Chronique de Concert
Autechre + Snd + Rob Hall
Hier c'était au tour d'Autechre de marquer un de ces quatre arrêts français à Reims. Et ils étaient attendus. Attention... Autechre ce n'est pas la grande fête non plus. L'ambiance n'était pas au youplaboum mais plutôt au mmmmtseukeummmm. Avec eux, il y avait Rob Hall et Snd. Et pour les trois, c'était la même configuration et la même froideur. Un ou deux types, derrière des machines, qui ne disent pas bonjour et surtout ne disent pas qui ils sont. Et c'est assez embêtant parce que les trois jouaient du Autechre.
En ouverture Rob Hall proposait ainsi du Autechre première période : des plages atmosphériques sur lesquelles le rythme évolue assez peu. Cela évoque des paysages désolées et monotones, des steppes, les côtes du Kamtchatka, un brise-glace progressant sur la banquise. Sur la fin -ce premier set a duré une heure et demi- le rythme s'est accéléré. On quittait la terre pour des voyages intersidéraux. Des effluves drum'n'bass pénétraient dans nos scaphandres et au loin une voix robotique tentait de nous prévenir d'on ne sait quel péril galactique. Et Rob Hall s'éclipsa pour Snd, un duo.
Le changement de machines et d'officiants fut marqué par l'arrêt des jeux de lumière qui meublaient l'ambiance glaciale. Snd ont eux joué du Autechre période Confield (je peux me tromper). C'est là que j'ai entendu mes plages préférées de la soirée : de l'electro abrasive qui tape au ventre sans donner de solution pour danser. Deux morceaux m'ont particulièrement plu.
Le premier serait idéal pour illustrer le mythe de Sisyphe, cet homme condamné par les dieux à remonter une pierre au sommet d'une pente dont elle finit toujours par redescendre. Le morceau, lui, ne commence jamais. C'est une ébauche qui reste bloquée sur le premier beat, le bruit d'une bille d'acier tournant indéfiniment dans le fond d'un évier sans pouvoir en sortir par le haut, ni s'en échapper par le tuyau d'évacuation.
Le second morceau, le plus terrible, c'était du drum'n'bass, sans basse, une lente progression de percussions sèches qui s'accumulent pour pilonner la piste. Un massacre froid et intégral. Pas de sang sur le dance-floor toutefois, nous n'étions pas à un concert de TTC. Et quand la lumière reparut il y avait toujours des spectateurs dans la salle. Ils étaient même de plus en plus nombreux, s'impatientant de voir apparaître les deux véritables Autechre. Mais c'est Rob Hall qui revint pour une nouvelle session d'une demi-heure, plus dansante, provoquant quelques ondulations dans le public. Des pas de danse qui ne cessèrent pas, au contraire, avec l'arrivée de la tête d'affiche.
Appliqués, concentrés, les deux laborantins d'Autechre envoyaient des beats râpeux parasités de gargouillis, et devant eux, les fans entraient en transe. "Huit ans que j'attendais ça, merci les gars d'être là", lança le plus bavard du lot. J'avais le souvenir d'un concert extrême à Poitiers, il y a quatre ans, avec des basses à vous décoller les poumons, des stridences insoutenables. Cette fois-ci, ils ont joué des compositions plus pacifiques. Nul besoin de se boucher les oreilles et ce n'est pas plus mal. A part ça, nulle révolution en vue dans le style Autechre. Ce sont toujours de longues plages instrumentales, sans voix, de longues boucles de rythmes fracassés. Une musique parfaite pour accompagner des opérations de chirurgie ou mieux, le travail d'embaumeurs. Au final, Autechre aura joué un peu plus d'une heure, soit moins que Rob Hall, et trop peu pour les fans. Quelques-uns étaient franchement furieux jusqu'à monter sur scène pour tenter de rattraper le tandem. Les musiciens, sensibles à tant d'amour, étaient prêts à en remettre un coup, mais la technique ne suivit pas. C'est dommage, on ne peut pas dire qu'à la Cartonnerie on risque de soulever des problèmes de voisinage en jouant après minuit. La salle est située dans une zone industrielle, un beau décor pour de la musique électronique.
Il n'y a pas de photo, c'était interdit
Critique écrite le 26 avril 2005 par Bertrand Lasseguette
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