Chronique de Concert
Daniel Johnston & The B.E.A.M. Orchestra + The Brian Jonestown Massacre (Printemps de Bourges 2010)
L'affiche réunissant Daniel Johnston & The B.E.A.M. Orchestra et The Brian Jonestown Massacre au Printemps de Bourges 2010 était magique sur le papier pour les fans de rock flirtant avec les troubles frontières de la santé mentale... Elle a tenu de nombreuses promesses malgré la maladie de Mr Johnston et le concert trop court d'Anton Newcombe & Co. On ne sait pas si Danny et Anton se sont croisés backstage, mais si c'est le cas, l'homme qui voit l'ombre du démon partout et celui qui veut que la musique reste diabolique ont dû avoir des choses à se raconter !
Daniel Johnston & The B.E.A.M. Orchestra
La très belle salle de l'Auditorium de Bourges est comble lorsque le B.E.A.M. Orchestra déboule sur scène, suivi peu de temps après par un Daniel Johnston dont le physique de vieillard obèse est vraiment inquiétant pour l'avenir... Quelle tristesse de constater les ravages faits par la maladie sur cet homme génial ! Toujours hanté par ses fantômes et poursuivi par d'incessants tremblements des membres supérieurs (qui ne font rire que certains idiots dans la salle), le divin songwriter nous fait peur en début de concert : sa voix est très mal assurée, le premier morceau est un peu bâclé par le B.E.A.M. Orchestra (une troupe hollandaise de jazz expérimental dont le nom échappe au pauvre Daniel quand il veut la présenter) et les deux titres joués en solo juste après sont pathétiques, Mr Johnston n'arrivant pas à jouer correctement de sa mini guitare. A cet instant précis, l'on se dit qu'on aurait dû rester sur la très bonne impression scénique laissée par le récent auteur de l'album Is And Always Was au Café de la Danse à Paris, en juin 2005.
Puis, fort heureusement, Daniel Johnston s'assoit derrière son pupitre (où il lit consciencieusement ses textes) et se lance dans Mind Movies, avec l'aide sobre et classe de ses musiciens. On pousse un "Ouf" de soulagement ! Car si la voix est chevrotante et déraille parfois, elle charrie toujours un flot d'émotions dont il est difficile de se défaire. Celles-ci font en effet souvent écho à ce que tout le monde ressent un jour où l'autre : on rêve tous de rencontrer l'amour avec un grand A ou d'être un superhéros volant au secours de la veuve et de l'orphelin, voire un sanglant acteur de films d'horreur... Le travail du B.E.A.M. Orchestra sur l'instrumentation permet, quant à lui, à l'ensemble de tenir la route et d'être surprenant : ce groupe sait jouer de façon jazz, pop, folk ou rock, en s'adaptant aux chansons et en apposant sa patte sur les arrangements. Les fans purs et durs de LO Fi - qui restent bloqués sur le Daniel Johnston des débuts, on les comprend mais il faut savoir être réaliste - froncent un peu les sourcils, les autres apprécient à sa juste valeur la relecture des morceaux avec cordes, cuivres, percussions et piano. Hyper concentré, le maître de cérémonie, s'applique autant qu'il peut entre deux gorgées d'eau ou petits remerciements. A bout d'une vingtaine de minutes, on verse notre première petite larme sur une ballade lennonienne absolument bouleversante. Quel privilège de pouvoir partager quelques courts instants avec un pareil artiste ! La salle semble du même avis que nous, à part un ou deux néophytes peu convaincus ou voyeurs ricanant lamentablement. Un spectateur résume le sentiment général en hurlant "I love you !" lors d'une pause, une bien belle manière de dire au chanteur - qui s'inquiétait un peu plus tôt avec un très mignon "Are you Still There ?" - qu'il ne joue pas seul devant un mur. L'assistance est bien là pour la fin du set, qui est un pur bonheur : le groupe et la vedette de la soirée se mettent à rocker façon Beatles sur l'excellent Fake records of Rock 'n roll, se lancent dans une version à tomber à la renverse de Devil Town et offrent à l'occasion des rappels une très belle interprétation de l'immense True Love Will Find You In The End. Un titre qui nous fait fondre en larmes du début à la fin.
Daniel Johnston semble content de sa soirée : sa joie d'avoir été rappelé alors qu'il était retourné brièvement dans les loges semble sincère. Le dernier morceau terminé, tel un élève appliqué content d'entendre sonner la fin du cours magistral, il regagne définitivement et prestement ses quartiers, non sans avoir pris son classeur où figurent certaines des plus belles pages de la pop contemporaine. Si la nuit se poursuit avec des concerts jusqu'au bout de la nuit, les premières notes que l'on siffle au réveil le lendemain sont celles des chansons uniques de cet extra terrestre. Un grand monsieur auquel on souhaite une vie aussi longue et heureuse que possible.
The Brian Jonestown Massacre
Tout retourné par la prestation de Daniel Johnston, il reste encore le set de The Brian Jonestown Massacre pour nous faire bénéficier du deuxième effet "psyché cool" : un peu plus d'une heure de cérémonie sauvagement noire, super rock 'n roll, hyper droguée et très impressionnante. Sans doute mécontent de devoir minuter sa prestation et de jouer à un horaire inhabituel (19h30, l'heure normale du petit déjeuner pour BJM ?), le groupe d'Antom Newcombe et Joel Gion s'attache à enchainer ses morceaux sans moufter.
Comme nous sommes situés en plein milieu des gradins et assez proche de la scène, la troublante sensation d'être au cur du magma sonore créé par Brian Jonestown Massacre est véritablement saisissante. C'est parti pour un trip très prenant où les entrelacs de guitare noisy, les riffs stoniens ou velvetiens et les parties vocales pop ou atmosphériques emmènent dans une sorte de paradis à la fois maléfique, hallucinogène et étrange. Si le groupe ne décroche presque pas un mot (seul Joel Gion dira merci au cours d'un set conclus par un laconique "Thank you so much" par Mr Newcombe), la musique parle d'elle même : boostées par un batteur remarquable, un solide bassiste et le duo tambourin/maracas de l'inimitable Mr Gion, les guitares vintage (de 6 à 12 cordes) se lancent dans des duels vrillants, pendant que le leader de Brian Jonestown Massacre ou l'un des quatre guitaristes, Matt Hollywood, interprètent les morceaux avec un détachement absolument parfait. Ce show best of (When Jokers Attack, Servo, Oh ! Lord... ) aurait certes gagné à s'étirer avec les longs morceaux bruitistes des deux derniers albums (My Bloody Underground et Who Killed Sgt. Pepper ?) mais du coup la set list ne comporte pas un seule baisse de régime, aucun atterrissage forcé au cours du long vol plané sonique qu'elle initie.
Ce concert-là c'est un peu comme prendre un aller simple vers le pays du psychédélisme noisy de BJM, en endroit où My Bloody Valentine, The Velvet Underground, The Rolling Stones, Spacemen 3, The Jesus And Mary Chain, Joy Division et The Beatles passent au travers du filtre du cerveau admirablement cramé d'Anton Newcombe. Pas beaucoup de surprises lors de ce concert de BJM au Printemps de Bourges, mais la confirmation d'un immense talent pour délivrer des prestations scéniques époustouflantes de puissance. Car truffées de diaboliques pop songs sonnant déjà comme des classiques...
Liens : www.printemps-bourges.com, www.myspace.com/brianjonestownmassacre, https://brianjonestownmassacre.com, www.myspace.com/dannyjohnston, https://www.hihowareyou.com...
A lire sur le Printemps de Bourges 2010, des chroniques des concerts de Health, LoneLady, Teenage Bad Girl, The Subs, Gazelle, Koudlam, Iggy & The Stooges, The Black Box Revelation, Chain And The Gang, Mustang, Ben Sharpa, Gizelle Smith & The Mighty Mocambos, Lexicon, Solillaquists Of Sound, Sexy Sushi, The Bloody Beetroots Death Crew 77 et Crookers , Wave Machines, Royal Bangs, The Love Me Nots, Fool's Gold, Ladylike Dragons, Les Plastiscines, Midlake + Tunng...
Photos : Flore-Anne Roth
Critique écrite le 19 avril 2010 par Pierre Andrieu
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