdez finalement connaissance sous la douce caresse des flammes, qui ont tout recouvert...



Puis votre voisin vous touche l'épaule, vous sursautez et constatez, très étonné, que vous êtes toujours vivant.

Alphabet Poney, mais qu'est ce que ça peut bien raconter, et puis who cares puisque c'est notre chanson à nous ? Last Day of Magic... my little Tornado ? tu parles d'un putain de my huge Tsunami ouais... Entre ces deux créatures-là, la tension sexuelle est palpable tout comme l'osmose musicale, qui ne sont au fond qu'un seul et même fluide presque visible, des fils à peine élastiques qui les retiennent attachés l'un à l'autre, ce sont des putains de Rock Stars, ce qu'on devrait faire c'est se prosterner, mais il n'y a pas la place, se déshabiller mais c'est interdit, de recommencer à fumer aussi, alors que faire ?

Black Balloon fait un peu retomber la pression, le son est quand même totalement garage et pas du tout produit comme sur l'album ! C'est le troisième album joué comme le premier, Jupiter repeint en Uranus en somme... Au final même le son de cette balade est quand même tout à fait assourdissant et (donc) jouissif. Hook and Line, ça revient peu à peu, c'est pas difficile de retrouver les titres après coup quand on a séché sur le moment, il y a la persistance rétinienne et l'affreux petit son que fait la chanson en sortant de votre ordinateur - comparée au son dantesque et jubilatoire qu'elle faisait en live il y a 24 heures, quand vous chantiez à tue-tête, sans complexes puisque totalement recouvert par le déluge de décibels.

En parlant d'Enfers, la Créature femelle du duo fume, C'était à prévoir. Mon royaume pour une cigarette... Arrêter de fumer au travail, en soirée, même à la Fiesta hier, c'était facile, mais bordel ce n'était PAS un concert des Kills !! Surtout garder son calme, penser à autre chose, ne pas trop la regarder, de toutes façons j'ai l'impression de commettre une infidélité rien qu'à la regarder chanter, Alison, l'Enola Gay du rock, si elle capte mon regard je suis fichu, Nagasaki dans mon cerveau, ce serait trop bête alors que j'ai survécu à Hiroshima - PJ Harvey, il y a cinq ans qui, pourtant, ne jouait déjà que pour moi, les 25 000 autres spectateurs ayant été atomisés dans une autre dimension.

Ce soir en fait c'est différent, c'est pas à moi qu'elle s'adresse, d'ailleurs elle ne donne pas l'impression de jouer pour qui que ce soit, pas même pour lui, ni lui pour elle, ils sont juste l'un à côté de l'autre, s'aiment probablement : Getting Down, uh uh uh uh ah uh uh ah, traduit en français seul Katerine pourrait chanter un truc pareil... Et puis, pied total, Cheap & Cheerful : car ils se détestent aussi, forcément : I want you te bo crazy cause you're boring Baby when you're straight !, ras le bol de voir ta sale gueule à jeun, dégage !... Une chanson de plus, oublié laquelle, et les voilà disparus. 40 minutes, avec une telle intensité c'est déjà pas si mal.

La foule hurle, trépigne, crie, la pause dure un long moment. Ils reviennent, quand même, j'ai profité de la pause pour m'approcher encore de la source, c'est bon, je les ai vus de près, ce n'était pas un effet de lumière ou de mon imagination, ils sont bien beaux comme des dieux, je recule et ne reconnais à peu près rien des trois derniers titres, si peut-être Sour Cherry, mais je ne parierais pas mon 45 tours de Love is a Deserter là-dessus...

Ah si, et puis un déhanchement négligé, réalisé inconsciemment en chantant, 6 minutes avant la fin, dont la charge érotique transformerait instantanément l'ensemble des Pussycat Dolls, si elles pouvaient voir ça, en un tas de vieilles peaux flapies et repoussantes. Le dernier morceau a un riff sur-bruyant qui rappelle You really Got Me des Kinks, je ne sais pas de qui c'est une reprise, ni si c'en est une, si elle est de Lou Reed il peut bien crever, ce sale vieux chnoque rébarbatif, je m'en cogne, leur reprise est mieux et je suis heureux.

Le concert se finit à coups de pompes dans les amplis, dans un grand bruit blanc, ils nous saluent à peine, ne doivent probablement pas savoir où ils ont joué, ni qu'en 60 minutes à peine ils nous ont durablement transpercé le coeur, les oreilles et les yeux... Ils se cassent comme des voleurs, non sans avoir dédaigneusement foulé aux pieds leurs malheureuses guitares et vous restez hébété, les poches et le cerveau vide, tout juste un petit grésillement dans l'oreille interne et une sorte d'étincelle périodique au fond des yeux. Vous avez fait 'Tilt' et vous avez exactement le même regard que Sam Lowry à la fin de Brazil, quand il s'est échappé...

Puis votre voisin vous touche l'épaule, vous sursautez et constatez, très étonné, que vous êtes toujours vivant.

Ctrl-Alt-Suppr, installer la mise à jour "J'ai-vu-le-meilleur-Duo-de-rock-du-Monde 1.0" et éteindre, il est temps de rentrer.

Pour mieux retomber, en arrivant, sur le regard en coin de la Belle, qui vous toise par en dessous depuis son vinyle posé sur l'étagère. Etrange. Vous ne vous souvenez pas du tout de l'avoir posé là.



PS : Plein de photos du concert par Zys., c'est ici !

> Réponse le 21 octobre 2008, par Adeline F.

comment dire.. ça ne m'arrive presque jamais de (re)plonger dans un concert à la lecture d'une chronique. Mais là Philippe je reste sans mot. T'as juste retranscrit exactement ce que j'ai vécu, et c'est assez troublant. Et le plus fort c'est que je n'étais pas à Montpellier avec toi, mais à Nice la veille.. C'est vraiment des tueurs, on s'est fait mitrailler la tête et tout le corps par la même arme. Quant aux 3 rigolos sensés combler le vide d'avant concert, ne vomissons pas sur eux ici, ce n'est pas le lieu. bien que, ça me gratte un peu au fond de la gorge. tout de même, bravo et merci pour ce résumé.  Réagir

> Réponse le 22 octobre 2008, par McYavell

Je me faisais une joie de voir the Kills. A l'arrivée, c'est mon pire concert de l'année. Je ne parle même pas de la première partie Naïve New Beaters. Tout simplement grotesque. Le "chanteur" a voulu faire de l'humour : "J'ai vu Hotel, je lui ai dit bonjour et tout de suite après, il m'a dit au revoir". Il va se passer à peu près la même chose avec nous. 50 minutes seulement de concert pendant lequelles ils ont dit en tout et pour tout "Bonjour Montpellier" et "merci" après les applaudissements du 6ème morceau. Ca encore, ça passe, j'ai pas fait 200 bornes pour les entendre disserter mais pour leur musique que j'adore. Mais il faudra m'expliquer à quoi sert le concert à part à les voir en vrai, bien sûr. Pour ça, j'étais bien placé, à 3 mètres de la scène. Les duos sur scène c'est...  La suite | Réagir


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