Chronique de Concert
Anna Calvi
Dedans, un joli club, peut-être 300 personnes de jauge, avec un étage pour les gens assis et un petit bar en bonus, le troisième qu'on croise depuis l'entrée - on ne va vraiment manquer de rien ! Seul point noir de la soirée, la première partie du concert : deux petits branlotins manifestement enfumés poussent les disques des autres (et paraît-il, un peu de leur propre musique - mais pourquoi ne pas la jouer, alors ?). Le tout sans aucune cohérence entre des enchaînements (trip-hop, rock garage, électro), picolant et bavardant, se foutant pas mal de ce qu'on peut penser d'eux... A voir l'attitude collectivement renfrognée du public et quelques invectives entendues entre les morceaux, au bout de 30 minutes, il est clair que tout le monde les déteste. Je m'emmerde tellement que je finis, et c'est une première pour moi, par écouter France Info à la place, ce qui permet de réfréner l'envie de les insulter, surtout quand ils viennent "kiffer" leur truc dans le public, seuls au monde, entourés d'une haine sourde qu'ils ne semblent même pas percevoir. On taira leur nom à consonance grecque, pour ne pas plomber inutilement la suite de leur carrière. 40 longues minutes de purge subies stoïquement donc, mais...
... Ca en valait la peine, pour être en face et à 3 mètres du micro lorsque s'avance enfin la fascinante Anna Calvi ! En rouge et noir, fidèle à l'imagerie de l'album et à son nouveau look. Est-on mélancolique de son chignon sévère, ou bien de ses boucles blondes en liberté, aperçues une seule fois aux Eurockéennes ? Oui évidemment. Est-on subjugué par Anna Calvi 2.0, la brune au regard incendiaire (et à cette distance, on aura bien l'impression qu'il s'est planté directement dans notre âme, à deux ou trois reprises...) ? Oui aussi ! Regarder cette créature jouer de la guitare et chanter est un régal absolu pour les yeux, de son menton volontaire au pli soucieux sur son front, à son regard perdu et extatique quand elle fait sonner son instrument, tout est splendide chez elle. Nota : on s'est permis ce petit paragraphe sur le physique uniquement parce qu'elle a établi clairement, et plus encore avec cet album qu'avec les précédents, qu'elle préférait vraiment les filles : c'est donc purement platonique et sans ambiguïté aucune...
Bon, on le sait, ses concerts sont toujours trop courts et la communication extra-musicale n'est pas son fort... Mais peu nous chaut quand les arpèges saturées de Rider to the Sea commencent à déchirer l'espace, on se souvient pourquoi on est venu ! En autres morceaux classiques, peu nombreux ce soir, les inévitables mais toujours jolies I'll be your Man et son hymne et tubesque Desire, ainsi que Suzanne & I en rappel... Pour le reste, la part belle est donnée - et tant pis pour les classiques flamboyants qu'on regrettera toujours (Jezebel, The devil, Love won't be leaving) - à son album en cours, c'est son droit. Bonne nouvelle tout de même, la transplantation sur scène de Indies or Paradise, de la délicate As a Man, de l'émouvante Hunter, ou des très rock Alpha & Wish, fonctionne à merveille, tout comme son manifeste Don't beat the girl, délicieusement hurlé jusqu'à en finir à terre...
A un niveau plus délicat, la chanteuse nous baignera, en agitant l'eau du bout de sa Telecaster, dans son éthérée Swimming Pool aux arpèges légères comme de l'écume... Un atterrissage en milieu aquatique donc, après un envol cosmique et presque à capella, avec la sublime et poignante Away, notre nouvelle chanson préférée d'elle, et sans doute le climax du concert, à vous en mettre les poils à la verticale... Ses deux musiciens, homme et femme, sont toujours discrets et à son entier service, sachant monter à pleine puissance pour l'aider à conclure dans la noirceur éclatante de sa reprise de Ghost Rider, terminée en position hendrixienne, à genoux devant sa guitare... En repartant avec la setlist où elle a posé ses yeux et ses talons hauts, mais aussi un t-shirt très beau et assez énigmatique où elle a eu l'élégance de ne pas écrire son nom, et en bonus un gobelet et une bouteille du Ninkasi, on a vraiment l'impression d'avoir fait ses courses au ciel... Seul manquera le vinyle signé (car ils le sont tous, à son merchandising), impossible à rapporter sans le chiffonner.
Très belle soirée donc, on en vient à se demander si on n'essayerait pas de croiser à nouveau la route cette charmante comète, et venir s'y réchauffer le coeur, quelque part dans sa longue tournée hivernale ?
Photos par Yves Dorison - un grand merci à lui !
Pour la couleur, il faudra venir voir par vous-même...
Setlist :
Rider to the sea
Indies or paradise
As a man
Hunter
Don't beat the girl
I'll be you man
Alpha
Away
Swimming Pool
Desire
Wish
Encore :
Suzanne & I
Ghost Rider
Critique écrite le 30 janvier 2019 par Philippe
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