Accueil Chronique de concert (mon) Art rock 2011 2-2 : Florent Marchet, Zaza Fournier, Julian Marley, Anna Calvi
Vendredi 22 novembre 2024 : 6714 concerts, 27231 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.

Chronique de Concert

(mon) Art rock 2011 2-2 : Florent Marchet, Zaza Fournier, Julian Marley, Anna Calvi

(mon) Art rock 2011 2-2 : Florent Marchet, Zaza Fournier, Julian Marley, Anna Calvi en concert

Pl Poulain Corbion, Grd Théatre Passerelle, Saint Brieuc 12 juin 2011

Critique écrite le par

Notre début de festival (vendredi), c'est par ici !


Aujourd'hui, dernier jour du festival Art Rock, il ne fait pas particulièrement beau mais le chapiteau permet toujours de s'abriter efficacement des pluies intermittentes. De plus, ce dimanche compte au moins deux rendez-vous majeurs : deux artistes blondes qui nous ont bouleversé, pratiquement au même moment, il y a environ 6 mois à la sortie de leurs premiers albums respectifs. L'une d'elle ne sera pas celle qu'on croyait... En tout cas on s'est extrait à grand peine d'un lendemain de fête finie après le lever du jour, pour se présenter bien à l'heure à l'entrée du grand Théatre de la Passerelle de Saint-Brieuc.


Pourtant parmi l'hallucinant cohorte de jeunes chanteuses et chanteurs français(es) apparue en un an sous le feu des médias, Florent Marchet nous intéresse nettement moins que la vaporeuse Daphné, l'élégiaque L, la ch'tarbée Prince Miiaou, et chez les hommes le countryman Sammy Decoster, le faux branleur Stromae ou le toxique Bastien Lallemant (voir chroniques par ailleurs) ! Ses chansons et ses orchestrations sont décidément moins inventives que celles de ses pairs : il n'en reste pas moins que sa prestation sur une scène peut être intéressante.


Florent Marchet, lui, n'est pas au courant de nos réticences, et va donc tranquillement les balayer : d'abord, il est venu dans la même tenue rétro-kitsch qui orne son album (et pourtant sous l'accoutrement, on détecte un beau gosse !). Et puis il est assez confiant pour commencer, appuyé impeccablement par son Courchevel Orchestra, avec ses deux tubes de l'année : Courchevel et Benjamin enchaînés ! Ses chansons sont bien enlevées, certaines inconnues : Levallois, bien grinçante, un peu l'inverse de la précédente : le type qui ne grandit pas, puis celui qui vieillit trop vite...


Rapidement charmé par sa belle voix et sa maîtrise de plusieurs instruments, on le refait basculer illico sur le haut de la pile : ce type est bien un cador, et on a adoré les blagues qui parsemaient ses interludes... Tout au long du concert, il enchaînera en effet un certain nombre de vannes caustiques sur le thème "Saint-Brieuc est un trou paumé, c'est une chance incroyable pour des ploucs comme vous, d'y voir des gens comme nous !" : c'est drôle et très impertinent, ça frôle la méchanceté mais sans jamais y tomber.


Et puis c'est farci d'auto-dérision, en lisant par exemple, au cour d'un vrai sketch, une série de pseudo-cartes postales de fans, dont celle de Mireille de Saint-Brieuc, qui s'étonne ... de son affreuse moustache. Et la salle se marre de bon coeur puisque, il l'a bien précisé pour ne pas prendre une beigne (c'est déjà arrivé par ici à Didier Super...) : les bretons sont sympas ! Par ailleurs, les chansons sont bien torchées et prennent, comme souvent, toute leur ampleur sur scène (mention spéciale à L'Eau de Rose).


Le chanteur cultive son image de jeune adulte nostalgique : La Chance de ta vie, version rock assez costaud, Qui je suis ou Des hauts, des bas, assez touchantes... Dans le registre moquerie, un clin d'oeil aux fans de Tokio Hotel (Son idole), puis aux vacanciers du Languedoc (Narbonne-Plage, avec une belle intro rock). Le concert, une heure vite passée, se termine sur la très dansante (enfin bon, on est assis...) La Famille Kinder. Ok, c'est bon, on s'est donc pris une bonne petite claque sur le popotin : Florent Marchet en live, c'est vraiment très bien !


Hélas, trois mille fois hélas, un ami cruel nous avait annoncé sans ambage dès la descente de train l'annulation d'Agnès Obel, la délicate et gracieuse pianiste au regard énigmatique, dont le Philharmonics hante aussi bien notre iPod que notre platine vinyle depuis sa sortie. Au moins est-elle remplacée par quelqu'un de sympathique, la pétulante Zaza Fournier, déjà appréciée toute seule sur disque et adorable sur scène. N'empêche que le type qui a choisi de passer la moitié du disque d'Agnès Obel pendant l'entr'acte, avait un drôle d'humour...


En plus d'être très compliquée à photographier (quelle gigoteuse infernale !), Mam'zelle Fournier va réussir à nous déconcerter pas mal avec son nouveau look, son nouveau groupe et son nouvel album (pas entendu auparavant). Ses habits sont sérieux et presque tristes au lieu d'être joyeusement colorés (où sont passés ces collants roses ?) ; son groupe pop-rock sonne assez banal à l'oreille, peu motivé et convenu, au lieu de l'enthousiaste duo iPod/accordéon qui était son seul accompagnement au départ.


Pire, son nouvel album révèle une inspiration peut-être plus limitée qu'on l'imaginait (son Cowboy ne vaut pas celui d'Edgar de l'Est, sa Maison ne nous fait guère vibrer), tournant nettement autour des mêmes thèmes (Maman, longuette et polluée par un synthé infâme)... Et du coup on préfèrera les chansons plus anciennes et plus accordéonnées (Les Mots Toc, Mademoiselle...) Une fois sa curiosité rassasiée, un bon tiers de la salle nous quittera pendant le concert. En mixant l'effet "pass" (pour les promeneurs du dimanche, il y a d'autres choses à voir à la même heure), la déception de l'annulation ou simplement, certaines chansons un peu faibles, ceci est bien compréhensible...


De bonne composition, elle le prend avec humour, n'hésitant pas à mettre le doigt où ça fait mal : "J'ai une mauvaise nouvelle pour vous, il va falloir être courageux : Je ne suis pas Agnès Obel !", tout en précisant qu'elle n'est pas là pour se morfondre non plus ! Au final la miss s'est scéniquement bien tirée de cet exercice ingrat de remplacement au pied levé, puisque les 2/3 de la salle sont toujours là quand elle termine, et finissent par l'applaudir debout.


1 ou 2 nouveaux titres on en effet emporté l'adhésion (Regarde-moi), et quelques anciens tubes feront l'affaire pour conclure (Baiser d'un Soir, La vie à Deux). On regrettera tout de même amèrement l'abandon de nos chansons préférées : la troublante Mon Homme, la punchy Baston et sa magnifique reprise du Heartbreak Hotel d'Elvis ! Il n'y a plus qu'à espérer que quelqu'un va remarquer qu'elle fait artistiquement fausse route en s'éloignant de ce qui faisait son originalité. On en reparle au prochain album ?


Comme il flotte, à la sortie du théatre (pour changer), on décide d'aller fissa se réfugier sous le grand chapiteau, quitte à se taper un reggaeman dont le patronyme Julian Marley est à lui seul suffisant pour nous faire soupirer... Pourtant, il faut avouer que joué sur scène, avec un chanteur puissant (c'est évidemment l'un des nombreux fils du Prophète) et qui fait honneur à la franchise familiale, ça n'est pas désagréable. Un titre sur deux est un hit historique (Stir it Up, Get up Stand Up...) et la foule est donc ravie. L'Exodus explosif joué au rappel dans une ambiance survoltée, achève de nous convaincre que finalement, le reggae jamaïcain peut ne pas être chiant, en tout cas en live !


Mais il est l'heure du concert le plus attendu du week-end ! Ca s'était fait en deux temps trois mouvements, pour votre serviteur : dès le premier coup d'oeil qu'il a posé sur le minois sérieux et les yeux de glace émeraude d'Anna Calvi à l'ouverture du clip de Jezebel, il s'est loup-de-tex-avery-sé, la langue pendante ; dès le début du foudroyant riff flamenco, il a vibré, dès l'écoute de 10 secondes de la voix sublime sur la même chanson, il en est tombé en amour totalement éperdu ... Pour elle seule, il aurait volontiers traversé des montagnes pied nus, attiré par sa flamboyante et bouleversante musique !


Petit aparté personnel en "je" : habituellement, devoir faire mes propres photos me gonfle plus qu'autre chose, parce que le résultat est invariablement décevant. Mais quand c'est Anna Calvi qu'il faut shooter, c'est un vrai plaisir et l'occasion de s'approcher jusqu'au pied de son micro : je me suis d'ailleurs fait prêter un vrai appareil photo pour ce festival, pour ne pas tout gâcher... Et pour ce concert en particulier, le nombre de photographes qui se présentent est anormalement élevé : il faut croire que d'autres que moi avaient très envie de voir la Belle au plus près...


Le début du concert, enchaînement rêvé de l'introductive et troublante Rider to the Sea, puis de Suzanne and I et de Blackout (où un guitariste de rab lui permet de se concentrer sur le chant lyrique), se passe comme dans un rêve, à mitrailler la délicieuse et photogénissime créature, tout en étant intimidé par sa présence et sa cinématographique musique, qui nous habite depuis des mois.


Et encore n'a-t'elle pas révélé la chemise rouge sang flamenco cachée sous sa veste à capuche : hey, c'est qu'il s'agirait pas de prendre froid avant la tournée des festivals d'été ! Truc amusant : les photographes dans leur ensemble ont gratté, sans concertation préalable et l'air de rien, une chanson en plus en sa compagnie.... C'est du milieu du public qu'on écoutera la suite d'une set-list de rêve : la puissante I'll be your Man, l'émouvante et romantique First we Kiss (où elle chante aussi les violons).


Puis une sensuelle reprise du pourtant gluant Surrender d'Elvis (qui donne envie de ronronner dans ses bras), le tout parfaitement exécuté à la guitare et soutenu d'une voix très assurée (qui contraste avec sa grande timidité apparente). Petite récré où son timbre virevoltre, léger comme une bulle de savon, sur le début de Moulinette, avant son final très lourd et logiquement suivi de la très punchy Desire, appuyée par sa complice à l'"accordéon-valise".


Le groupe donne alors une version anthologique de la déjà géniale Love Won't be Leaving, sans les choeurs morriconiens mais entrecoupée d'un long solo noisy à la guitare de la virtuose : un moment merveilleux qu'une vidéo ne peut que rendre imparfaitement (cf en bas). Au moment de Jezebel, climax du concert, Anna Calvi est obligée par moments de s'éloigner du micro, afin que sa voix surpuissante ne fracture pas l'ensemble des vitrages du centre historique de Saint-Brieuc !


Il se produit alors un phénomène inattendu en festival, surtout breton : le public, subjugé, fait complètemeent silence sous le chapiteau, y compris dans les passages de ponts musicaux calmes de la chanson ! Au "Jeee-zeee-beeel !!!" final, mon amie essuie une larme tandis que je suis pris d'une chair de poule phénoménale... Ouaouh ! Malgré le triomphe mérité de la mini-blonde, son groupe sort déjà de scène et il faudra brailler comme des beaux diables pour mériter un rappel.


Celui-ci se fera sur The Devil, ce qui est inespéré puisque c'est MA chanson (ne cherchez pas, j'en suis sûr, elle me fait tellement vibrer qu'elle ne peut avoir été composée que pour moi !) ; là encore c'est splendide - l'ombre de Jeff Buckley plane même quelques instants sur Poulain Corbion. Et c'est aussi horriblement court : la chanteuse et son groupe nous quittent pour ne plus revenir... Voilà un concert qui a tenu toutes les promesses de son magnifique vinyle : vivement la revoyure, en espérant que ce sera plus long la prochaine fois, quand même. Enfin... 45 minutes au paradis, c'est déjà pas si mal !


La suite de la programmation ? On doit confesser une grosse lacune sur Bryan Ferry, crooner élégant mais dont la musique solo ou dans son groupe mythique ne nous a jamais touché. The Klaxons, malgré un deuxième album plutôt indigeste, nous ont déjà fait très bonne impression en live, tout comme notre bien-aimé Legendary Tigerman, vu et chroniqué pas mal de fois, notamment sur sa tournée Femina actuelle.


Bref la fatigue accumulée et aussi, d'autres activités proposées pour finir la nuit et notre week-end breton, font qu'il est temps de nous exfiltrer du fort beau festival Art Rock. Mais pas sans passer jeter un oeil aux expositions : outre les oeuvres poétiques et militantes de Miss'Tic au Monop' (et également partout dans la cité), on a retenu de jolies oeuvres généralement interactives au Pavillon des Arts Numériques. Mention spéciale à un écran où se baladent de petits insectes numériques : il suffit de toucher l'écran pour que les animaux montent vous crapahuter sur la main, et on peut les transmettre à quelqu'un d'autre par un simple contact : rigolo et poétique (mais en photo, ça n'a rien donné...) !


Rideau sur cette enthousiasmante édition d'Art Rock, qui semble avoir souffert d'une fréquentation en baisse dûe à un temps plutôt dégueulasse (oui, on a vérifié : froid et pluie intermittente à la Pentecôte, c'est dégueu même selon des critères bretons, faut le faire non ?). Quoi qu'il en soit, on en repart ravi car, mis à part une malheureuse annulation, tous les concerts attendus du vendredi et du dimanche se sont révélés au delà de nos espérances ! Et puis, la place Poulain Corbion restera la place de notre première vraie rencontre, pratiquement en tête à tête... à qui vous savez, et moi !

Longue vie à Art Rock, et pourquoi pas, à l'année prochaine ?

Bonus : 1 ou 2 vidéos souvenir (qualité appareil photo) par !

> Réponse le 16 juin 2011, par Inès G

Ah non désolé mais c'est moi qui l'ai vue en premier, la belle Anna, la chanson dont vous parlez est pour moi (hi hi) D'ailleurs qui vous a dit qu'elle préférait pas les filles ("Suzanne & I"...) ? En tout cas, je me réjouis encore plus de la voir à Lyon après cette lecture !   Réagir


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