Chronique de Concert
Belphegorz + LaFayette + the Last
L'Escale - MJC Aubagne / Aubagne 29 janvier 2011
Critique écrite le 01 février 2011 par the Vaccuopilot
Belphegor'z. Le Larousse des enfants du rock est jeté sur le sol dallé de l'Escale, tailladé par les rais obliques de projecteurs rouges qui bavent sur ce quatuor saisissant qui sent immédiatement la sueur. On voudrait parler de rescapés mais ce serait stupide, le mieux c'est encore de jouir de cet incroyable spectacle : deux icônes écornées portent en bandoulière l'héritage de ce rock frappé de la malédiction des idoles brûlées, aux côtés de deux mercenaires embrigadés à l'intérieur de leur roadster cahoteux. Une chanteuse délicieusement rauque, encornée léopard, moulée dans un short paillette, perchée sur des escarpins et scotchée dans son trip électrique de révolte ouvrière échange une complicité potache avec un bassiste émacié et casquetté tout droit sorti des backrooms new-yorkais des 80's au milieu d'un déluge foutraque de gimmicks crasseux.
Un red-neck casquetté pilonne une batterie minimaliste à l'aide de biceps sérieusement ouvragés, et bien plus placidement, sur la gauche de la scène, un guitariste à l'antithèse no-trend plaque ces riffs qui font, défont et refont l'histoire de la musique électrique depuis la moitié du siècle dernier, sans sourciller. C'est tout à la fois grossier, poisseux, sexuel, lourd, blasé, assourdissant, poseur, décalé, c'est profondément régalant, essentiel, sans la moindre tentative d'exceller. C'est con comme du rock. J'adore.
Changement de plateau. Changement clair d'atmosphère. Audience clairsemée. Samedi soir semi-pluvieux. Quand LaFayette envoie ses premiers accords, la pression acoustique prend inévitablement quelques degrés trapus, que l'on a à peine le temps de digérer avant que la front-woman n'entre en scène, comme une créature.
Dès le départ, on comprend qu'il va s'agir d'un truc rodé à la ceinture, issu d'heures de mises en places soigneusement réfléchies. Le total contre-pied des Blephegor'z, en somme.
Elle est immense, sublime, sexy, elle est impressionnante, sauvage, offensive, omniprésente, échevelée de blanc, provocante, rugissante, phéromonée à mort, lascive, ultra-lookée et... elle le sait.
Ouch.
Ca oui, elle le sait.
Au début, c'est franchement drôle. Ca fonctionne sans le moindre problème, ses quatre Sidemen envoient un pilon decibelistique un peu poseur mais de bon augure que l'ingénieur du son met un temps raisonnable à préciser, et le décor se plante : on navigue allègrement en plein revival fusion 90's, de TM Stevens à King's X en passant par Parliament, Satriani ou Pearl Jam, et la fille nous décompose la palette des "female rock stars" en ressuscitant successivement, et sans barrières, le souvenir emmêlé de Tina Turner, de Skin, de Janis Joplin mais aussi de Lenny Kravitz, d'Ebony Bones ou de Corey Glover.
Le hic, c'est qu'au bout de quelques minutes à peine le mood commence à dévier : visiblement, la modestie de l'audience la rend acerbe, et ne satisfait ouvertement pas une envie violente de starisation charismatique exigeant le délire extatique d'une foule compacte... De premières mauvaises apostrophes fusent depuis la scène, et l'on se surprend à se sentir houspillé de façon vaguement désagréable, entre ironie et provoc, avant que... l'ironie ne prenne définitivement le pas, à quelques centimètres à peine d'une aigreur, puis d'une agressivité de mauvais augure. Dès lors, pente descendante : au fur et à mesure que le set se déroule, la placidité des quelques 100 personnes découvrant les encore peu connus LaFayette va faire monter la belle créature dans les tours. Bien que le groupe délivre un show exemplaire, sans un seul instant donner l'impression de jouer à l'économie face à la rareté quelque peu démotivante de l'audience, leur rock s'empoussière finalement vite, et bien qu'exécuté d'une main de maître, ne parvient pas à maintenir l'effet de surprise du premier morceau. Par-dessus, par devant, tout autour, tout dedans, la front-woman alterne auto-motivation et harangues qui deviennent toutes deux d'un too-much exponentiel, avant de finir invariablement par flinguer un show que l'on sentait "calibré pour le succès".
La loi du concert est dure : jouer loin de chez soi devant très peu de gens reste une expérience violemment déplaisante, dont on sait qu'il n'existe que peu d'échappatoires : tenter de galvaniser l'auditoire circonspect, affaibli par l'absence d'effet de masse, et réussir. Tenter de galvaniser l'auditoire circonspect, affaibli par l'absence d'effet de masse, et échouer.
Là, en l'occurrence, LaFayette échoue.
Rien à reprocher, au demeurant. Il faut au contraire louer sans le moindre bémol l'énergie, la motivation et le professionnalisme du combo qui met tout en uvre pour délivrer ce show à priori imparable. Mais voilà, quand la mayonnaise ne prend pas, il devient stérile de s'acharner dessus, au risque de frôler une situation où l'énergie du désespoir, de porteuse, vire pathétique. LaFayette et sa chanteuse auront sauté à pieds joints dans ce piège implacable, et en plus de leur set, nous aurons été forcé de partager aussi leur rancur, leur déception, leur rage et leur frustration. Et ça, ma foi, c'était pas vraiment agréable à partager, à vrai dire. Cette salle clairsemée, pourtant attentive, pourtant presque séduite, du coup, s'est caparaçonnée dans une forme d'inquiétude mi-amusée mi-craintive tandis qu'au milieu d'eux, implorante mais dominatrice, harangueuse mais orgueilleuse, suppliante mais directive, la splendide créature rugissait sa colère à son encontre. Peut-être eut-il été plus sage de maintenir ce niveau de qualité sur scène, et de circonscrire ce concert difficile à un set enlevé, carré, puissant, accrocheur, sans chercher à s'emparer d'un public obéissant à contrecur à cette succession d'ordres éructés à "faire la fête". LaFayette a passé un mauvais moment en notre compagnie, ce soir là, à Aubagne. De fait, ce fut mutuel.
Le dernier changement sera rapide, et là où l'on aurait pu s'attendre à une raréfaction létale de cette audience déjà maigre, l'inévitable départ des couche-tôt n'aura pas été fatal à the Last, qui a la difficile tâche de donner suite à cette montée d'aigreur précédente. Double peine pour les quatre pub-rockers : ils sont là en "remplacement" de Dissonant Nation, young power trio en pleine ascension, activement soutenu localement, ayant subitement déclaré forfait à la dernière minute en laissant sur le carreau une fan-base dépitée.
Qu'à cela ne tienne : les Last font soudainement exploser une vague de bonne humeur débridée purement salvatrice, à l'aide d'un rock délicieusement ventru servi par une tripotée de titres aussi courts qu'efficaces enchaînés sans aucun temps mort, et avec classe. On ne peut s'empêcher de re-découvrir ce combo qui a eu tendance à s'engluer dans le syndrome "rock à l'anglaise" de façon un peu paillarde et trop débraillée : des heures de travail sont visiblement passées par là, car les Last que l'on voit ce soir sont métamorphosés : le set est parfaitement maîtrisé, frais, puissant, dansant, really catchy, les gars se donnent à fond dans une bonne humeur communicative, et pourtant ils occupent ce soir-là la "place du mort" en délivrant leur show après que minuit ait sonné... Il semble évident que ces quatre lascars se sont fermement décidés à se tailler une place sur la scène rock hexagonale, et ma foi, on ne peut que reconnaître qu'ils s'y emploient à merveille...
Que ceux qui, comme moi, avaient un peu trop rapidement catalogué les Last au rayon des garage-bands à écouter à la titube se reprennent : il semble qu'il soit temps de suivre the Last car on tient là un groupe, un vrai.
Hurrah.
Critique écrite le 01 février 2011 par the Vaccuopilot
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