Chronique de Concert
Festival MIMI : Algecow + L'Occelle Mare + Pere Ubu
Deuxième soirée de la 28e édition du Festival MIMI intitulée " Nuit des doigts dans la plaie du Rock ". Ce titre laisse présager plutôt de bonnes choses puisque l'Hôpital Caroline accueille ce soir deux formations françaises totalement atypiques ,Algecow et L'Ocelle Mare, et un des groupes les plus importants et originaux de le New Wave américaine : Pere Ubu.
J'aperçois tout ce que la cité phocéenne comporte comme (plus ou moins) vieux briscards amateurs de post-punk-new-wave qui ne manqueraient en aucun cas ce concert qui est la seule date française de ce groupe unique.
La soirée débute avec Algecow, duo avignonnais constitué de Bastien Pelenc au chant, aux claviers et autres " babioles bigarrées " et de Thomas Barrières à la double guitare, à la grosse caisse et autres " farandoles d'objets " (dixit le flyer du festival). Assis de chaque côté de la scène, vêtus chacun d'un gilet rouge, les deux garçons vont capter tout de suite l'attention du public.
Ils démarrent fort avec un Call me Something tonitruant, frappant frénétiquement sur leurs toys pianos. Leur univers foutraque et doux dingue me fait tout de suite penser à celui des Residents passée à la moulinette Tom Waits période Rain Dogs. Les morceaux plus calmes alternent avec des titres plus excités. Le groupe joue avec les accalmies et les montées en puissance mais sans jamais rien perdre de sa loufoquerie et de sa dimension ludique. Bastien Pelenc passe sans difficulté des voix graves aux voix aigües, Thomas Barrière développe de longs motifs répétitifs à la guitare, et tout ceci avec une grande maîtrise vocale et instrumentale.
Le set se termine par une sorte samba déglinguée, jouée avec un saxophone jouet. Devant l'accueil enthousiasme du public qui en redemande, le duo va pouvoir faire son rappel. J'ai vraiment beaucoup aimé le prestation de cette prometteuse formation qui concilie une grande musicalité avec un humour bien décalé.
Thomas Bonvallet, alias L'Ocelle Mare, ancien guitariste de la formation post rock Cheval de Frise, a donné une performance surprenante. Homme orchestre équipé de différents instruments et autres objets musicaux (Banjo, diapasons, métronome, d'orgue à bouche, grelots etc.) qu'il détourne de leur usage initial, Thomas Bonvalet travaille avant tout sur leurs textures sonores, leurs frottements ou leur résonances.
On sort bien sûr ici du format " chanson " même si on perçoit quelquefois des fragments de mélodie. Les morceaux se construisent à partir du claquement du métronome, du frottement des cordes du banjo ou de la résonance du diapason. L'interprétation de Thomas Bonvalet présente une certaine intensité et le musicien joue beaucoup avec les silences et les différents volumes sonores.
Les frappements de pieds et de mains assurent un rythme très free et apportent une dimension très physique au set. Une prestation étonnante et atypique qui pouvait un peu en rebuter quelques uns au premier abord mais qui a été globalement bien accueillie.
Après ce set somme toute assez calme, la fosse commence à se remplir rapidement pour voir de plus près le groupe de David Thomas. Le chanteur leader de Pere Ubu, un des personnages les plus singuliers du monde du rock, est le seul membre originel de la formation. Il est soutenu par cinq musiciens ayant déjà largement dépassé la cinquantaine, à part le batteur, plus jeune, qui semble sorti tout du droit du Hellfest.
Le concert commence avec Free White titre du très bon dernier album Lady From Shangaï, unanimement qualifié par la presse spécialisée comme le meilleur album Post Punk sorti depuis longtemps. Le jeu scène de scène de David Thomas, tout en économie, reste malgré tout très expressionniste : les yeux mi-clos, écroulé sur sa chaise, une carafe de vin rouge à ses côtés, il psalmodie de sa voix haut-perchée ses mélopées tordues.
L'homme fascine par sa présence et l'intensité de son interprétation. Les musiciens jouent tout en sobriété et efficacité. La section rythmique, presque Krautrock, donne une assise solide aux morceaux. Et Pere Ubu a mis pas mal d'électro dans son Post Punk : le dénommé Gagarin qui fait ululer régulièrement son Theremin et Robert Wheeler aux synthétiseurs apportent leurs sonorités extraterrestres aux chansons.
La sauce prend bien et s'avère hypnotique et dansante. David Thomas ne manque pas de balancer quelques vannes entre les morceaux sur les quinquas à catogans qui portent des Tee-shirt Dark side of the Moon et qui ne prennent pas l'habitude de venir le voir en concert, ce genre d'humour punk.
Le groupe joue en rappel le classique Final Solution et laisse peu après une assistance majoritairement satisfaite. Pere Ubu a montré qu'il n'est pas seulement une vache sacrée du Post-Punk mais un groupe toujours hors-norme dont on mesure l'influence aujourd'hui sur des groupes aussi importants et aventureux que les Liars. Un petit regret quand même : j'ai trouvé que le son manquait un peu de puissance pour un groupe de cet acabit.
Quoiqu'il en soit, on ne remerciera jamais assez l'équipe du Festival MIMI d'avoir eu la bonne idée de le faire venir.
Plus de photos par Pirlouiiiit par ici
et une petite de Agelcow par ici
et une petit de L'Ocelle Mare par là
Critique écrite le 12 juillet 2013 par Phil2guy
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