Chronique de Concert
Anna Calvi + Oh Tiger Mountain
Ayant toutefois croisé (c'est plutôt rare) trois "fans" de mon clavier à cette soirée (la plupart depuis ma charge violente contre Godspeed You, Machin, Truc dans ce même Espace Julien), c'est gonflé à bloc que je m'y colle, mais je ne suis pas dupe des manuvres honteuses de ce type aux goûts on ne peut plus douteux, qu'on se le dise. Un mot pour être juste avec l'Espace Julien que j'ai souvent pourri à ce sujet : entrée vraiment fluide ce soir-là, pour une fois ! Le bar, je ne sais pas, hors concerts au Café Julien, j'ai arrêté définitivement de le fréquenter, histoire de ne plus rater 3 chansons d'affilée à y attendre un verre de pisse de rat batave, qui plus est servi d'une main molle et généralement peu affable...
Première partie, le fameux "renouveau du rock marseillais" (dixit les Inrocks), Oh ! Tiger Mountain (et Kid Francescoli), déjà vus au début de l'été lors d'une épique Fête de la Musique. Comme toujours un peu décalé et (donc) assez excellent, le chanteur alterne les ballades tranquilles et les morceaux "pour la bagarre", appuyés d'une guitare plus ferme et des rythmiques du Kid : il a une voix franchement intéressante (on pense souvent à Micah P. Hinson), et que ce projet met bien mieux en valeur que le déjà ancien Nation All Dust... Le public, ce soir-là bien élevé et attentif, affiche la curiosité nécessaire pour leur permettre de s'imposer, en folk pépère comme en blues musclé.
La seule chose que je reproche à ce "groupe" est que ledit Kid Francescoli y est sous-employé par rapport à ce qu'il est capable de faire en solo, de la pop atmosphérique et inspirée... Mais quoi qu'il en soit le duo fonctionne très bien, fait marrer le public, les confettis volent et les paillettes collent une fois encore, et ce plateau que le public n'attendait pas (et pour une bonne partie ne connaissait certainement pas) a réussi une superbe première partie, conclue sur un titre solo assez touchant. Un set trop court d'exactement une chanson (ce qui est le calcul parfait pour générer la toute petite frustration nécessaire à s'intéresser à un groupe) : du beau boulot, messieurs !
Ayant déja admiré Anna Calvi cette année à Art Rock et aux Eurockéennes, et ratée à Rock en Seine uniquement parce que je savais qu'il nous restait ce troisième rendez-vous marseillais, je veux bien une fois encore écrire à quel point cet artiste est une formidable révélation, et pas seulement sur de basses considérations esthétiques (au prétexte qu'elle serait splendide). Ni même pour ses 45 tours de chez Domino, aux magnifiques faces B, indispensables pour compléter sa prometteuse discographie (et dont on pouvait ce samedi-là acheter des versions signées !). Non, elle est juste formidable, inutile de lutter, c'est comme ça : même les peigne-culs prétentieux de Gonzai.com ont dû l'admettre, c'est dire.
Elle fait comme toujours une entrée un peu autiste, cachée derrière un sourire crispé (ah oui, parce que comme entertaineuse, elle est nulle, par contre...). Elle est très mal éclairée et le restera, comme le reste du groupe, tout le show (c'est flagrant sur les photos). Notez que "mal éclairée" ne veut pas dire "peu éclairée exprès pour faire joli" : les lumières seront nullissimes tout le concert ! Heureusement qu'on s'en fiche, et que le son, lui, est ok ! Bien sûr, le concert commence sur l'inévitable mini-symphonie à la fin dantesque, Rider to The Sea (d'autant plus dantesque que la guitare est d'abord réglée un peu trop fort). Le titre est suivi, ô miracle (pour moi qui ne l'ai vue qu'en configuration "Festival" pour le moment), par la sensuelle No More Words, dont les ponts noisy sont brisés par des chuchotements torrides ; inutile de dire que je suis déjà proche de l'extase.
Moins magique mais tout aussi punchy, et qui permet au groupe de la rejoindre, Blackout, grande chanson pop-rock, titre presque variété mais que j'ai fini par aimer presque autant que les autres, et retombée dans la bien plus troublante I'll be Your Man - tout ce que vous voudrez, madame - à l'intro nettement allongée, et à la fin musclée (le musicien et la musicienne cognant tous les deux en rythme). Entre les chansons, un petit rite immuable : elle ne sais pas quoi dire, elle fait un petit rire gêné, et les gens hurlent ! First we Kiss : elle confie la guitare à son sparring partner (qui ayant le même matériel Telecaster/Vox, imite très bien son son !), et "l'accordéon-valise" monte en puissance... Arrive l'espérée Surrender reprise d'Elvis : au son de ses susurrements délicieux, je commence à me liquéfier littéralement sur Daniel, qui lui même bave un peu, il me semble, et j'esquisse un pas de valse avec ma douce pour faire diversion (qui sait, sinon, elle pourrait bien se douter de quelque chose !)...
Sur Morning Light, autre inédite en festival, elle reprend la guitare, ça donne pas mal en concert (en même temps, elle pourrait bien chanter du Grégoire que ça aurait quand même une chance de me plaire). A propos de reprise, voici l'un peu maladive Wolf Like Me (merci Internet : je suis censé connaître l'original de TV on the Radio, mais jamais je n'aurais fait le lien !) : ça sonne comme du Nick Cave femelle, ça finit en solo déglingué, c'est superbe, d'autant que son jeu au bottleneck est assez surprenant. Retour à du plus classique sur Suzanne and I (qui a permis à un bon ami de développer une théorie fumeuse comme quoi elle préfèrerait les filles) : pas sa meilleure mais en live, ça vous emporte quand même !... Mais largement pas autant que, les musiciens ayant présentés, la sublime et jeffbuckleysque Moulinette, dont l'air apaisant vaut tous les anti-dépresseurs du monde, surtout quand sa voix se met à virevolter toute seule, a capella : je fonds en eaux telle Amélie Poulain apercevant Nino Quincampoix...
Autre passage obligé, Desire, intéressante pour l'accordéon mais dont je n'aime vraiment que le pont central : la puissance vocale finale d'Anna Calvi reste totalement irrésistible. Quant aux deux morceaux qui suivent, j'ai presque du mal à en parler tellement ils me touchent : la génialissime Love Won't be Leaving, longue pièce western dans lequel j'entends aussi une tonalité asiatique, avec des grands éclairs de rage et ses passages murmurés (le public est hyper-sage, c'est inespéré ici), et son long solo déchaîné final, qu'elle finit dans une position guitarhero-christique (mi-Satriani, mi-Pièta de Michelangelo) : un pied énorme ! On se félicite qu'aucun de nos congénères n'ait cédé aux habituels "Je t'aime !", voire "A poil !" : le public de cette musique raffinée l'est lui-même un peu, il faut croire (sauf les brutes épaisses accréditées par Concertandco, bien sûr). Pas non plus de "Oh Anna, will you marry me ?" que j'avais trouvé charmant aux Eurockéennes (réponse : "Why not ? First let me see what you look like !" ... comme quoi, bien peigné, ça se tente !).
Le groupe (ai-je dit que ses acolytes étaient parfaits, comme toujours, du triangle femelle au choeur mâle ?), le groupe sort de scène comme prévu (c'est TOUJOURS après ce titre, pas de suspense), nous hurlons de joie puisqu'il est évident qu'elle va revenir... Et au rappel, mille milliards de staracadémiciens empalés, la chanson que je n'osais espérer : The Devil (désolé de vous en informer mais cette chanson a été écrite pour moi, pas pour vous, et d'ailleurs j'en ai pleuré la première fois que je l'ai écoutée en version vinyle/casque). Je me liquéfie donc à nouveau de joie, et dans sa grande sagesse elle décide de ne pas nous quitter sans Jezebel (à jamais sa première chanson, celle dont le clip avait scotché le monde entier au plafond) : comme toujours, elle est obligée de se reculer du micro sur le cri final (qui sinon ferait vraisemblablement péter toute la table de mixage, saigner les oreilles de l'Ingé'son, et accessoirement imploser nos pauvres cerveaux émus). On s'en tire avec une belle chair de poule, certes pas aussi intense que la première fois (Anna Calvi, c'est comme toutes les drogues dures : le flash primitif qu'on essaye toujours de retrouver, tout ça...)
Voilà donc un concert "assez" généreux - a priori elle ne fera jamais de concerts de deux heures, mais enfin vu la performance vocale et l'engagement physique (elle a le poignet bandé depuis des mois), on ne peut pas le lui reprocher ! A aucun moment, elle ne nous a fait sentir une quelconque lassitude (alors qu'elle a probablement plus tourné sur l'année écoulée que sur sa vie entière...). Le public lui a à la fois poliment et bruyamment signifié sa joie : une belle réussite donc ! D'ailleurs aucunE de mes amiEs que j'ai boostés en formule "satisfait ou remboursé" n'a fait valoir ses droits... Vivement un nouvel album, une nouvelle tournée, de nouvelles sensations pour confirmer le formidable potentiel de cet artiste de 28 ans à peine !
Bref, cette fille est une artiste merveilleuse, et on aura compris que je casserai la gueule (rien de personnel, bien sûr) à quiconque prétendra le contraire.
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Et une petite de Anna Calvi ici
Critique écrite le 25 septembre 2011 par Philippe
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> Réponse le 26 septembre 2011, par Pirlouiiiit
Son précédent concert au Café Julien il y a tout juste 5 mois (dans ce qu'on pouvait considérer comme une pré-tournée) m'ayant plutôt agréablement surpris ... j'ai décidé de revenir ce soir, plutôt que d'aller découvrir une autre très belle voix (celle de Ndidi O) qui passait en même temps au Poste à Galène (en temps normal j'aurais tenté les deux mais ce soir les deux attaquaient exactement au même moment). Superbe première partie de Oh!Tiger Moutain en effet, que je n'avais pas vu depuis un petit moment ... De nouveaux morceaux, toujours cette présence délicieusement décalée en effet, et même si les temps forts semblent être encore or the drugs et little red cells le répertoire s'étoffent, avec des morceaux qui ressemblent moins aux précédents et Kid apporte un réel plus sur... La suite | Réagir
> Réponse le 26 septembre 2011, par Philippe
Quelques précisions tout de même Cher Pirlouiiiit ! Sur le fait qu'elle ne vous fasse pas vibrer, ma foi rien à redire, tous les corps ne sont heureusement pas réglés au même diapason : moi Nicole Atkins me laisse parfaitement indifférent, par exemple, musicalement je n'y décèle pas franchement de ressemblance d'ailleurs. Elle a bien fait une reprise "inédite", sauf de ses "Attic Sessions" : "Wolk Like Me". Par ailleurs elle a joué "No More Words" et "The Devil" (ce qui n'est pas du tout systématique même si, petit chanceux, vous avez eu les deux en avril dernier !). Sur le charme de PJ Harvey, euh, il vous faudrait la revoir parce qu'elle n'est plus du tout comme il y a dix ans hélas (je ne parle pas que du physique, mais aussi du charisme, en grande partie envolé sur sa tournée... La suite | Réagir
> Réponse le 27 septembre 2011, par Yaz
C'est une beauté assurément, un peu coincée tout de même : cela étant on est là pour sa guitare et sa voix (où beaucoup d'émotion passent, en effet). Celles-ceux qui aiment les artistes "chaleureux", les entertainers comme dit Philippe, en sont pour leurs frais et sont parfois repartis déçus... mais celles-ceux qui savent juste fermer les yeux et décoller, ont fait un vol 'tripsique' d'une bonne heure ! wouahou que j'ai kiffé moi !! Question quand même : où est branché l'amplificateur bionique dans son corps ? Parce que on dirait qu'un tel volume ne peut pas sortir de si petits poumons ? Si ça se trouve son pantalon bouffant est rempli de technologies d'amplification... Réagir
> Réponse le 03 octobre 2011, par Anne
On est également allé réécouter Anna Calvi à la Laiterie (quel plaisir de voir un artiste de près !)et avons également eu cette magnifique reprise de TV on The Radio ( on était fous) et le public a pu choisir "the next song" (Jezebel) en français ou en anglais. Le public était très marqué : majorité de couples, 35-45 ans ou mecs seuls, 45 ans. Assez branchouille type bobo-sophistiqués. Silence religieux durant les morceaux puis applaudissements interminables, ça fait du bien un concert/communion aussi puissant sans mecs bourrés sur la scène ! Bon, mon ami Steph a fait un petit coup de moins bien et a fini le concert sur le pas de la porte - l'émotion !:-) Réagir
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