Chronique de Concert
Bijan Chemirani et Sam Karpienia
On ne présente plus Sam Karpienia.
On ne présente plus non plus La Meson.
On fête les dix ans de La Meson et pour Bijan Chemirani, ce vendredi 24 janvier 2014, toute carte blanche lui est laissée. Son invité du jour sera le non moins brillant Sam Karpienia.
Bijan Chemirani, percussionniste hors norme, petit génie du zarb et de bien d'autres instruments, est pour la première fois seul sur le devant de la scène et tout lui est permis.
En réalité, pour la seconde fois, la première ayant été à Taipei mais humblement, dit-il en se marrant : "C'était plus facile, je ne connaissais personne". C'est beaucoup moins vrai chez lui à Marseille en terre conquise mais en terrain connu ou pas, gare en fait à celui qui dira du mal de lui!
La soirée s'annonce belle, les gens sont chez eux, dînent attablés, tout le monde est poli, souriant, content... Dans l'ambiance cosy de la Meson, sous cette lumière tamisée...orange, auprès de ces tauliers plus plus plus!
En première partie de soirée, Bijan improvisera donc seul sur scène, il dira plus tard n'avoir pas toujours su où ses mains allaient le porter et qu'il aurait mieux fait de se programmer au moins quelques lignes de conduite, de se fixer quelques repères, mais je ne suis pas sûre que cela aurait amélioré la qualité de sa prestation. En tout cas, moi, je n'y ai vu que du feu et c'est au contraire un privilège que d'assister à cet instant livré sans garde-fou ni idée préconçue. Le pur fruit de son imagination généreuse du moment... fabuleux!
De toutes façons, comme il le dit lui-même avec beaucoup d'ironie et de simplicité :" je pourrais jouer sur une poubelle ikea vous seriez contents", et c'est con, mais c'est vrai! Parce qu'il l'a fait et que ça a marché!!!
Peu importe le support en fait, c'est l'or que sa sensibilité transmet au bout de ses doigts qui compte, qu'ils tapent, qu'ils vibrent, qu'ils claquent sur la peau tendue du zarb, de son tabouret ou d'une poubelle. Qu'importe.
Que ses ongles grattent ou que la paume de sa main carresse la peau du zarb en mouvement circulaire, tout est d'une légèreté et d'une finesse incroyable.
Sans le son, les gestes sont magnifiques. Avec, il n'est simplement pas possible de faire autre chose que de se laisser transporter au plus loin. Comme dans ces films oniriques de Miyazaki... rien à voir, mais c'est cette sensation de magie et de voyage vers l'inconnu et le rêve que cela m'a laissée...
Pour moi, cela aura été un vrai dilemme, prendre des photos et garder les yeux ouverts pour voir ces doigts agiles et pleins de grâce et avoir en même temps, tellement envie de les fermer pour mieux me laisser élever tout là-haut, par sa musique.
Dans le public, les têtes se sont souvent baissées, les yeux sont restés mi-clos, des mains se sont posées sur les bouches comme pour ne pas laisser paraître l'étonnement, l'émotion.
Se samplant seul. C'était du 100% Bijan Chemirani et c'était magique. Une sensation de relai, d'évolution, de ne pas être en train d'assister à un concert de musique traditionnelle iranienne mais à quelque chose de mouvant et d'évolutif.
Les racines, elles, sont bien là, les instruments traditionnels également, la mandole et l'occitan aussi pour ce qui sera de Sam Karpienia plus tard dans la soirée, mais nous n'étions pas dans le " rendre hommage " au passé. La tradition est ancrée, c'est sûr, en chacun de ces deux musiciens mais elle coule désormais dans leurs veines et sa présence est naturelle et discrète. Je ne crois pas qu'ils jouent encore en s'en inspirant, elle est tout simplement là et leur musique est totalement dictée par l'instant présent.
Bijan Chemirani jouera également du saz turc, s'égarant de son héritage familial, prenant son envol, assumant ses envies, des morceaux à treize temps, " pour ceux qui aiment et savent compter " Personne cela va de soi et c'est tant mieux!
En deuxième partie de soirée, Sam Karpienia rejoint son hôte. Je dois être une des rares personnes à Marseille à ne pas avoir vu et écouté Sam Karpienia 250 fois sous tous les angles, toutes les coutures, toutes les formations possibles... Quatre fois, il me semble, ce qui n'est pas rien non plus mais je suis loin du compte.
La dernière fois c'était à Port-de-Bouc après la reformation de Dupain et j'avoue (la foudre va s'abattre sur moi), être restée un peu sur ma faim, le lieu manquait de l'intimité nécessaire et l'ajoût d'une flûte m'avait quelque peu emportée au delà de ce que je suis capable d'apprécier en matière de musique, folklorique disons, sans aucune arrière pensée négative, mais il paraît que la semaine suivante au Poste à Galène, Dupain avait tout transcendé, aux dires des amis qui avaient assisté aux deux concerts... Bref, je ne sais pas tout de Sam Karpienia et finalement, c'est bien comme ça. C'est donc avec une oreille presque toute neuve que j'écoute Sam venu rejoindre Bijan.
Ce n'est évidemment pas la première fois que les deux musiciens se rencontrent et ont des projets communs, mais aujourd'hui, c'est Bijan qui est au premier plan et c'est SA carte blanche alors les rôles s'inversent. C'est donc dans une nouvelle forme d'écoute que les musiciens se retrouvent.
On imagine ce que leurs regards peuvent se dire avec l'expérience (et, il va de soi qu'il n'y aura jamais ni fausseté ni amateurisme) " je te suis ", " vas-y ", " non, mais je t'en prie... ", comme deux passants dans une rue étroite, qui n'arriveraient pas à se décider de quel côté passer et qui se retrouveraient sans cesse face à face, jusqu'à ce que l'espace et l'air trouvent leur place, pour laisser couler les notes... avec le sourire, la complicité et la joie de la route libre, droit devant, retrouvée...
Un jeu de théâtre improvisé. Les silences, la pudeur de Bijan Chemirani, et l'énergie forte et douce à la fois de Sam Karpienia.
Ce dernier, sera mandole au bout des doigts, comme instrument à cordes et comme percussion sous la main...les yeux sans cesse fermés comme pour mieux vibrer de l'intérieur, sa voix qui revendique et qui déclame en occitan sans jamais tomber dans l'excès.
Une intensité charnelle. En réalité, cela pourrait bien être n'importe quelle autre langue voire des mots inventés tant je n'y comprends rien en occitan, mais l'important est bien ailleurs, dans les couleurs de la méditerranée, dans l'émotion vive qu'il transmet, j'aimerais dire dans la revendication qui jaillit du ton employé mais je ne connais pas les textes.
Quoi qu'il en soit ce duo libre est splendide, chacun laissant à l'autre l'espace nécessaire à son épanouissement et le public retient son souffle et ne cache pas sa joie.
Instant magnifique... La soirée du lendemain était sold out... celle d'après incompatible avec mon emploi du temps et j'en suis encore frustrée...
Critique écrite le 15 février 2014 par Mai-lan
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