Chronique de Concert
(mon) Art Rock 2011 1-2 : Hindi Zahra, Staff Benda Bilili, Jon Spencer Blues Explosion, The Hives
Retour heureux sur la place Poulain Corbion, Saint-Brieuc Côtes d'Armor, très très loin de chez nous (latitude, température et climats y compris !), au Festival Art Rock que nous avions découvert avec ravissement il y a déjà 3 ans. Il faut dire que l'affiche de cette année, dont on ne pourra hélas pas honorer les 4 jours, a de quoi donner le frisson au chroniqueur en goguette, d'autant plus s'il est accro au dernier degré à la galette-saucisse/oignon/moutarde...
Arrivée très bien balisée sur un site inchangé (30 ans d'expérience feront toujours la différence), qui investit l'ensemble du centre-ville avec expositions et concerts gratuits pour tous, et payants pour ceux qui veulent voir des têtes d'affiche. Par ici, il est souvent reproché à ce Festival de drainer trop de subventions à lui tout seul, mais force est de constater que le passant briochin ou autre en a largement pour son argent (s'il a payé ...) : il y a de quoi faire sur ce lieu, qui plus est assez majestueux, qu'est le centre-ville de Saint-Brieuc ! Où le festival Art Rock investit aussi bien théatres, musées et parkings, qu'un ancien Monoprix désaffecté ou même, pour son espace pro, une chapelle en activité...
Où le plus prolo/fauché des passants peut au moins fouler un tapis rose et profiter d'une série de concerts de qualité (une sélection de musiciens du métro parisien, notamment), voire goûter pour un prix modique à la cuisine de grands chefs (opération "Rock en Toques", hélas non testée). On se fait la réflexion qu'il serait décidément très profitable de trainer ici par la peau du c... quelques-uns des responsables de notre fameux (et foireux) "Marseille-Provence, Capitale de la Culture 2013", voire même la vieille crapule arrogante et clientéliste qui nous sert de maire. Un voyage d'études en terre briochine leur permettrait assurément de comprendre un peu mieux ce qu'est une fête culturelle populaire et de haut niveau !!
Bref, la journée commence avec la chanteuse Hindi Zahra. A l'époque de sa sortie, on a bien failli chroniquer le disque Handmade, qu'on a finalement trouvé un peu trop lisse malgré quelques très bons titres : on aura donc l'occasion de juger sur pièce s'il décolle davantage en live. Malgré la pluie et la foule qui n'est pas encore arrivée, c'est le concert idéal pour commencer un festival, avec cette jolie et très souriante demoiselle, au style détendu sans être désinvolte.
Dès le deuxième titre, c'est le tube Beautiful Tango qui est donné (inhabituellement doté d'un pass photo, je suis hélas encore emmêlé dans les modes de mon appareil). Son reggae-folk est assez plaisant, mais on aime aussi les passages où elle lâche la bride à son orchestre orientalisant, avec de puissants soli de percussion ou de cordes. Une choriste permet également de lui donner la réplique, ou de la profondeur.
La deuxième moitié du concert donne lieu à des passages plutôt explosifs (la chanteuses elle aura l'occasion de se livrer à du headbang sur un énorme solo de batterie. Le soleil réapparait timidement eu fur et à mesure que le son se calme - on rate a priori son 2e tube, Fascination, en allant chercher de quoi nous rassasier : la première d'une longue série de galettes saucisses... tant pis pour nous ! Malgré son très bon groupe, au rappel, Hindi Zahra revient seule avec une guitare, et le résultat est très joli : c'est donc bien une vraie chanteuse folk de talent que nous avons là !
Enfin, enfin un concert entier et peinard des Staff Benda Bilili (sans devoir courir après Christophe), pour célébrer le soufflé qui, heureusement, ne retombe pas depuis leur premier disque, qui avait frappé Très très fort et dont l'histoire est assez incroyable ! Le plus réjouissant étant de voir l'évolution de Roger, le jeune joueur de satonge (un instrument fabriqué avec une boite de conserve, un bâton et une ficelle), gamin des rues de Kinshasa qui avait 12 ans sur des images de 2004, et l'air d'en avoir 8, pour cause de malnutrition.
7 ans après, grâce à deux cinéastes français qui les ont aidé à produire un album, donc à sortir de la misère et ont réalisé un documentaire (éponyme) qui raconte ce véritable conte de fée moderne, le groupe foule (et roule sur) les scènes de tous les grands festivals d'Europe ! Quant à Roger, c'est devenu un grand et beau mec, sûr de lui et roublard, et qui prend une part toujours grandissante dans les parties chantées du Staff.
La joie de ses congénères roulants ou à béquilles fait également plaisir à voir - 2 ans de tournée n'ont manifestement pas encore altéré leur envie d'en découdre avec cette salope de polio ! Ca part très fort avec Moto Moindo et Moziki : le public briochin, qui les découvre sans doute en grande partie, a déjà compris qu'ils ne sont pas là pour faire chialer dans les chaumières, ni même culpabiliser qui que ce soit, mais pour foutre le feu, musicalement parlant !
Car maintenant qu'ils sont bien rodés, ce n'est plus "Très, très forts !", qu'ils sont, les Staff Benda Bilili mais "Trop, trop forts !", semblant dire : c'est pas parce qu'on peut pas marcher qu'on va se laisser abattre, non de non ! Ils éclipsent d'ailleurs largement les deux valides qui les accompagnent. Les 4 chaises roulantes se mettent vite à valser, tourner sur elle même ou basculer dangereusement, et le public à danser et vibrer de concert. On a une pensée pour la tribune handicapée, où tout ceci doit ouvrir des perspectives...
Et on se retrouve à gigoter sans y penser, notamment sur le toujours explosif Avramandole, où l'une des chaises roulantes est abandonnée par son propriétaire (le rasta) pendant de longues minutes - monsieur est occupé à danser par terre, avec une banane jusqu'aux oreilles ! On leur pardonne donc bien volontiers un ou deux titres plus assez rumba, et trop "zouk" (le public y réagit nettement moins, d'ailleurs).
Le final est toutefois plutôt grandiose : d'abord sur la pétaradante Staff Benda Bilili, où le chanteur à béquilles atteint pratiquement la transe (les percu sonnant quasi électro, il y a de quoi !), et fait merveille avec sa voix de canard ébouillanté, tandis que le joueur de boite de conserve se déchaîne. Fin sur Tonkara, qui leur permet de faire chavirer le chapiteau de droite à gauche, tout en comptant leurs anciennes mésaventures. Conclusion, Staff Benda Bilili, sur album, c'est bien, mais en live, c'est encore mieux !
The Jon Spencer Blues Explosion, qui nous en a touché une sans vraiment bouger l'autre il y a 2 semaines à Marseille, va s'avérer plus en forme et/ou plus motivé cette fois-ci. Ca n'empêchera pas leur ingénieur du son (malentendant, le pauvre) de commencer le concert sur un volume propre à faire frémir d'horreur même les amateurs de musiques hardcore. Mais Judah Bauer, Russel Simins et Jon Spencer s'en foutent et cognent sans pitié, bien décidés s'il le faut à crever du tympan breton pour se faire comprendre !
Sur scène, ça déboite et ça enchaîne les titres, les dents serrées, pendant que les pauvres photographes luttent avec ces horribles lumières bleue et rouge flashy, impossibles à travailler : trois chansons sont vite passées, on a fait ce qu'on a pu ! Bon, question set-list ça va être rapide : tout en possédant la quasi-intégralité de ses oeuvres, on a jamais su aucun titre des chansons jouées par le groupe ...
On se contente donc d'apprécier la performance sonique du gang, qui saille le blues par tous les trous possibles, quitte d'ailleurs à s'en éloigner pas mal (le tout est quand même plutôt orienté rock garage noisy)... Dans le but de sauver deux toutes petites oreilles (en poussette) que notre groupe d'amis a amené avec lui, on s'éloigne de la place où le son est au début à peine tolérable. Par la suite, il va d'ailleurs baisser ostensiblement d'un cran, suite à une vive apostrophe de l'ingénieur du son par un responsable du festival...
Quoi qu'il en soit le jeune public est rendu dingue par ce son volontairement dégueu : il s'excite, se crowde-surfe dessus et se pousse dans la fosse, et passe pour sa part une excellente fin d'après-midi ! Car dans ce groupe, certes dépassé par certains suiveurs (aussi bien en rock garage qu'en blues), il y a au moins un excellent chanteur (et comédien), un guitariste et un batteur peu expansifs mais très doués, c'est déjà pas si mal, et ça suffit à compenser des titres parfois répétitifs !
On revient faire un tour vers la fin du set, sur le fameux "tube lent du groupe", Magical Colors. Le groupe finit son concert dans un final assez éblouissant de raffut, entre batteries massacrées, guitares violentées, thérémine rendu hystérique par le chanteur qui tournoie autour, toujours affublé de son agaçant tic de langage ("Bluhuhuhuhues Explohohosion !")... Voilà qui nous a un peu réconcilié avec eux : aujourd'hui, ils étaient bien dedans, les JSBX, et ça a fait toute la différence !
A peine a-t'on eu le temps d'aller faire un petit pipi que les immenses lettres lumineuses et mégalo sont déjà en place... Et les coolissimes roadies, déguisés en ninjas, sont bien sûr à pied d'oeuvre ! The Hives sont, comme chacun sait ou devrait le savoir, l'un des meilleurs groupes de rock en live qui soient, scéniquement drôle et musicalement explosif : notre dernier rendez-vous d'une déjà longue série avec eux, date à peine des dernières Eurockéennes, mais ils nous manquaient déjà !
Depuis, ils tardent à sortir un nouvel album (tout juste un petit EP de reprises) mais ont réussi à changer de costumes. Ce soir ce sera queue de pie et haut-de-forme pout tout le monde. Le groupe par contre, mettra bien longtemps à débarquer, dans un énorme bordel car le public est survolté : plusieurs départs de bagarre observés en attendant qu'ils arrivent ! Et bien évidemment, en dégainant d'entrée Main Offender, c'est bien l'émeute que vise le vicelard gang de sexy swedish motherfuckers !
Suit une chanson nouvelle où le chanteur s'occupe en grimpant à la structure tout en haranguant le public, achevant de rendre les premiers rangs complètement dingos. "Bonsoir Art Rock, je m'appelle Howlin'Pelle Almqvist et je suis le meilleur !" Personne au monde n'aurait l'idée de le contester : résistez à Die ! All Right !, enchaîné avec Walk ! Idiot ! Walk ! si vous le pouvez, c'est l'émeute dans le public, et pour tout dire on s'en roulerait par terre de bonheur !
Il paraît évident à ce stade que ce concert va enfoncer les autres de la journée, même celui de JSBX. Le surpuissant combo venu du froid tape dans son (fabuleux) répertoire sans complexes : beaucoup de concurrents auraient aimé pouvoir sortir un seul morceau aussi puissant que Hail Hail ! Spit n'Drool ou No Pun Intended.... D'ailleurs même l'album noir et blanc, parfois décrié, contient son lot de titres parfaits pour rendre une foule frappadingue, comme l'archi-putassière et jouissive Bigger Hole to Fill.
Et en plus, il n'y a qu'un HPA au monde, et ce type est très probablement l'un des tous meilleurs entertainers qui soient, avec sa façon inimitable de choper la foule par le colback et de l'entraîner malgré elle dans tous ses délires. Les Hives dégainent également un nouveau titre pour nous mettre l'eau à la bouche (Take back the Toys, assez cool), avant la très efficace Try It Again... On s'est pratiquement fait virer de la zone photo à coups de pompes mais ça tombe bien, c'est excellent du fond aussi !
Hélas, diverses contingences nous forceront à quitter le site un peu avant la fin de leur concert : pas bien grave, on s'est encore payé une sacrée belle tranche de Hives et en outre, pas besoin d'être devin pour imaginer la fin presque immuable de la set-list : Two Timing Touch & Broken Bones, Hate to Say I Told You so, Tick Tick Boom, A.K.A. Idiot, etc. Bref même sans la fin, meilleur concert de la journée à n'en pas douter !!
Au fait, pour les veinards qui auraient découvert The Hives sur scène , il est possible de rattraper leur best-of d'un coup, facilement : ils ont sorti une compil 1997-2005 - leur meilleure période à ce jour - avec absolument tous leurs tubes, ça s'appelle Your New Favourite Band et ça déchire du slip. Sinon, il y a des live plutôt facile à choper sur Internet ou (et non, ce n'est pas du piratage, car ils n'en ont jamais sorti d'officiel !)
Pour nous, c'est l'heure d'aller faire dodo, on laissera les autochtones brailler et rigoler dans les rues alentour jusqu'à pas d'heure. Tant pis pour la rigolote Yelle et ses chansons électro-pop très culottées (ou très déculottées), qui auraient bien mérité un coup d'oeil malgré l'heure tardive, surtout qu'elle jouait à domicile ce soir. En tout cas, on survivra à notre grand étonnement à la traversée assez effrayante de nappes de brouillard incroyables, en rase campagne armoricaine.
La suite, ce sera le dimanche - on a sauté comme prévu le samedi, pour cause d'invitation évidemment indéclinable à une fête bretonne échevelée - et c'est par ici !
Bonus : 1 ou 2 vidéos souvenir (qualité appareil photo) par là !
Critique écrite le 14 juin 2011 par Philippe
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