Chronique de Concert
Arno
Armée d'une kriek, je prends peu à peu possession des lieux et de l'ambiance familiale, pacifiste et parfaitement recyclable qui y règne. Petite mise en bouche des sondiers avec la ‘vedett' locale du moment, Stromae , qui décharge en musique de fond son ovni Alors on danse . Une chorégraphie flash mob éclate en pleine foule, les gens se mettent en mode "party-time" et donnent de la voix. Fiers de leur succès, les sondiers en profitent pour glisser une capture sonore à la jukebox chez les "Happy Days", pour se donner le temps de fignoler les derniers préparatifs.
Montée en scène d' Arno dans une ambiance crescendo. Son costume noir élégant ne l'empêche pas de nous saluer avec son cul et de cheerser le locataire du Palais Royal à sa gauche, débutant les festivités avec une première phrase savoureuse: "Je suis content que vous ayez payé pour me voir"... Le show est impeccablement huilé, son ami de 20 ans aux claviers (oui, oui, le pluriel n'est pas une faute de frappe) mitonne non pas des ambiances, mais des atmosphères qui précipitent le frisson. Les musiciens sont tout bonnement impeccables, pros et increvables, auréolant Arno dans les débordements de sa folie douce.
Il entame un éblouissant Mademoiselle , puis le jouissif Lola etc qu'il dédicace à sa grand-mère "et ses roberts; c'était une salope mais avec la classe"... Possédé à la fois par la mélancolie douce-amère d'un Brel et la provocation mi-nihiliste mi-amusée d'un Gainsbourg , il fait honneur à la double culture de son pays et gratifie le public d'interventions systématiquement bilingues. En véritable bête de scène, il se démène comme le plus beau des diables, siffle, fracasse des cymbales, balance son pied de micro dans une frénésie chaloupée, taquine l'harmonica, quand il ne donne pas de sa voix brute et poreuse, écorce de velours écorchée; il twiste d'une ambiance à une autre, du rock alter, parfois heavy, à la java nostalgique, en passant par des nappes orientales portées par la voix envoûtante d'une sirène d'Ixelles. Les filles du bord de mer ou Quelqu'un a touché ma femme sont des coups de poignards en plein cur, des instants de grâce où les minutes électrifiées retiennent leur souffle.
Enfin la pression se relâche avec ses morceaux anglophones, plus catchy, de la période TC Matic ; Oh la la la et Putain Putain réunissent la foule en une seule voix, qui se tord de rire à entendre Arno dégoupiller du "On est moches mais on s'amuse"... tandis qu'il profite de la passerelle "nous sommes quand mêmes tous des européens" pour présenter son éclectique backin' band, titillant les clichés. Je lui laisse la parole:
"Ladies & gentlemen, je vous présente, mon guitariste; il est allemand, mais il est propre sur lui (...); mon bassiste est slave mais pas dangereux; ma chanteuse vient d'Ixelles, mon batteur est belge/ Zaïrois et mon clavier vient d'Ostende (...)".
Sur ce, le voilà qui déserte la scène; mais bien entendu, absolument personne ne se décide à en rester là. Et très vite, Arno accompagné de Serge Feys (l'Ostendais au clavier) entament un poignant Les yeux de ma mère , rapidement rejoints par leurs comparses qui raniment la (f)houle d'une ultime java nous embarquant tous, bras à bras, dans un vague à l'âme contagieux, électricité statique mais amarres définitivement larguées.
Cette fois ci, c'est la bonne, Arno descend poursuivre sa soirée, probablement s'en jeter un petit derrière la cravate. Quant à nous, le sel aux lèvres, on est bel et bien, oui, bel et bien, rincés.
Crédit photo : Marilyne
Critique écrite le 17 mai 2011 par odliz
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