Chronique de Concert
Barre Phillips, Camel Zekri & Ahmad Compaoré
Alors que la plupart de mes collègues / confrères se sont précipités au concert de Wall of Death aux Beaux Arts à Luminy (double hype) - si Wall of Death et Sun Sick c'est si bien que ça, j'irai les voir lors de leur prochain passage - j'ai préféré braver le froid et le relief pour me rendre au Cri du Port (où je n'ai pas mis les pieds depuis janvier 2001) pour voir un Ahmad Compaoré que j'ai pourtant vu il y a 5 jours ?!? C'est que ce soir il nous propose une nouvelle formation (une de plus) en compagnie d'un musicien que je ne connais pas Camel Zekri à la guitare mais surtout de l'illustre Barre Phillips ( vu qu'une seule fois, à une époque où je ne connaissais pas le personnage) à la contrebasse. Lorsque j'arrive je vois que le vent froid a fait des ravages en terme de public ... en tout cas ceux qui sont là ne le regretteront pas. Voilà pour le contexte ...
Il y a plusieurs façon d'écouter, d'apprécier un concert ce qui se traduit par encore plus de façons d'en parler. Parler d'un concert est en soit difficile, surtout lorsqu'il s'agit d'un nouveau projet. Si je chronique un groupe très connu, il suffit de citer le nom des chansons et de rajouter quelques adjectifs pour que cela parle au gens. Si je chronique un groupe moins connu en pop-rock-chanson-hip hop-reggae je trouve toujours des éléments de comparaisons qui feront que je pourrai raccrocher l'éventuel lecteur à des références communes ... Le problème d'un concert comme celui de ce soir, et plus généralement le problème que j'ai avec la plupart des concert de jazz et/ou musique improvisée c'est que je ne peux ni me servir de références, ni renvoyer à des morceaux ou quoi que ce soit de concret.
Alors que faire, partir avec des belles phrases pour essayer d'approcher avec des mots la magie du moment ? Je n'ai pas la plume pour ... et même si je l'avais je doute que j'arriverais à retranscrire en mots la musique ... il reste la feinte de mini bouts de vidéos (rarement pris au bons moments) qui ne feront que donner une toute petite idée de la chose. Bref que reste t il ? Les humains qui sont sur la scène .. qui font qu'il s'agit d'un concert et non d'un disque ... qui font que chaque concert est unique et indispensable ... qui font aussi que parfois on ne rentre pas dedans ... Leur attitude, leur démarche, leurs regards, leurs sourires, leur souffles ... beaucoup de choses qu'on voit en tant que photographe (au moins le temps de 3 chansons) parce qu'on est devant et parce qu'on peut zoomer ...
En dehors de voir si un artiste fait du playback sur un morceau, ne chante pour de vrai que sur un morceau ou fait tout son concert en playback, on peut aussi, à travers tous ces petits trucs qui deviennent invisibles dès qu'on s'éloigne de 2-3 mètres, se rendre compte si l'artiste se fait vraiment plaisir, ... ça casse parfois un peu de magie (transitions écrites, engueulades hors micros, ...) mais bien souvent ça permet de se rapprocher de l'artiste, voire de rentrer un peu dans son intimité au moment où il s'exprime. Et il y a des concerts où on est presque plus absorbé par ça que par la musique elle même. J'avoue que là je suis resté assez longtemps bloqué sur Barre Phillips. Il m'a paru immense et ses yeux clairs étaient particulièrement perçants. Lorsqu'il joue il fixe en général un de ces acolytes ... il soufflait donnant l'impression de forcer, le visage assez dur et dès qu'il s'approchait pour chanter ou parler il redevenait léger et souriant (moments que je n'ai pas osé immortaliser pour ne pas faire un clic clic dérangeant) ...
Ahmad de son côté coiffé (jamais deux fois le même, j'aimerais beaucoup voir son placard à couvre chef !), avec le yin et le yang autour du cou ... ailleurs comme à chaque fois ... un ailleurs dont il sort quand même de temps en temps pour échanger sourire et regard bienveillant avec les deux autres ... Quant à Camel assis pendant presque tout le concert (jusqu'à ce que Barre fasse une réflexion sur le fait que les vieux jouent debout et les jeunes assis) et un peu caché par son micro j'avais du mal à l'observer autant... recroquevillé qu'il était souvent sur sa guitare. Comme c'était leur première rencontre j'imagine que l'essentiel était improvisé. Aussi le concert commencera en douceur ...
La première surprise pour moi sera quand Camel se mettra à chanter ... Pour être honnête au début j'ai trouvé que ça détonnait un peu, et puis Barre s'y mettra à son tour dans un style différent. Et ça finira par me plaire. Chacun poussera son instrument dans ses retranchements, l'utilisant parfois de façon non conventionnelle (mais sans esbroufe). Des phases d'accélération, des phases bruyantes (masquant les clic-clics des appareils photos), des phases beaucoup plus calmes où ils caresseront (au sens propre) leurs instruments, des passages jazz, d'autre plus ethniques (des mots des mots). Entre les morceaux c'est donc surtout Barre qui s'adressera à nous, avec beaucoup de gentillesse et d'humour.
Après une heure vingt d'un set difficilement descriptible mais néanmoins agréable, les musiciens nous salueront encore une fois avant de descendre de scène et saluer amis ou juste spectateurs enthousiasmés par leur performance de la soirée. Et si je n'ai pas été bluffé par la musique j'ai tout de même passé un bout de soirée très agréable, au chaud dans cet ex temple, en compagnie de trois grands bonshommes qui nous ont fait plaisir en se faisant plaisir ! Vive la musique (et plus généralement le spectacle) vivante !
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Critique écrite le 09 février 2013 par Pirlouiiiit
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