Chronique de Concert
Bénabar
Le concert incroyable donné dans le cadre du Printemps de Bourges avait déjà alerté sur ses prestations scéniques à ne manquer sous aucun prétexte ; ce jeune homme surexcité (une sorte de Gilbert Bécaud... en beaucoup mieux !) avait réussi à créer une ambiance chaleureuse dans un immense chapiteau de 6000 places appelé "L'Igloo" ! A Corbas, au Polaris, aucun problème de froideur ou de distance entre l'artiste et son public : ce petit théâtre de 600 places était parfait pour recevoir ce type de concert !
A l'accueil triomphal et chaleureux du public après son premier morceau, A notre santé, Bénabar répond en hurlant avec le sourire un "merci m'sieurs dames" plein d'énergie et de joie de vivre ! L'excellent conteur d'histoires mises en musique qu'est Bénabar est très bien secondé par Denis Grare à l'accordéon et au sax, Martin Saccardy à la trompette, Paul Jotty à la batterie, Florent Silve à la basse et le "vétéran" Alain Bulon Buisson à la guitare et au banjo. Ce petit monde permet aux spectateurs, accourus pour vérifier si la rumeur ("à voir sur scène" !) est vraie, de passer une soirée mémorable.
Drôles, émouvantes, réalistes, les chansons composées par ce jeune trentenaire en costard ont toutes un petit plus qui les rend uniques ! La manière d'écrire les paroles révèle un indéniable talent pour broder autour d'un petit détail de la vie quotidienne. Comme les textes sont intelligibles, on a la délicieuse impression qu'un copain nous raconte des histoires avec ses amis musiciens en fond sonore...
Bien sûr, les titres les plus connus, Bon anniversaire, Y'a une fille qu'habite chez moi ou A not' santé, joué en ouverture et en clôture du spectacle, font plaisir à tout le public mais il faut aussi parler des autres perles jouées ce soir. Pour commencer, l'intro de Vélo est hilarante car Bénabar a des talents d'acteur pour raconter cette histoire qui pourrait se terminer au bout de dix secondes par la mort atroce d'un enfant écrasé et transformé en bouillie par un camion, un train ou tout autre véhicule assassin... La suite de la chanson est plutôt touchante, on sent que c'est du vécu ! L'inédit Maritie et Gilbert Carpentier mérite aussi une citation : le "meilleur" de la variété française des années 70 (Michel Delpech, Maxime Le Forestier et leurs inénarrables cols "pelle à tarte", costards aux couleurs honteuses et micro ridicules... ) est passé en revue avec un humour ravageur ! Puis, arrive le moment où les gens pleurent presque de rire : Le slow ! Même si les slows les plus ringards (Une femme avec une femme... ) ne sont plus interprétés partiellement au cours de ce morceau de bravoure - pour de raisons de droits ?-, ce morceau est un bonheur à lui tout seul ; tous les clichés nécessaires pour donner envie aux gens de s'embrasser sur une piste de danse puis d'acheter le disque en souvenir sont abordés et tournés en dérision ! Bénabar est aussi un bon imitateur ; ses roucoulements de chanteur italien à la Richard Cocciante sont criants de vérité (c'est le cas de le dire... ) !
Attention, ce n'est pas un spectacle comique ! De nombreux titres sont touchants et décrivent avec acuité les petits malheurs de la vie ordinaire : le divorce (Dramelet), les histoires d'amour impossibles (Majorette), les différents modes de vie (Couche-tard et lêve-tôt), le racisme et le capitalisme sauvage (Ali et félix), les sans abris (Saturne) mais, si les sujets sont graves, l'angle choisi pour les aborder est original, intéressant et pas du tout pleurnichard !
Après un concert où l'assistance est passée du rire aux larmes avec jubilation, les musiciens regagnent définitivement leurs loges pour goûter un repos bien mérité ; les yeux pétillants de joie, le public repart comblé !
(Photos : dovalentin)
Critique écrite le 22 octobre 2002 par Pierre Andrieu
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