Chronique de Concert
Big Fat Papaz + Seasick Steve
Ce soir-là une immense file d'attente descend la moitié du Cours Julien. Chacun est tout étonné de se voir si nombreux ! Il est vrai que le premier passage par Marseille de Seasick Steve, bluesman ex-hobo renommé, est un événement. Le public est clairement celui du blues : à la fois très rock'n'roll et à la fois... entre deux âges. A 40 balais et quelques, on se sent dans la moyenne basse... La même queue se déploie ensuite au bar, et tout ça pour une pinte de Heineken (beurk) - expérience qui ne sera pas renouvelée pour moi. Se foutre de ne servir que de la pisse de rat, à un public d'amateurs de bière est assez typique du lieu - ils n'ont même pas d'Affligem ce soir - manque à gagner important dont ils n'ont manifestement rien à foutre. Rien de nouveau sous le soleil de la Ville de Marseille...
En première partie (pas annoncée - ça aussi c'est trop difficile pour l'Espace Julien manifestement), ce qui va finalement être une heureuse surprise ; les Big Fat Papaz sont un quatuor de jeunes musiciens de haut vol, capables de déployer un vaste arsenal de blues divers, grâce à une voix puissante et des guitares de compète : blues gras et pêchu assez classique pour commencer, puis plus bas dans les tons et le rythme pour un titre presque stoner (avec une sorte de mini-didgeridoo), suivi d'un titre braillé façon Screaming Jay Hawkins, plus un autre hyper-groovy façon James Brown, et au final un rock endiablé et maîtrisé (fini en jouant de la guitare derrière la tête) - ils savent tout faire et chanter et rien, y compris un accent anglais impeccable, ne pourrait laisser croire qu'ils sont de Toulon et Marseille. La classe, aussi bien qu'une première partie assez enthousiasmante !
S'en suit un interlude ou un roadie grognon vient accorder les 7 ou 8 instruments de Seasick Steve, les mêmes guimbardes qui l'accompagnent depuis 2008, quand il a débarqué en début de carrière en France pour la première fois, par un après-midi pluvieux et sur une minuscule scène des Eurockéennes (oui bien sûr, on y était, ça vous étonne encore ?). Il débarque avec le même batteur historique et hirsute (et pas tout jeune, lui non plus) et ils commencent en mode bourrin, le barbu cabotinant un maximum devant un public déjà assez déchaîné. Avouons qu'on avait sous-estimé la popularité du bonhomme à la casquette inamovible (même s'il a par exemple re-défoncé Belfort, cette fois sur la grande scène, depuis en 2015) - lui aussi feint toujours d'être étonné de son succès pourtant mérité et constant depuis une décennie. "Wow, you guys look kind of wild, in Marseille !"
Bien sûr, techniquement, il est bien moins bon que la plupart des bluesmen de son âge mais là n'est pas son intérêt principal, qui est son personnage : le côté roublard et un poil caractériel, associé à la meilleure bonne gueule de tout le circuit, une légende hobo plus ou moins authentique, des instruments soigneusement déglingués allant de la guitare en ruine à 3 cordes à une washboard slash banjo improbable, qui n'en comporte qu'une, en passant par un truc qui ressemble vaguement à un aspirateur (décoré d'une guirlande lumineuse). Et quand même une ou deux guitares à peu près potables, souvent réglées en open-tuning afin de faire un max de bruit sans trop devoir tricoter - et pouvoir sautiller en même temps !
Quoi qu'il en soit il est (ou il a) un excellent luthier, car chacune de ces choses (à l'exception peut-être de la washboard monocorde, qui fait quand même un peu saigner les oreilles), sonne comme un instrument professionnel - même l' "aspirateur" parvient à sonner comme une Weissenborn...Son show bien rodé, à l'américaine, est assez ritualisé quand on le voit pour la troisième fois : faire monter une jeune fille pour lui compter fleurette sur Walkin Man (il est quand même surpris qu'elle s'appelle "Fred"...), se moquer de ses "pieces of shit", insulter les emmerdeurs du public, nous raconter une histoire à un moment du show... La première fois c'était à propos de son chien mort, là c'est sur une belle fille en Mustang qui l'a pris en stop dans le désert, on a gagné au change...
Et surtout, alterner des boogies proprement infernaux (particulièrement ceux joués au didley bo en boite à cigare, comme Summertime Boy & Gypsy Blood) avec des moments plus intimistes, voire nostalgique (Bulls Eyes, Dark) et des titres de blues joyeux et dansants genre Trix (bon, setlist en fin de chronique, on évitera l'effet catalogue...). A noter que son batteur, au jeu d'abord assez basique, finit par se démultiplier, et que la voix du chanteur est toujours aussi prenante, à la foix pure et rocailleuse, y compris quand il danse et se dandine tout en jouant (belle patate, j'aimerais avoir la même à son âge, qui est pile celui de mes parents !) On a commencé le show un peu circonspect, devant son côté "routinier" et cabotin, mais on est un fois de plus emporté par l'enthousiasme, celui du public comme celui du bonhomme, et surtout par ses rythmiques proprement diaboliques et donc irrésistibles... On se rend, donc, chapeau bas, Mr Wold...
Après un "Encore" généreux, commencé par une délicate reprise de Gentle on my mind, et fini en jam roue libre avec semi-fracassage du drum set, les deux compères viennent sans façon au bord de la scène se livrer à des signatures. Rapidement agacé par les chasseurs de selfies (ce qu'il ne se prive pas de leur dire !), Seasick Steve et son compère sont par contre étonnés (et sans doute un peu contents) de croiser un type qui fut à leur premier show aux Eurocks (ils s'en souviennent, bien sûr, la première fois en France, ça compte... surtout à 67 ans...). Je repars fier comme un bar-tabac, avec trois choses bien plus précieuses qu'une photo à la con : une set-list signée, une minute de conversation et une poignée de main avec l'un des plus grand bluesmen actuels...
Setlist :
Walkin blues
That's all
Bring it on
Bulls eyes
Walkin man
Trix
Summer Time BOy
I don't know why
Get my drift
Dark
Can you cook
Gypsy Blood
Hell
--------
Gentle on my min d
Thunderbird
Plus de photos et vidéos par Pirlouiiiit par ici - désolé pour Big Fat Papaz ayant oublié la clé de mon cadenas j'ai du retourner chez moi et les ai ratés ...
Critique écrite le 24 mai 2017 par Philippe
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