Chronique de Concert
Hiro Kone + Algiers
En première partie donc, une jeune fille aux cheveux longs qui mixe en direct des sons électro étrangement beaux, pas très rapides à part quelques emballements. Bien cachée derrière sa frange, elle s'active sur un invraisemblable bordel de fils et autres potards, qu'elle maîtrise heureusement à la perfection dans un éclairage aux tonalités sombres. Au final, résultat un peu hypnotique et franchement plaisant, 45 minutes passées dans un état un peu flottant et très agréable ! Elle repart sans se présenter et gardera donc tout son mystère (jusqu'à ce que le lendemain, le camarade Sami me souffle son joli nom, Hiro Kone). On aura l'occasion de vérifier juste après, que ce petit black qui s'enthousiasmait dans la fosse près de nous, était bien le chanteur du deuxième groupe...
Commençons par avouer qu'on maîtrise mal les titres d'Algiers, surtout du premier album. Et même pour le deuxième : quand un album est bon d'un bout à l'autre, on a tendance à ne pas les retenir ! N'ayant pas été assez rapide pour choper la setlist (et grâce à ce couple à qui il en fallait absolument ... deux ! grmbl), difficile d'être très précis hélas, le groupe changeant manifestement son programme tous les soirs (un point pour eux, par ailleurs !). Du coup, bouderie, et on va se livrer, une fois n'est pas coutume, à un autre exercice de style : une chronique sans aucun titre ! N'ayant pas non plus de photos (le seul pro qu'on a reconnu dans la salle étant notoirement un chieur), on dira que c'est quasiment de l'arte povera... En tout cas, ils ne se dégonflent devant aucun d'entre eux, de leurs titres, même les lents/mélancoliques/sinistres qu'on imaginait peu spectaculaires en scène, et qui sont en fait tout ragaillardis et parfaitement pertinents.
Il faut aussi préciser que le chanteur Franklin J. Fisher coche absolument toutes les cases du mec hyper-attachant, y compris certaines qu'on n'exigerait pourtant pas d'un type originaire d'Atlanta, Georgia, US of A... D'abord, il n'est manifestement jamais dans ses loges puisqu'on l'a vu au resto / aperçu au bar / eu comme voisin pendant toute la première partie, et qu'à la fin de son set plutôt généreux (2 rappels), il est sorti directement de la scène à la salle. Ce qui a donné l'occasion de l'approcher aux habituels chasseurs de selfie (que je méprise cordialement), tout comme aux chasseurs de poignée de main / trois mots échangés (dont je m'honore de faire partie). Faire sourire naturellement un artiste admirable en le félicitant, a bien plus de valeur à notre avis, que de le mettre en demeure de faire risette avec un smartphone, en lui passant un bras autour de l'épaule, avant de balancer la photo n'importe où comme s'il aimait forcément ça... mais on s'égare.
Ensuite, il parle français couramment : ça sert à rien mais ça fait toujours plaisir. Il n'exige jamais rien du public, ni cris ni claps, et les obtient pourtant facilement... Mais tout ça serait évidemment insuffisant s'il chantait comme un baltringue et/ou ne mouillait pas le maillot. Or il va tour-à-tour hurler à s'en déchirer la gorge, slammer vocalement comme un dieu façon Saul Williams, mais en plus interpréter les passages tristes d'une voix poignante de soulman écorché vif, danser comme un diablotin autour de son tambourin, jouer pratiquement en même temps de l'orgue et de la guitare grâce à des boucles habiles, et enfin se frotter plusieurs fois au public de la fosse. Et donc finir, fatalement, lavé/rincé/essoré, après ce feu de tout bois !
Le groupe lui, a commencé par brancher ses instruments lui-même avant le concert ("c'est peut-être un détail pour vous, etc."), puis il a redéboulé en mode furie, et met partout et tout le temps une telle intensité que l'attention ne faiblira jamais. Entre le bassiste/organiste au look d'enfer, extraverti et agité comme s'il était branché sur une gégène, le batteur Matt Tong (ex-Bloc Party) qui tape comme un sourd - parfois dans des modes complexes - et tient la baraque fermement, et le guitariste certes un peu plus en retrait mais qui assure parfaitement le vrillage de nos oreilles, le sabrage de nos plexus et les choeurs, et qui joue fréquemment à l'archet... le spectacle est partout !
80 bonnes minutes de titres s'enchaînent, dont les 5 ou 6 tubes qu'on attendait, qui ouvrent et ferment le concert (oui bien sûr qu'on pourrait citer au moins ces titres-là, parfaitement reconnus, mais non) sont aussi excellents en live que sur albums (même si les choeurs gospel sont évidemment enregistrés). Le chanteur ne manque pas de faire la dose juste d'interventions sympas et parfois marrantes entre les chansons. Si on en avait pas eu les oreilles qui saignaient un peu par moments (a priori le groupe aussi croyait la Maroquinerie trois fois plus grande, et jouait donc en conséquence...), on se serait volontiers roulé par terre de plaisir à leur deuxième retour, pour interpréter la grandiose, terminale, intense et jouissive chanson...
Bref, tant pis, on aura pas la setlist d'Algiers cette fois (et peut-être bien que vous non plus), mais on se retrouvera forcément puisque... c'est probablement notre tout meilleur "petit concert" de l'année 2017 ! Longue route à Algiers et puisse-t-elle passer à nouveau par la France dans pas trop longtemps. En attendant on reviendra volontiers se faire tanner les oreilles un de ces jours à la Maroquinerie, une salle dotée d'un vrai petit supplément d'âme.
Critique écrite le 21 novembre 2017 par Philippe
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