Chronique de Concert
RIAM : Aujourd'hui (Tey), un film d'Alain Gomis (avec Saul Williams sur l'écran et à côté)
Salle Seita, Friche Belle-de-Mai, Marseille 28 octobre 2012
Critique écrite le 29 octobre 2012 par Philippe
...Ou "Comment une publicité mensongère peut vous amener à une excellente surprise"... Dans le cadre du Festival RIAM, à la Friche Belle-de-Mai en ce dimanche parcouru de bourrasques glacées, était annoncé une prestation du volcanique Saul Williams, improvisant sur une projection de film : parfait pour se réchauffer donc !
Or outre l'heure de retard - réglementaire dans ce lieu, il s'avère que si Saul Williams est bien l'acteur principal du film Aujourd'hui d'Alain Gomis, il n'est pas venu pour chanter ou slammer ce soir, mais "seulement" (et ce n'est déjà pas si mal), refaire en direct la musique du film pendant sa première projection en France (il ne sortira qu'en janvier prochain).
Le slammeur, que je considère pour ma part comme l'une des plus grandes voix du 21ième siècle aux USA, se retrouve donc curieusement aphasique (après la présentation où il dira 2 mots), assis au bord d'un lap-top, d'un clavier, et d'une petite calebasse à tiges, occupé à recomposer avec attention la bande originale du film. Sans faire usage du micro qui semble pourtant avoir été préparé à cet effet...
Curieuses impressions mêlées : Pirlouiiiit et moi sommes donc assis à 2 mètres d'un des artistes américains que je vénère le plus au monde, et qui est venu faire totalement autre chose que ce pourquoi je l'idolâtre. Il est d'ailleurs largement inattendu en tant que musicien, tant l'influence des gens qui le produisent semble parfois prédominante sur disque). Et par ailleurs son visage en double africain, est projeté sur l'écran, en total décalage avec son style de dandy américain d'aujourd'hui.
Mais il est plus inattendu encore en tant qu'acteur principal d'un film, où son charisme irradie à chacun des nombreux gros-plans qui lui sont consacrés. Beau comme un dieu, et avec un regard intense à tout moment, il est Satché, un homme qui se réveille un matin et qui, sans qu'on sache comment ni pourquoi, va mourir aujourd'hui. Que feriez-vous, vous, lors de votre dernière journée ?
Lui prend le temps d'une déambulation à la fois tranquille et assez fascinante, au coeur de la ville de Dakar... Il fait ses adieux à sa famille... et à son quartier qui l'accompagne triomphalement... va voir son ex (Aissa Maïga, sublime comme toujours...) qui le brutalise ... va voir son oncle croque-mort et philosophe, pour régler les préparatifs... se rend à une cérémonie en son honneur (et arrive trop tard, ce qui n'a aucune importance en Afrique)...
Traverse une manifestation mystérieuse (le cinéaste nous l'expliquera ensuite)... traverse une étonnante zone en friche avec son compagnon le plus cher... boit un dernier coup avec ses amis (qui s'embrouillent)... rentre chez lui voir sa femme (furieuse !)... joue avec ses enfants... fait l'amour à sa femme... attend la nuit avec elle sur un transat en évoquant des souvenirs... va se coucher et ferme finalement les yeux...
Accompagné tout du long par une musique simple, sobre et belle, renforçant aux moments les plus opportuns l'émotion que dégage chaque scène. Saul Williams poursuit donc ses expériences artistiques, se révélant ici compositeur tout comme acteur de grand talent, se fondant dans la foule dakaroise tout à fait comme s'il n'était pas du tout originaire de Brooklyn...
Il y aurait de nombreuses lectures possibles du film, entre un conte joyeux et triste, une philosophie de l'acceptation de la mort, une sociologie des quartiers pauvres de Dakar, etc, etc. Mais c'est bien de la rencontre improbable qu'il sera le plus question(s) dans un petit débat final : celle entre un cinéaste talentueux (Alain Gomis) et un new born actor qui est donc à présent devenu un interprète total : Saul Williams. A bientôt espérons-le pour de nouvelles expériences...
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Critique écrite le 29 octobre 2012 par Philippe
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