Chronique de Concert
Africa Express
Me revoici face à la page, blanche et virtuelle, avec en charge l'exercice qui me semble parfois vain et prétentieux, consistant à restituer, faire briller, pour toi, ami lecteur, le lustre d'un moment exceptionnel. Comment en effet traduire par le langage des mots la puissance et l'envoûtement qu'a exercés la musique ce soir, au Roll'Studio ?
Claude Norbert nous présente le groupe : Africa Express interprète les morceaux écrits par Jacques Ponzio.
Trois termes s'imposent à l'écoute de la musique de Jacques Ponzio et de l'interprétation qu'en font les musiciens : Lumière, Espace, et Spiritualité. Dès le premier morceau, on perçoit l'influence du souvenir africain qui habite le compositeur. Et pourtant le jazz que nous écoutons semble résolument européen. Ce sentiment de dualité, présent tout au long du concert qui s'ensuit va s'étayer de nombreuses autres constatations, au point que, par l'obstination de mon esprit tortueux, le concert apparaisse comme une riche variation de la figure de style qu'on appelle oxymore, en littérature. Le rapprochement de deux termes éloignés vient aussi avec le rapport à l'espace : dans le confinement étroit de la voûte du Roll'Studio, les musiciens parviennent à repousser les murs de pierre et ouvrir/découvrir des espaces amples, immenses.
Le jeu de clair/obscur, bien réel, que produit l'éclairage du lieu nous ramène à la lumière intérieure qui éclaire ces morceaux. Par moment, ce clair/obscur associé à l'immobilisme des musiciens donne à la scène l'allure des tableaux de Georges De La Tour, ce peintre du XVIIIe siècle qui représentait des scènes d'intérieur éclairées à la bougie. Nous naviguons encore dans l'espace incertain situé entre l'immobilisme apparent des musiciens et le mouvement généré par leur musique. Tempérance et Démesure : deux autres opposés dont la racine est bien ancrée au lexique musical, et qui se rejoignent à l'écoute des morceaux et culminent lors d'un long solo halluciné de Nicolas Aureille à la batterie, lors duquel nous avoisinons la transe vaudou. Au delà de ces dualités qui somme toute ne sont plus des oppositions, plutôt des complémentarités, la musique d'Africa Express impose un style bien personnel, unique, une identité émerge faite d'un patchwork, et autour de cette identité, les musiciens créent un monde qui leur est propre.
Ndebele Dance
Clara's Nocturne
African Backyard
Ice Stair
Emergency Blues
Deuxième set
Tuesday
Hannah On Tuesday
Abdullah
Adèle's Turnaround
Clumsy-Hand
Adjamé
Les auditeurs se lèvent pantois après un premier set superbe. La longue pause ne suffira pas à se préparer à la seconde partie : mise en orbite et knock out total.
Ça commence avec Tuesday, un morceau empreint -grâce à la guitare surtout- de l'univers "soul music", une longue montée en puissance, qui telle une oraison nous entraîne dans une profonde mise en abîme (encore une opposition). On ne serait pas surpris de voir apparaître Etta James ou Betty Carter pour entamer un chant.
Deux morceaux bénéficieront d'une dédicace. Ice Stair -anagramme presque exacte d'Erik Satie- est dédié à Dominique Bouzon, musicienne flûtiste marseillaise récemment disparue. Clara's Nocturne a été écrit par Jacques Ponzio pour sa petite fille. La tendresse et la nostalgie éclairent les deux pièces de leurs émouvantes mélodies.
A l'instar de ces deux titres, les morceaux ont tous l'unité du groupe, d'un son, d'un style mais se différencient chacun de caractères uniques.
J'enfourche mon scooter et repars, tel Icare, chevauchant de manière improbable Pégase, qui aurait eu la chance d'approcher le soleil et d'en revenir, sain et sauf, éclairé, lumineux. L'envie de déclamer une anaphore m'assaille (allez savoir d'où elle procède ?) : "Moi Président, je donnerai aux musiciens les moyens de pratiquer leur talent d'artiste. Moi Président, je fournirai aux organisateurs de concerts les subventions nécessaires à l'exercice de leur noble métier. Moi Président, j'assurerai la pérennité du jazz, en toutes circonstances..." Je serpente souplement dans les traverses sinueuses du Panier, rêvant d'un monde meilleur, et avec le sentiment délicieux de faire partie d'une caste d'élus, de bienheureux : ceux qui pour une somme qui tient plus de l'obole accèdent à des concerts dignes de figurer à l'affiche du Festival de Jazz Des Cinq Continents. Merci le Roll'Studio, merci Africa Express.
Plus de photos de McYavell ici.
Des extraits vidéos de Mardal là.
Critique écrite le 06 mai 2012 par Mardal
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