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Chronique de Concert

A Silver Mount Zion + Libelul

Cartonnerie, Reims 23 mai 2006

Critique écrite le par

L'heure était à la douceur ce soir à la Cartonnerie. Il y avait une jolie DJ qui passait des disques tout doux et parfois mieux que ça encore. Du Bonnie Prince Billy, du Sébastien Schuller, le Grass d'Animal Collective, une chanson envoûtante, où des cris de joie font office de refrain, et puis encore Oh Mandy du Spinto Band. Une tuerie toute mignonne. Ce titre me fait le même effet qu'Unfair de Pavement (sur Crooked Rain, crooked rain, en 1994, il y a plus de dix ans déjà !), l'envie de prendre un vélo et de foncer à travers une enfilade de vitrines de garages automobiles, une envie de se fracasser avec le sourire aux lèvres, en hurlant d'allégresse. Il y a cette intro à la mandoline, avec cette nappe de synthé hyper épique et après tout cet amour pour cette Mandy, qui en fait de l'effet au chanteur ...
Ce qui est bien avec cette chanson, c'est qu'on peut remplacer Mandy par toute une série de prénoms qui se termine en i, comme Marjorie, Julie, Cindy, Thierry, euh..., ou bien Ophélie. Ah ouais ! Mettons que vous connaissez, une Ophélie, et qu'elle vous pince un peu le cœur quand vous y pensez. Vous prenez la chanson et au lieu de Oh Mandy, Oh Mandyyy !, vous gueulez O phélie, O phéliiie ! Vous sautez bien haut dans le ciel, comme ça, dong, dong, dong, O Phélie, O Phéliiie ! Plus haut que ça ! Il faut à tout prix la retrouver là-haut dans son monde merveilleux. Et au moment du break, quand la mandoline reprend son souffle et que la grosse caisse remet un peu d'ordre, vous imaginez que vous y êtes et que vous refermez vos bras sur ladite personne. Ce n'est pas que je connaisse spécialement des Ophélie, mais ça marche très, très bien avec ce prénom. Enfin... ce fut trois minutes vingt secondes de plaisir intense.
En ce moment, je suis d'humeur à lancer des demandes en mariage et je me demande ce qui m'a retenu de proposer ma main à cette DJ si inspirée. En tout cas, qu'elle soit louée et que les organisateurs de concert n'hésite pas à refaire appel à elle.



Après toutes ces émotions, il n'est pas très étonnant que Libelul m'ait laissé de marbre. Comment rivaliser avec une telle chanson ! Libelul assurait donc la première partie. C'est un groupe rémois. Ils étaient trois sur scène. Un batteur, un bassiste/guitariste et un guitariste-chanteur. Aux premières notes, j'ai d'abord eu peur qu'il s'agisse d'un projet post-rock instrumental. Ce courant a généré plein d'adeptes en France, mais jusqu'ici j'ai surtout entendu des groupes tristes et ennuyeux. Et après Mandy, vraiment, je n'étais pas d'humeur à m'ennuyer et à broyer du noir.



Bon..., Libelul ne nous a pas joué du post-rock, mais, pour être franc, je ne peux pas dire que je me sois amusé en les écoutant. La voix est douce, en anglais. Ce sont des ambiances cotonneuses. C'est propre, ça se laisse écouter, mais cela ne m'a pas emmené bien loin. Un moment, le batteur et le bassiste se sont éclipsés pour laisser le guitariste, Matthieu Rondeau, interpréter seul une série de morceaux. Quand ils sont revenus, le batteur a cliqué sur un ordinateur pour lancer une rythmique et là, j'ai pensé à Hood, un groupe anglais qui mélange électronique et mélancolie. Il y a eu alors quelques échappées guitaristiques pendant lesquelles la température s'est réchauffée un peu. Un peu, seulement.




Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra and Tra-la-la-la band, c'est l'appellation officielle du moment d' A Silver Mount Zion (ASMTZ). Pas que le groupe cherche un nom aussi long que ses compositions, mais à chaque nouvelle incarnation correspond une nouvelle identité. Au commencement du projet ASMTZ, il n'y avait que trois personnes, Efrim, Sophie et Thierry, trois membres de Godspeed you black emperor.
Beckie, Ian et Jessica les ont rejoints lors de l'enregistrement du deuxième album pour former The Silver Mount Zion Memorial Orchestra and Tra-la-la band. Puis, il y a eu, le troisième enregistrement, This is our punk rock, the rusted satellites gather and sing, où une chorale est venu soutenir le sextet et là on obtint The Silver Mount Zion Memorial Orchestra and Tra-la-la band with choir. Et enfin aujourd'hui, ils sont sept avec l'arrivée de Scott, et un e s'est collé au The pour donner donc Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra and Tra-la-la band.
Imaginez le casse-tête si Mark E. Smith s'amusait à faire la même chose dès qu'il vire un membre de The Fall ! On en serait au moins au cent cinquantième nouveau nom, il faudrait une page entière pour faire tenir le nom du groupe du mancunien dont la tête n'a cessé d'enfler depuis 1976 (The man whose head expanded, un single paru en 1983).
Pure spéculation de musicomaniaque. L'univers d'ASMTZ est à des années lumières de The Fall.



Ces Canadiens ne sont ni alcooliques, ni violents et encore moins sarcastiques. Ce sont des utopistes, des amoureux, des cœurs purs. Et leur musique parle à la partie la plus sensible de notre âme. Avec des guitares, des percussions, et avant tout la présence d'une section de cordes, composée de deux violons, d'un violoncelle et d'une contrebasse.
Ce soir, l'humeur du groupe était plus rock que lors du concert parisien auquel j'ai eu la chance d'assister, il y a trois semaines. Ils ont commencé par le même morceau, God bless our dead marines, le premier du dernier album, mais joué sur un rythme plus tendu et plus rapide. On sentait qu'ils avaient un truc à recracher. Mais chez A Silver Mount Zion, les molards prennent la forme d'une chorale d'anges. Ce morceau de dix minutes se termine en effet par une partie chantée en choeur.



When the world is sick
Can no one be well
But I dreamt
We was all
Beautiful and strong


Efrim, le chanteur-leader, lance ce dernier couplet, comme une prière aux étoiles, à la fin d'une longue plainte sur la guerre et les amis perdus dans la drogue. Les six autres membres le rejoignent, en canon. Le même couplet, repris une dizaine de fois. Il y a des voix de garçons, des voix de filles. C'est pur, c'est beau. On se croirait dans une messe. Une belle messe. Une célébration de l'espoir et du vivre ensemble.

This is their busted future
And this is our dream
Which one do you
Believe in, believe in, believe in, believe in
Together, together, together, together


Je ne crois pas en Dieu, je suis plutôt solitaire, mais jusqu'ici, je n'avais croisé une telle intensité que dans des célébrations évangélistes. Chez des gitans et d'autres illuminés qui se prennent la main pour chanter, gueuler des cantiques plein de joie.



Chez ASMTZ, cependant, on garde une certaine mesure. Pas de grands gestes et de sauts vers l'infini. Chacun reste sagement près de son micro. Au pire, on se déchausse pour manier ses pédales d'effets, on allume une cigarette entre deux parties de son instrument. Mais même le spectacle de cette sérénité, les échanges de regard, la calme complicité qui unit ces sept musiciens est un émerveillement.









Le groupe a joué ce soir dans le cabaret de la Cartonnerie, la plus petite des deux salles du complexe culturel. Il devait y avoir trois cents personnes. Ce n'est pas rien, je crois même que le groupe préfère jouer devant un public réduit. Mais, j'ai pensé que c'était peu, comparé à l'audience d'autres groupes, et surtout comparé à la portée de cette musique.
Alors vraiment, n'hésitez pas, si un jour vous en avez l'occasion, d'aller voir ce groupe. C'est un très beau voyage.

Setlist :

God Bless our dead marines, Take these hands and throw them in the river, Mountains made of steam, Horses in the sky, Ring them bells, Blind, blind, blind, There is a river in the valley made of melting snow.

 Critique écrite le 27 mai 2006 par Bertrand Lasseguette


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