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Chronique de concert Ben Sidran - Dylan Different
Lundi 23 décembre 2024 : 6830 concerts, 27255 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Chronique de Concert
Ben Sidran - Dylan Different
L'hôtesse des lieux souligne après avoir présenté le groupe et le concert de ce soir que nous avons de la chance : Le 4tet n'a joué qu'en deux lieux en France un sur Paris et l'autre à Marseille, ici, au Cri Du Port, ce soir. Ben Sidran a intitulé son programme Dylan Different, titre qui a pour effet d'éveiller la curiosité et d'inquiéter un peu. Force est de constater à l'issue du concert que cette estampille est appropriée.
Le Personnel :
Ben Sidran - Piano et Chant
Bob Rockwell - Saxophone
Billy Peterson - Contrebasse
Leo Sidran - Batterie
Ben Sidran restitue les textes de Dylan, mais la musique est complètement transformée, par le style jazz d'abord, mais surtout du fait qu'on identifie absolument pas les mélodies de chaque titre. De fait, elle est plus que transformée, c'est une autre musique, il a changé les accords ! J'ai assisté en juin dernier au concert de Dylan au Dôme, on reconnaissait les morceaux par la musique, la voix de Bob était méconnaissable, ses paroles inaudibles. Ce soir, c'est l'inverse.
Ben Sidran annonce chaque morceau et parle volontiers entre chacun, en anglais, j'arrive à suivre l'essentiel de ce qu'il dit : "J'adore le langage dylanesque, je reprends les textes qui deviennent le véhicule de ma musique... Les mots sont en adéquation avec les sentiments, c'est comme cela que nous avons voulu nous rapprocher de Bob Dylan ... Ceux qui n'ont pas vécu à cette époque ne peuvent pas comprendre ce qu'il a représenté pour nous".
Nous aurons droit à sept morceaux de Bob Dylan "revisited" et six autres morceaux dont trois standards du jazz (Parker, Monk, Rollins).
Set List :
1 Instrumental (?)
2 Tangled Up In Blue
3 Highway 61
4 All I Really Want To Do
5 Marmaduke (Charlie Parker)
6 Rainy Day Woman
7 Hackensack (Thelonious Monk)
8 Subterranean Homestick Blues
9 Love Minus Zero / No Limit
10 Oleo / Folio (Sonny Rollins)
11 The Times There Are A-Changin
Rappel :
12 Somewhere Over The Rainbow + ( ?)
13 piano solo (?)
Sur le deuxième titre le chanteur indique : "Nous avons la chance d'avoir Billy Peterson à la contrebasse qui fut le bassiste de Dylan sur l'album Blood On The Tracks. (Woaw !)
La première impression est négative. Fan de Dylan, on s'attend forcément à reconnaître quelque chose, même si c'est éloigné. Et puis on se fait une raison, Ben Sidran, très pédagogue, prenant le temps de nous expliquer sa démarche tout au long du concert, et si on l'accepte -ce qui fut mon cas- on apprécie et on profite. Le jazz du quartet est agréable, très classieux, on se croirait dans un club chic de New-York. Le genre de musique que j'entendais naguère à la radio sur "jazz à FIP". Et surtout, il est interprété avec beaucoup de conviction. J'essaie d'analyser ce qui rend cette musique si agréable à écouter.
Ça tient essentiellement à une qualité rythmique ; chaque membre du groupe a sa fonction : Le contrebassiste délivre un swing régulier et méthodique (quasiment une noire sur chaque pulsation), le batteur l'accompagne avec quelques ornements qui enrichissent la base, le pianiste plaque des accords de manière un peu plus irrégulière et le saxophone promène occasionnellement ses phrases mélodiques au-dessus des trois autres. C'est parfaitement abouti et très efficace. Ben Sidran chante la plupart du temps de manière monocorde, monotonale, une note monte ou descend en milieu ou en fin de phrase, et il allonge parfois une syllabe. Si on laisse de côté la propreté du timbre de sa voix, ces manières sont très "dylanesques", et sur l'instant, elles me font aussi beaucoup penser à Tom Waits, alors que je n'avais jamais fait le rapprochement entre les deux.
À l'instar de Serge Gainsbourg, des Beatles, ou autres légendes, Bob Dylan a subi de nombreuses reprises, de nombreux avatars ; certains furent surprenants, périlleux. Le dernier en date étant le film audacieux et bien nommé "I'm not there" de Todd Haynes où Dylan était incarné successivement par Heath Ledger, Cate Blanchett, Christian Bale, Charlotte Gainsbourg, Richard Gere ! Ça doit être la marque des plus grands, celle des seigneurs.
Quelle signification revêt la démarche de celui qui reprend l'œuvre d'un artiste qu'il vénère ? S'identifier à son maître ? S'approprier son génie ? Faire cohabiter une part de son idole avec soi-même ? Affirmer une intimité avec lui ? Lui rendre hommage ? Je devine le plaisir que l'on doit ressentir à travers une telle pratique et ce n'est pas le même que celui de l'auditeur.
Gainsbourg comme Dylan s'amusaient beaucoup à brouiller les pistes dans les interviews, avec des réponses lapidaires, décalées ou énigmatiques aux questions de tous ceux qui cherchaient à les circonscrire à coup d'étiquettes, de références, de symboles ou de messages. Ici encore, Bob Dylan échappe au phagocytage. Il est là, quelque part, dans la musique de Ben Sidran, et même quand cela semble lisible, évident (paroles de Dylan, musique de Sidran), on ne saurait dire exactement où est Bob, sous quelle forme ; car Dylan ne se réduit pas aux paroles de ses chansons, ou à un élément quelconque de son entité. Il demeure irréductible, inaliénable.
Bonus vidéo :
Le Personnel :
Ben Sidran - Piano et Chant
Bob Rockwell - Saxophone
Billy Peterson - Contrebasse
Leo Sidran - Batterie
Ben Sidran restitue les textes de Dylan, mais la musique est complètement transformée, par le style jazz d'abord, mais surtout du fait qu'on identifie absolument pas les mélodies de chaque titre. De fait, elle est plus que transformée, c'est une autre musique, il a changé les accords ! J'ai assisté en juin dernier au concert de Dylan au Dôme, on reconnaissait les morceaux par la musique, la voix de Bob était méconnaissable, ses paroles inaudibles. Ce soir, c'est l'inverse.
Ben Sidran annonce chaque morceau et parle volontiers entre chacun, en anglais, j'arrive à suivre l'essentiel de ce qu'il dit : "J'adore le langage dylanesque, je reprends les textes qui deviennent le véhicule de ma musique... Les mots sont en adéquation avec les sentiments, c'est comme cela que nous avons voulu nous rapprocher de Bob Dylan ... Ceux qui n'ont pas vécu à cette époque ne peuvent pas comprendre ce qu'il a représenté pour nous".
Nous aurons droit à sept morceaux de Bob Dylan "revisited" et six autres morceaux dont trois standards du jazz (Parker, Monk, Rollins).
Set List :
1 Instrumental (?)
2 Tangled Up In Blue
3 Highway 61
4 All I Really Want To Do
5 Marmaduke (Charlie Parker)
6 Rainy Day Woman
7 Hackensack (Thelonious Monk)
8 Subterranean Homestick Blues
9 Love Minus Zero / No Limit
10 Oleo / Folio (Sonny Rollins)
11 The Times There Are A-Changin
Rappel :
12 Somewhere Over The Rainbow + ( ?)
13 piano solo (?)
Sur le deuxième titre le chanteur indique : "Nous avons la chance d'avoir Billy Peterson à la contrebasse qui fut le bassiste de Dylan sur l'album Blood On The Tracks. (Woaw !)
La première impression est négative. Fan de Dylan, on s'attend forcément à reconnaître quelque chose, même si c'est éloigné. Et puis on se fait une raison, Ben Sidran, très pédagogue, prenant le temps de nous expliquer sa démarche tout au long du concert, et si on l'accepte -ce qui fut mon cas- on apprécie et on profite. Le jazz du quartet est agréable, très classieux, on se croirait dans un club chic de New-York. Le genre de musique que j'entendais naguère à la radio sur "jazz à FIP". Et surtout, il est interprété avec beaucoup de conviction. J'essaie d'analyser ce qui rend cette musique si agréable à écouter.
Ça tient essentiellement à une qualité rythmique ; chaque membre du groupe a sa fonction : Le contrebassiste délivre un swing régulier et méthodique (quasiment une noire sur chaque pulsation), le batteur l'accompagne avec quelques ornements qui enrichissent la base, le pianiste plaque des accords de manière un peu plus irrégulière et le saxophone promène occasionnellement ses phrases mélodiques au-dessus des trois autres. C'est parfaitement abouti et très efficace. Ben Sidran chante la plupart du temps de manière monocorde, monotonale, une note monte ou descend en milieu ou en fin de phrase, et il allonge parfois une syllabe. Si on laisse de côté la propreté du timbre de sa voix, ces manières sont très "dylanesques", et sur l'instant, elles me font aussi beaucoup penser à Tom Waits, alors que je n'avais jamais fait le rapprochement entre les deux.
À l'instar de Serge Gainsbourg, des Beatles, ou autres légendes, Bob Dylan a subi de nombreuses reprises, de nombreux avatars ; certains furent surprenants, périlleux. Le dernier en date étant le film audacieux et bien nommé "I'm not there" de Todd Haynes où Dylan était incarné successivement par Heath Ledger, Cate Blanchett, Christian Bale, Charlotte Gainsbourg, Richard Gere ! Ça doit être la marque des plus grands, celle des seigneurs.
Quelle signification revêt la démarche de celui qui reprend l'œuvre d'un artiste qu'il vénère ? S'identifier à son maître ? S'approprier son génie ? Faire cohabiter une part de son idole avec soi-même ? Affirmer une intimité avec lui ? Lui rendre hommage ? Je devine le plaisir que l'on doit ressentir à travers une telle pratique et ce n'est pas le même que celui de l'auditeur.
Gainsbourg comme Dylan s'amusaient beaucoup à brouiller les pistes dans les interviews, avec des réponses lapidaires, décalées ou énigmatiques aux questions de tous ceux qui cherchaient à les circonscrire à coup d'étiquettes, de références, de symboles ou de messages. Ici encore, Bob Dylan échappe au phagocytage. Il est là, quelque part, dans la musique de Ben Sidran, et même quand cela semble lisible, évident (paroles de Dylan, musique de Sidran), on ne saurait dire exactement où est Bob, sous quelle forme ; car Dylan ne se réduit pas aux paroles de ses chansons, ou à un élément quelconque de son entité. Il demeure irréductible, inaliénable.
Critique écrite le 17 novembre 2010 par Mardal
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