Chronique de Concert
Barbara Hendricks
La surprise est de taille et laisse la salle bouche bée d'admiration après une annonce au micro qui avait glacé l'atmosphère : "Veuillez ne pas prendre de photos ni d'enregistrements sous peine de confiscation du matériel et ne pas interrompre un groupe d'uvres par vos applaudissements".
Au rang F du carré or, l'acoustique est parfaite. Est-ce ainsi jusqu'au deuxième balcon ? Il semble que oui au vu de la qualité d'écoute aucunement perturbée par le moindre murmure. Quel organe, mes aïeux !
Il règne ici une atmosphère d'opéra. La solennité du pianiste derrière son Steinway & Sons, queue de pie et nud papillon sur chemise blanche, chevelure blonde plaquée en arrière, assisté d'une tourneuse de pages amène, les cinq pans de tissu strié en guise de tout décor comme autant de colonnes doriques en fond de scène, le visage expressif de la cantatrice lors de ses performances vocales de haute volée...
Mais on n'est pas à l'opéra et dès la fin du premier mouvement, les spectateurs veulent exprimer leur satisfaction pour féliciter Barbara Hendricks. L'effet obtenu sera totalement inverse à celui escompté : elle ne sourit pas, s'avance au bord de la scène le visage fermé et, toujours sans micro, nous dit "n'applaudissez pas avant la fin du groupe d'uvres, ça me dérange".
La voix de la diva réchauffe vite l'ambiance qu'elle vient de glacer lors du deuxième mouvement, plus grave, qui n'est pas applaudi. Mais le suivant est guilleret et déclenche mécaniquement une belle salve spontanée. Faute !
Elle s'avance au bord de la scène et, avec un beau sourire cette fois, nous donne l'indice qui nous manquait : "quand le pianiste se lèvera".
L'ambiance est désormais détendue. Après un mouvement pianissimo, le silence est respecté. Elle en rit presque. Le suivant est vivace et l'organe se déploie magistralement. Le pianiste se lève, ce qui soulage notre folle envie d'applaudir. Triomphe.
Outre la perfection extrême du chant, Barbara Hendricks a ce don d'exprimer à merveille les sentiments les plus divers - passion, horreur, colère, détresse... - à quelques secondes d'intervalle. Désormais, l'étiquette est maîtrisée et respectée par le public, les blancs entre les mouvements ne donnent lieu qu'à des raclements de gorge.
Le texte suivant est en français. Il y est question de poser un baiser sur ses lèvres. Force de la voix, aigus atteints, changements de rythme complices avec son musicien. Dans le mouvement final a lieu la plus belle pièce de piano de la soirée parachevée par une divine note vocale finale qui mérite bien quelques minutes de repos.
A l'approche du deuxième set, l'annonce est réitérée au micro pour ceux qui auraient la mémoire d'un poisson rouge. Cela évitera que la pièce suivante soit applaudie une dizaine de fois. Du Samuel Barber, tour à tour enlevé, softissime, joyeux, tragique, sautillant, soporifique (ma semaine a été rude, faut dire et les fauteuils sont très confortables). Schubert, Malher, Liszt, Barber ont été interprétés jusqu'ici et une composition de De Falla vient clore la soirée avec là encore une note finale prodigieuse.
Trois rappels concluront ce moment d'exception : Une Chanson Espagnole de Léo Delibes, l'Ave Maria de Schubert et un negro spiritual He's Got The Whole World In His Hands qu'elle interprète avec force et implication.
Critique écrite le 03 novembre 2011 par Mcyavell
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