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Chronique de Concert

Aido Music System, Sna-Fu

La girafe, Reims 24 novembre 2006

Critique écrite le par

Osons. Aido Music System est le groupe le plus intéressant à sévir sur Reims en ce moment. Ils sont fous. Ils sont repoussants. Ils sont communistes. Je les aime.
J'en ai déjà parlé ici. J'étais séduit. Mais maintenant, c'est sûr, c'est définitif, je les aime. Vendredi dernier, ils sont repassés à la Girafe. Ils annonçaient un concert/théâtre intitulé Le sang des palmipèdes. Pas vraiment alléchant, et, il est vrai, ce spectacle est horrible. Du bruit, de la sueur, de l'inceste... Et pourtant c'est aussi drôle, léger, primesautier.
Cela commence, avant de commencer. Arno Lehmann, le chanteur et parolier du groupe accueille les gens à l'entrée avec le mot Amour. "Je sens de l'amour ici, de l'amour pour toi, pour vous. " Il est 22h et Arno est sobre. Il a toute sa tête et c'est donc en conscience qu'il propose de l'amour ainsi aux premiers venus.
Arno a grandi dans les Ardennes, à Revin. "Ca me fait plaisir de penser que j'ai passé 18 ans chez les Rougon-Macquart." Un peu de culture, les Rougon-Macquart, c'est une famille de pauvres et d'alcooliques dont Emile Zola a raconté l'épopée à travers vingt romans entre 1871 et 1893. Cette jeunesse zolesque a sans doute eu un effet sur la conscience sociale d'Arno. Il a milité chez les Jeunesses communistes révolutionnaires comme Olivier Besancenot, et comme Olivier Besancenot il est entré à la Poste. Pas comme facteur, mais en tant que courtier en Sicav. Le Sicav (Société d'Investissement à CApital Variable) est un produit financier qui mélange actions et obligations. Ce n'est absolument pas révolutionnaire (au sens marxiste-léniniste du terme). Autant dire que ça fait tâche dans une biographie de rocker. Mais, soyons magnanimes. Tout ça, c'est du passé. La poste a rendu sa liberté à Arno. Et à 29 ans, il dit ne rien faire que de la musique. Avec une pincée de théâtre.





Attention, je m'emballe. Il y avait un autre groupe. Qui valait lui aussi son pesant de cacahuètes. Sna-Fu. Ils venaient de Paris. Ils sont jeunes. Le chanteur a une charmante petite gueule. Et ils sont bourrés d'envie et d'énergie. Ils ont profité que la salle n'était pas bondée pour envahir l'espace en courant et bondissant partout. Ils jouent dans la même veine que Relationship of command (2000), l'excellent dernier album d'At the drive-in. Punk, métal, progressif, c'est épique, agressif et efficace. Ils étaient passionnants à regarder. Et ils m'ont donné l'occasion d'entendre ma première chanson chantée en finnois, la langue des finlandais.



Revenons à Aido Music System. Ce soir, tout ne s'est pas passé comme prévu. On attendait plusieurs acteurs, il n'y en qu'un. Matthieu, alias Benny Kravate, un jeune gars chauve avec un visage d'enfant de choeur facétieux. Il joue le rôle d'Arno tandis qu'Arno, en blouse blanche, incarne un psychanalyste. Deux fauteuils ont été installés devant la scène.

-Parlez-moi de votre jeunesse.
-Ma mère ne m'aimait pas. Elle prenait le batteur à œuf et me le mettait dans le cul. Elle hurlait : "Faut que tu saignes, faut que tu saignes, comme tu m'as fait saigner petit enculé".
Du coup je n'aime pas les œufs.
-Bon la séance se termine. La prochaine fois, vous penserez à me parler du sperme de votre père.
-J'en ramènerai.




Entre chaque scène, le groupe prend le relais de la (modeste) troupe et joue quelques titres de son répertoire. Et de psychanalyste bourgeois Arno se métamorphose en rocker sauvage. Il ne tient plus en place, de long en large, à travers le public, debout, couché, assis, les yeux exorbités comme un malade en pleine bouffée délirante il arpente la salle en postillonnant ses textes dans le micro. La plupart sont inaudibles. Ils font écho aux séances de psychanalyse. Il y est question de départ en vacances, d'alcool, de frustration, de jeunesse maudite, comme dans la Chanson de Bourdieu :

C'est l'histoire d'un pauvre junkie
Aux yeux vitreux, aux dents pourries
Les coups de ceintures de ton père tu ne les oublies pas!
Et les cuites de ta mère tu n'avais pas le choix!
Golden boy ou clochard ca ne se décide pas!
Etre né quelque part ca change beaucoup de chose, ici bas!


Le tableau d'ensemble est sinistre et misérabiliste. Mais Aido Music System c'est quand même du rock'n'roll, une catharsis en musique sous forme de courts morceaux de punk-métal.
Gras en même temps que bien affûtés. Le nom d'Aido vient du Iaido, qui en japonais, est l'Art d'exécuter avec le sabre un mouvement de coupe parfait. Coincés dans une salle avec ces pèlerins, on a en effet l'impression de se retrouver dans une case du Lotus Bleu, pauvres Tintins poursuivis par une armée de Didis.
Didi voulait couper la tête du petit reporter belge après une piqûre du radjaïdjah, le poison qui rend fou. Pour l'aider à "trouver la voie". Aido Music System partage la même ambition. Mais ils se contenteront de nos oreilles. Sont-ils fous ? Pour le sens commun, oui. Très certainement.
C'est là tout leur intérêt. On n'est pas ici face à un groupe qui joue pour le plaisir ou pour la gloire. Une urgence les anime. Une impérieuse nécessité d'exploser. Alors, ça explose, ça bave, ça tache :

-Ah non ! La laitance de votre père sur mon beau tapis en soie.
-J'avais promis de vous en ramener.



 Critique écrite le 26 novembre 2006 par Bertrand Lasseguette


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