Chronique de Concert
Alela Diane + Peggy Sue + Dylan Le Blanc
Dylan Le Blanc
C'est donc à la Scala de Londres, près de King's Cross-St Pancras, que le rendez vous est donné en ce jeudi soir. La salle qui peut contenir environ 1100 personnes se remplit peu à peu alors que Dylan Le Blanc prend possession de la scène en premier.
Soirée plus ou moins thématique oblige, le jeune homme nous offre une musique à la croisée des chemins de la folk et de la country profonde de l'Amérique, accompagné d'un ami à la steel guitare. Malgré une belle voix et des compositions qui tiennent la route, l'univers manque d'un je ne sais quoi qui nous le rendrait vraiment sympathique. Le Blanc force bien trop sur sa voix et on a l'impression qu'il le fait uniquement pour nous montrer qu'il en est capable. Cela n'apporte rien aux morceaux et au contraire, ça peut sérieusement taper sur le système. Pour les trois dernières chansons de son set, il est rejoint par un batteur et un second guitariste, qui aident à apporter une certaine âme à la performance, qui en manquait jusque là cruellement.
Le meilleur pour la fin, Alela Diane le rejoint sur l'ultime morceau, et la simple apparition de sa voix suffit à élever d'au moins deux crans le niveau de la prestation. Leurs timbres se marient à merveille et se répondent de façon à nous faire croire en un meilleur monde possible. En tout cas, Dylan Le Blanc à lui tout seul ne vaudrait pas franchement le déplacement, à moins que vous n'aimiez voir en concert des personnes imbues d'elles mêmes.
Peggy Sue
Lui succède un trio avec à sa tête deux jeunes filles, la blonde et la brune, l'apparence timide et tout droit sorties des années 90 si l'on en croit les tenues et les coupes de cheveux. Peggy Sue, groupe venu de Brighton sur la côte sud de l'Angleterre, attaque.
Première impression, "mmmh, ça a pas l'air mal". Elles chantent bien et le premier morceau, assez folk et sans section rythmique est plutôt plaisant. Mais c'est à partir du second morceau, intitulé Yo Mama, qu'on se dit vraiment "Ah, tiens ?". En effet, l'apparition d'un accordéon laisse entrevoir une créativité plus grande que l'on aurait pu l'imaginer et le morceau prend une teinte rock qui est très loin de nous déplaire. A partir de là, et pour les 30 prochaines minutes, les jeune filles et leur batteur enchainent les compositions bien foutues et vraiment catchy. A l'instar d'Alela Diane, Rosa Rex et Katy Klaw ont de très belles voix, puissantes et profondes, qui s'accordent très bien et font passer le concert de ce soir dans la cour des grands. Plus ça avance, plus elles se dérident, discutent et plaisantent avec le public, et plus elles mettent de la conviction dans l'interprétation de leurs chansons (allez écouter Watchman en essayant de l'imaginer jouée live, vous m'en direz des nouvelles). Du côté de la salle, même évolution, plus ça va, plus les pieds battent la mesure sur la rythmique, basique mais impeccablement en place ; et au fur et à mesure, c'est tout le corps qui bouge et qui s'imprègne de cette musique qui prend légèrement aux tripes. Ça rappelle la découverte Warpaint, groupe féminin de Los Angeles, en novembre dernier. Peggy Sue partage avec elles un univers sombre et ténébreux, qui mérite d'être exploré sans être analysé en profondeur, juste vécu pleinement. Aussi, comme les jeunes Américaines, Peggy Sue ne s'embarrasse pas d'un quelconque message, d'une quelconque revendication comme quoi les nanas AUSSI peuvent faire de la musique de mecs. Non, une fois de plus, ce sont seulement des jeunes filles qui en veulent et tant pis si ça plante ou si elles n'ont pas assez de poil au menton. Elles continueront à faire ce qui leur plait, peut importe que ça marche ou non. Et de toute évidence, à la fin de leur set, on peut dire que ça a marché, les applaudissements sont au rendez-vous et la salle tente même de demander un rappel.
Malheureusement elles ne reviendront pas, mais on court au stand de merchandising pour acheter leur album intitulé Fossils and Other Phantoms. Moins rock que leur prestation scénique, il n'en est pas moins intéressant et au bout de la troisième écoute on ne peut plus s'en passer, on en fredonne sans cesse les mélodies qui reviennent perpétuellement dans notre esprit. Carton plein pour Peggy Sue.
Alela Diane and Wild Divine
Enfin, à 21h30, Alela Diane and Wild Divine entrent en scène. La jeune femme, qui se suffisait à elle-même à l'époque de son premier album, a bien étoffé son style et s'entoure maintenant de quatre personnes sur scène, dont son père et son mari. L'univers de l'artiste en devient un peu plus pop et cela lui va bien au teint. Si l'on devait résumer Alela Diane à quelque chose, ce serait très probablement à sa voix, si particulière, si juste et profonde. On voit que chez cette artiste, le chant est une chose aussi naturelle que boire ou respirer. Et pour elle, c'est probablement tout autant vital. Guitariste et compositrice douée, ses morceaux nous emportent vers une Amérique profonde, dans les états centraux où la perpétuation des traditions passe par le chant et la musique.
Fermer les yeux pendant un concert d'Alela Diane permet de s'imaginer là bas, au milieu des grandes étendues de prairies balayées par le vent et donne envie de communier avec l'autochtone. Pas le Texan à chapeau sorti tout droit de Dallas, mais les gens vrais du Missouri ou de l'Arkansas qui vous paieraient un bon T-Bone steak. Dit comme ça, ça ne vous fait peut-être pas rêver mais il faut vivre ces concerts pour mieux comprendre. Elle chante une culture qui nous est étrangère et même si son but n'est pas de nous l'expliquer, on entre lentement dans une sorte de monde parallèle où on aurait grandi dans les diner en bord d'autoroute, dragué dans les drive-ins et où on serait partis en vacances en camping car.
Le groupe est heureux d'être là et communique énormément avec le public, cherchant à trouver les 10 raisons pour lesquelles ils sont ravis d'être de retour à Londres. Ce n'est pas toujours simple mais ils s'en sortent honorablement, "parce que c'est Londres" (raison n°4) ! La tournée européenne se termine mais fatigue et lassitude ne se font pas sentir, au contraire, il y a une réelle communion dans la salle, que ce soit entre les membres du groupes ou avec l'assistance. Alela Diane échange de longs regards avec les membres de sa famille qui l'accompagnent sur scène, et on ne se sent pas tant voyeur que faisant aussi partie de ce clan, comme un cousin au troisième degré qu'on n'aurait pas revu depuis le mariage de la cousine Sue.
Arrive le moment magique, et personnellement tant attendu, où le groupe s'éclipse et nous livre la jeune femme dans toute sa solitude. Elle n'interprètera malheureusement que deux chansons avec pour seul accompagnement sa propre guitare folk, mais la sublime Rifle vaut à elle seule tous les Dylan Le Blanc du monde... L'intensité de l'exécution et toujours cette maîtrise vocale ont de quoi faire fondre la plus récalcitrante des personnes sans cur. Le groupe revient, c'est l'heure du rappel et après deux morceaux supplémentaires issus du dernier album de la belle, l'Amérique retrouve sa place de l'autre côté de l'Atlantique, mais elle conserve pour quelque temps encore cette vieille image de pays authentique, où tous les rêves sont autant de potentielles réalités, à la condition de tout mettre en uvre pour les réaliser.
Critique écrite le 20 mai 2011 par Coline Magaud
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