Chronique de Concert
Antonio Negro + invités
Ce vendredi soir, pour ne pas mourir idiot, j'ai décidé d'aller enfin voir l'artiste le plus mythique de la Machine à Coudre : le guitariste de flamenco Antonio Negro, qui selon la légende se produirait 2 fois par mois à la Machine depuis ses bientôt 20 ans d'existence, ce qui doit faire... au delà de 400 concerts ! L'occasion aussi de revenir souhaiter la bonne année aux copains dans cette salle bien-aimée, hélas peu garnie ce soir-là. Il est vrai qu'à la 400 ième représentation on peut comprendre que ce soit réservé aux aficionados... Coup de bol, Pirlouiiiit le photographe a eu la même idée que moi, et le même soir, car sinon je n'aurais reconnu personne !
Avant tout, je dois préciser que je suis un ignorant presque complet du flamenco, mis à part quelques souvenirs de voyage. D'abord, un bar bondé et joyeusement bruyant à Séville, il y a 10 ans, où au milieu de la nuit un type grisonnant avait été réclamé à corps et à cris par tout le monde pour jouer. Il avait protesté qu'il n'avait pas sa guitare et s'était fait refiler une guitare pour enfants qui trainait par là. Et il en avait joué trois heures d'affilée, jusqu'au petit jour, à s'en faire saigner les doigts, ses chansons étant reprises en choeur par l'assemblée. Ensuite, quand nous avions vu une procession entière de la Semana Santa avec orchestre, s'arrêter et se taire, statue de la Vierge en tête, devant le balcon d'une gitane à Arcos de la Frontera, gitane qui avait chanté a capella à la statue une complainte splendide, dans un silence religieux et pendant de longues minutes. Rien que d'en parler, mes poils s'en dressent encore... Un moment magique où j'avais comme jamais senti battre le coeur de la culture arabo-andalouse.
Dernier point d'appui : la B.O. du film Vengo de Tony Gatlif, compilation merveilleuse et exubérante (y compris dans l'expression de la douleur bien sûr !) de plusieurs sous-genres de ce style. J'aborde donc la soirée Antonio Negro en espérant trouver une salle bondée et braillarde et c'est raté : peu de monde, ambiance très cosy avec public assis, et bougies sur les tables, façon restaurant du Cours Julien... Quelle différence avec un concert punk, on a du mal à imaginer que c'est la même Machine à Coudre ! Cela étant c'est bien plus reposant, pas désagréable pour des jeunes papas salariés et fatigués du vendredi soir, que nous sommes... Mais on est si bien assis qu'on finit par se dire qu'il manque juste l'option restauration : ce serait très plaisant d'écouter ça en grignotant quelques tapas !
Le guitariste est assis, en maître de cérémonie, au centre de la scène, l'air un peu bourru et peu expansif sous son épaisse barbe grisonnante. Un très bon chanteur (le même pendant tout notre temps de présence) l'accompagne, et de temps en temps des comparses viennent taper des mains et des pieds. Ceci dans des rythmes étranges, par exemple sur 5 temps, et que je n'arrive d'ailleurs pas à caler ni sur la guitare, ni sur le chant. Preuve que cette musique est infiniment plus déconcertante que nos pop, rock, rap et variète pratiquement toujours calés sur des rythmes binaires ! Les chansons sont assez longues, manifestement dirigées par Antonio qui, de signes de la tête ou de petites injonctions discrètes, fait arrêter le chant ou reprendre les rythmes, et place de jolies digressions a priori improvisées, qu'il fait durer à sa guise.
Certes c'est un guitariste très puissant, et ce d'autant plus que sa guitare semble, sauf erreur, d'un style très standard (genre, le corps orange et le manche de bucheron d'une guitare d'étude ...). On tombe donc sous le charme rapidement, avant de finir par regretter les pauses un peu trop fréquentes, et le style malgré tout, allez, je l'écris, tant pis, "un peu répétitif" des chansons de ce soir. J'avais rêvé, moi qui n'y entends rien, de voir chanter plusieurs personnes et sur plusieurs types de mélodies et en fait, à ma pauvre oreille ignare, tout sonne un peu pareil au bout d'une heure et quelque. Je décide donc de remballer à minuit passé après un morceau qui s'est bien emballé sur la fin, content de finir sur cette impression plus positive. Et quand même aussi, d'avoir enfin vu une figure musicale tutélaire de la ville, sinon de l'Andalousie toute entière...
Au fond, je crois qu'il en va des musiques comme des nourritures : c'est quand on les déguste au pays d'origine qu'elles ont le meilleur goût. Qui a déjà mangé d'aussi bons antipasti ou tapas en France, que de l'autre côté des Alpes et des Pyrénées ? La soirée d'Antonio Negro m'a laissé la même impression : c'était bon et plaisant, mais ça n'avait pas tout à fait le goût de là-bas... Pour autant c'est quand même agréable de penser qu'il y a ainsi un point de rendez-vous possible, pour tous les amateurs de cette musique, et avec un musicien extrêmement doué, plusieurs fois par mois ! A découvrir donc, un soir où vous avez envie de musique ... et de calme en même temps !
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Critique écrite le 22 janvier 2014 par Philippe
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