Chronique de Concert
Alice In Chains
Alice In Chains est tout simplement un monument de la scène de Seattle du début des années 90. Du fait de l'addiction de son chanteur emblématique, Layne Staley, le groupe n'a sorti que 3 albums studio et 2 EP entre 1990 et 1995, tous aussi indispensables les uns que les autres. La très longue descente aux enfers de Staley qui mourra finalement d'une overdose en 2002 a conduit le groupe à sortir un album live en 2000, pour faire patienter les fans. Le son n'était d'ailleurs pas très bon sur cette production, malgré un bon choix de titres. Auparavant, en 1996, le groupe avait réussi à faire remonter son chanteur sur scène pour enregistrer l'album Unplugged qui reste à ce jour LA référence du genre.
La reformation du groupe en 2006, avec l'arrivée de William Duvall au chant a donné lieu à des sentiments mitigés parmi les fans, heureux de pouvoir entendre leur groupe fétiche à nouveau, mais très inquiet de la qualité vocale du nouveau chanteur, face à la perfection des performances habitées de Staley . Le groupe nouvellement constitué a donc commencé par se rôder en tournant avec les morceaux des albums passés.
Au fil du temps, l'idée d'enregistrer un nouvel album a donné naissance à Black gives way to blue à l'automne 2009. Le groupe a clairement changé, mais on retrouve bien, certains éléments fondamentaux de la formation d'origine, dans ce très bon album.
C'est donc fébrilement et avec des attentes au plus haut, que je me décide à monter depuis Aubagne pour la date unique de ce groupe mythique en France en 2009. J'arrive vers 18H15 devant le Bataclan, où un camarade des Bouches du Rhône, attend déjà dans la file. On papote pas mal en attendant et lorsque les portes s'ouvrent enfin, on se retrouve tout simplement au 1er rang, contre la scène. On sait qu'on va attendre, mais d'un simple regard on sait qu'il ne faut pas manquer cette chance. La très belle salle intimiste qu'est le Bataclan se remplit petit à petit et après une heure d'attente au delà de l'heure annoncée, le groupe monte enfin sur scène. Il n'y aura pas de 1ère partie et c'est tant mieux.
Je me retrouve à 2 mètres de Mike Inez, le bassiste du groupe. Quand j'entends les 1ères notes qui sortent de sa basse, je me dis qu'il est train de faire les balances. JE comprends vite qu'il s'agit en fait l'intro de Rain when I die qui retentit. Je suis aux anges, quand Jerry Cantrell, le leader du groupe entame les 1ères notes du riff à la wah wah de ce même morceau. Je suis immédiatement frappé par la puissance du son et par le volume raisonnable de l'ensemble. Duvall commence à chanter puissamment et Sean Kinney entame la rythmique imperturbable, comme à son habitude derrière les fûts.
Le groupe est tout de suite très à l'aise, comme à la maison dans cette petite salle. Duvall joue souvent avec le public, l'appelant à chanter avec lui. Nous aurons donc en fait droit dans le désordre aux 3 premiers titres de Dirt, l'album référence pour beaucoup puisque Them bones et Dam that river suivront avec leurs riffs apocalyptiques qui mettent littéralement le public en transe. Again, seul titre de l'album Alice in Chains-pourtant mon préféré- viendra compléter ce début de concert en fanfare.
Lesson learned est le 1er des 7 morceaux du dernier album en date qui seront joués ce soir. Force est de reconnaître qu'ils s'intègrent fort bien avec les plus anciens. Check my brain avec son riff ultra-efficace, sonne déjà comme un classique et est repris en chur par le public. Love, hate, love, extrait de Facelift, le 1er album du groupe, me laissera le souffle coupé par sa beauté et sa froide lenteur, sans conteste un des moments les plus émouvants de ce concert. A looking in view, 1er single du dernier effort du groupe est décidément un morceau énorme avec une ambiance à couper au couteau : c'est très très lourd et magnifiquement bien exécuté. La descente à la basse sur le pont me donne des frissons, d'autant plus avec son auteur juste devant moi.
Le groupe s'éclipse ensuite quelques instants, pour revenir prendre place sur des tabourets et passer à l'exercice acoustique avec Your decision, le magnifique No excuses chanté à tue tête par le public devant des Cantrell et Inez visiblement très heureux d'entendre ça. Duvall et Cantrell plaisantent avec le public, entament un début de morceau country (comme sur l'Unplugged, du reste). Le mini set sera clos par le titre hommage à Staley qui a donné son nom au dernier album. Je n'aime pas particulièrement ce morceau-trop différent du reste de leurs titres à mon goût- mais l'émotion est palpable. Cantrell l'introduira, après avoir présenté les membres du groupe par un sobre "Cette chanson est pour un autre membre du groupe". Une vidéo montrant le chanteur faisant au revoir de la main passera en fond, mais jamais son nom ne sera prononcé ou écrit. Cette sobriété, m'a particulièrement marqué : on n'a jamais versé dans le larmoyant. Staley n'est plus, mais le groupe continue, à sa manière.
Les instruments électriques refont bientôt leur apparition avec un It ain't like that de circonstance. Acid bubble est vraiment un excellent morceau. Après un début plutôt tranquille, les ponts énervés sont tout simplement géniaux et le public en redemande. Il sera servi avec le prémonitoire We die young, 1er single de l'histoire du groupe. Last of my kind, bien que moins original et prenant que les autres morceaux du dernier album, s'intègre bien à la set list. Le groupe termine son set avec les immenses classiques que sont Angry chair et Man in the box. Il faut entendre le public hurler leurs paroles glauques à souhait pour ressentir le grand moment qu'il partage avec son groupe.
Après un au revoir de courte durée, ce dernier revient pour un rappel. Le magnifique Nutshell sera joué comme sur Jar of flies, c'est à dire avec Duvall à la guitare acoustique et Cantrell à l'électrique. Ce morceau restera pour moi LE moment du concert. Le solo de Cantrell est d'une absolue beauté, tout en toucher. Would avec son intro à la basse vrombissante et son final avec un Duvall hurlant à l'unisson de son public le fameux "If I would, could you?" est tout simplement génial. Le concert se conclut en beauté par un Rooster joué très lentement et chanté religieusement par la salle entière.
Le groupe remercie ses fans et s'esquive. Les techniciens démontent immédiatement le tout et on manque de peu sortir après eux, tant l'attente est longue au vestiaire pour récupérer nos manteaux. Je ressors épuisé, avec un sourire béat, des images plein la tête. Ce concert était vraiment exceptionnel tant au niveau de l'intimité de la salle, de l'ambiance dans le public ou de la qualité de la prestation.
Alice in Chains est bel et bien ressuscité. William Duvall n'est pas qu'un simple remplaçant, mais bien un excellent chanteur (je n'ai pas entendu une seule fausse note et dieu sait qu'il n'a pas économisé sa voix), doublé d'un show man haranguant la foule en permanence. Pour ne rien gâcher, il manie vraiment la guitare rythmique avec aisance. Il n'a pas remplacé son prédécesseur, mais a juste permis au reste du groupe de continuer à créer et produire de grands concerts. Jerry Cantrell n'a pas failli à sa réputation de riffeur fou et de soliste de génie. Le voir jouer avec autant d'énergie et de précision après toute ces années, fait véritablement chaud au cur à quiconque admire son travail (et c'est mon cas vous vous en doutez). Les harmonies vocales qu'il constitue avec Duvall sont rappellent celles de la grande époque : il a véritablement une superbe voix, en plus d'être un guitariste hors du commun. Mike Inez et Sean Kinney constituent toujours un duo rythmique imperturbable et diablement efficace. De l'ensemble, est véritablement ressorti une cohésion sonore et une émotion incroyables, précisément ce que j'adore dans ce groupe.
Le groupe a changé et ne sera plus jamais le même, mais après un tel concert, on ne peut que souhaiter les revoir et entendre leurs nouvelles productions. Ils sont parfaitement au point et prennent visiblement un grand plaisir à jouer devant leur public, qui leur rend à merveille.
Critique écrite le 06 décembre 2009 par Cabask
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