Chronique de Concert
Bertrand Belin + Pain-Noir
Pain-Noir
À ce stade de notre réflexion, nous saluons l'équipe de Pain-Noir qui nous a gentiment invités, peu avant son entrée en scène. Il se trouve que je viens, comme la plupart de ses musiciens, de Clermont-Ferrand, et que l'agitation créatrice des uns et des autres a fait que nos chemins se sont souvent croisés voire mêlés. De cela ne peut découler, encore moins qu'à l'habitude, le moindre espoir d'" objectivité " pour cette chronique (sans développer ce qu'objectivité et subjectivité peuvent espérer vouloir dire d'un point de vue esthétique, hors de l'usage commun de ces mots).
Pain-Noir, projet de François-Régis Croisier aperçu précédemment sous l'alias de Saint Augustine au sein du label Kütu Folk Records, a surgi des rêves de celui-ci. Accouchées dans une bienveillance bricolée par Olivier Perez de Garciaphone, les chansons, de la nécessité qu'elles avaient pour leur auteur, surent séduire, au-delà d'une première sortie chez les indispensables défricheurs de Microcultures, les oreilles de Tomboy Lab, émanation fraîchement éclose de la major Sony Music. L'emballement médiatique qui a suivi est à la mesure de la profondeur d'un disque d'abord enregistré pour soi-même.
S'ensuit une difficulté : retranscrire malgré la lourdeur des infrastructures scéniques une musique pensée en chambre. Grâce au talent des quatre musiciens - FR Croisier, Zacharie Boissau, et la paire récemment arrivée d'Antoine Pinet et Yann Clavaizolle, membres de H-Burns -, les chansons s'animent, prennent vie en visant d'emblée l'ampleur. Ce que l'on perd en intimité, on le gagne en songe, les claviers nourris au totem Grandaddy. Certes, les coutures craquent encore un peu sur les enchaînements, les dynamiques ou les interventions parlées d'un chanteur serré par l'enjeu, mais on imagine les prochains itinéraires qu'empruntera Pain-Noir s'il sait conserver son indépendance d'esprit et de cur, s'il prend le temps de travailler et de laisser maturer un art déjà remarquable.
Bertrand Belin
Long entracte dû à un changement de plateau un peu lourd, puis Bertrand Belin arrive en scène. D'emblée on s'abandonne au charisme d'un chanteur au sommet de son art protéiforme, auteur, compositeur, interprète. À l'instar des grands, auprès desquels ses concerts le rangent, il est passeur, semant des noms comme Tarkos pour un public trop souvent oublieux que la poésie ne s'est pas arrêtée dans les années cinquante.
L'interprétation qu'induit la scène est assumée dans un travail corporel dense, fragments de langage accumulés par les heures de vol, entre travail et liberté. C'est cette aisance qui lui permet de tenir l'attention jusque dans les narrations glissées dans et entre les morceaux, des interventions évoluant suivant les inspirations, les obsessions et les écritures. Spectateur conquis deux mois auparavant, on en retrouve certaines, on en découvre d'autres. Et autour de ces narrations, d'autres encore, les chansons, les moments de concert, le concert dans son ensemble. Tout un fil d'histoires intriquées.
Le tapis musical, structuré par le roulement de sa guitare, tire à une transe qui gagne au concert plutôt qu'au salon. Les excroissances et dynamiques nombreuses, les polyrythmies de la géniale Tatiana Mladénovitch prennent les bassins des auditeurs d'Hypernuit ne s'attendant pas à une telle fête, à une telle invite. Dessus, des solos d'une classe terrible. Les musiciens sont tellement bons et à l'écoute qu'on se pince, palette large, même la parenthèse stroboscopique à la Suicide honore le fantôme d'Alan Vega.
Suite à l'cuménique Hypernuit, je connais des déçus de Parcs et de Cap Waller qui se privent d'aller voir et écouter où Belin en est sur scène. Il est loin, très loin au-dessus.
Photo de Bertrand Belin prise à Clermont-Fd en janvier 2016 par Yann Cabello...
Critique écrite le 24 avril 2016 par Clement Chevrier
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Un pur moment de bonheur !
De l'excellent son, des effets rarement vus sur scène, une énergie et des projections vidéos inégalées !
Messieurs, ce fut un des meilleurs moments de mon année musicale (pourtant il y en a eu pas mal de concerts) mais celui là reste un des meilleurs !
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