Chronique de Concert
And Also The Trees
La venue ce soir d'And Also Trees au Poste à Galène est en soi un événement assez exceptionnel pour les amateurs de musique rare et précieuse (au bon sens du terme). Apparus au milieu des années 80, ces anglais avaient été rapidement comparés à des ersatz de The Cure et avaient été assimilés à tort au " mouvement " gothique.
And Also the Trees valait bien plus que cela. Si leur musique évoque effectivement le Cure des débuts pour les guitares et les climats désolés, ils n'avaient de " gothique " que leur intérêt pour le romantisme anglais du XIXe (qui avait remis au goût du jour les légendes et le fantastique médiéval). Ils se sont très vite trouvés une esthétique et un son très personnels.
Toujours est-il qu'ils ont poursuivi durant toutes ces années tranquillement leur chemin, à l'écart des modes en publiant régulièrement des albums toujours de qualité. Ils viennent donc présenter leur dernier et très beau disque Born into the Waves, davantage proche des Tindersticks ou de Scott Walker que des Cure, Sisters of Mercy ou autres trompe-la-mort gothiques. Je suis surpris de voir qu'il y a autant de monde même si on peut constater qu'au vu du public le groupe n'a pas trop attiré la jeune génération. Il n'y a pas de première partie. Le public n'attend pas longtemps car le groupe arrive assez rapidement sur scène. Les membres originels sont les frères Simon Huw et Justin Jones, les frontmen du groupe, le premier assurant le chant tandis que le second tient la guitare.
Ils sont accompagnés d'un batteur et d'un bassiste et d'un second guitariste également au clavier et à la clarinette. Tous sont élégamment vêtus et en imposent d'emblée par leur classe naturelle. Ils jouent dans un premier temps les titres du dernier album, dont le superbe Winter Sea, avec sa très belle intro à la clarinette. Leur jeu de scène n'est pas très exubérant. Simon Huw Jones est à la fois expressif et sobre, il est toujours à la limite d'une certaine emphase mais ne sombre jamais dans le ridicule. Son chant peut évoquer celui de Nick Cave ou de Scott Walker.
Cet homme semble réellement habité par sa musique. Sortant un peu de sa réserve, il s'adresse au public en ayant quelques mots sympathiques pour Marseille et son public (le groupe y a déjà joué). Son frère Justin est un guitariste au jeu très identifiable et personnel ; il utilise de nombreux effets et autres échos qui sont une des marques de fabrique d'And Also the Trees. Le son a parfois un peu trop de reverb' ou de basse ce qui ne dessert finalement pas trop la musique tant celle si est d'une rare finesse et d'une très grande sensibilité.
Le groupe n'a pas besoin d'en faire des tonnes pour captiver son auditoire : le répertoire et l'interprétation sont d'une qualité et d'un feeling au-dessus de la moyenne. Le groupe joue certains de ses titres les plus emblématiques comme Virus Meadow. C'est la que l'on peut constater que la musique d'And Also the Trees a très bien passé l'épreuve des ans : elle ne sonne absolument pas datée. Le public réagit positivement aussi bien sur les anciennes que sur les récentes chansons ce qui prouve bien qu'And Also the Trees n'est pas un de ces groupes sur le retour qui joue sur sa gloire (toute relative) passée. L'enthousiasme du public se vérifiera une nouvelle fois puisqu'il y aura deux rappels.
Le groupe jouera à ce moment-là Slow Pulse Boy, autre chanson marquante à l'hypnotique motif de guitare et au son proche d'une mandoline amplifiée. On se doutait un peu qu'on assisterait à un concert de qualité. Voilà un groupe qui a vraiment bien vieilli et qui offre une musique à la fois belle et intemporelle, un peu comme peuvent l'être aujourd'hui celle des Tindersticks ou même celle des Bad Seeds. Et il serait vraiment dommage qu'And Also the Trees ne soit pas redécouvert ou apprécié à sa juste valeur.
Critique écrite le 24 octobre 2016 par Phil2guy
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