Accueil Chronique de concert CAP'TAIN CARNASSE MAXI MONSTER SHOW
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Chronique de Concert

CAP'TAIN CARNASSE MAXI MONSTER SHOW

LE MOULIN à Marseille 28 septembre 2006

Critique écrite le par


On n'aime jamais vraiment être caressé à rebrousse-poils : ça piquotte, ça tiraille, ça gratte, ça agace, même si ça reste une caresse. Quand le partenaire qui prodigue cette câlinerie râpeuse s'appelle "Cap'tain Carnasse", et que le rendez-vous qu'il fixe est totalement aléatoire (qu'est-ce c'est que cette histoire de "Colloque phrenétique" ???) et qu'on est vaguement prévenu qu'on aura affaire à des choses peu ragoûtantes(un "Maxi Monster Show" ? Ils l'ont fait exprès de choisir un titre comme ça ?


Rien qu'à l'affiche, on sent le truc pas clair... ) on arrive un peu sur ses gardes, l'oeil vif, l'air faussement détendu, dans le hall du Moulin bizarrement calme... On boit une bière, puis deux, et enfin, on est rassuré parce qu'une voix de hall de gare résonne pour annoncer qu'un "professur machin a rendez-vous dans le cul du professeur truc" : ah, bon, nous y voilà. Parce que jusque là, pas de sang aspergé dans les toilettes (cf "La Nuit de l'Horreur" donnée dans le même Moulin en Janvier dernier), pas de viande plongée dans des bocaux sur le comptoir du bar, pas de gémissements odieux ni d'insultes proférées par des voix inconnues dans le sous-sol, on commençait à se demander vraiment de quoi ça aller traiter, cette histoire.


Et puis y'a ces hôtesses, impeccables dans leurs petits uniformes sexy, qui distribuent des notices... Bon, ma foi, on finit par rentrer en salle et là il faut faire gaffe à sa place (beaucoup de sièges étiquettés) : on risque de s'asseoir à une "place merde", ou à une "place dangereuse" ?... Un flottement, du coup, dans le public hésitant mais nombreux (la salle est quasiment pleine)qui finit par prendre place sagement.


Quand ça démarre, c'est dans un silence religieux que tout le monde regarde un écran de télé placé devant la scène, au centre duquel un visage illuminé démarre un discours épileptique (phrenétique ?) avec un mauvais accent wallon, et voilà donc le "colloque" lancé. A partir de là, on subit une démonstration hallucinante conduite à la fois sur un grand écran, sur scène et sur l'écran télé durant laquelle tout et n'importe quoi va être exprimé dans un jargon péremptoire, tout ça pour prouver (enfin, je crois ?) que le Cap'tain CArnasse, l'odieux maître despotique de la Momie, va faire exploser la planète. Ca dure un bon moment (une bonne demie-heure) et on commence à avoir un doute : c'est juste le "colloque", ce spectacle ?


Bon, c'est sûr, la démonstration scientifique, les extraits de films, les interventions débiles des conférenciers présents, tout est hallucinant, et la salle se fend la poire à intervalles réguliers face à l'absurdité de la séance... Mais les monstres, on les verra que sur écran géant ? On croise les jambes, on se concentre, on commence vaguement à s'assoupir un peu comme on le ferait dans une "vraie" conférence, un sourire bête collé aux lèvres, et alors que l'attention se relâche, BLAM! : sur l'écran 4x3, le Cap'tain Carnasse vient d'apparaître comme un obus, flaquant un énorme coup de sabre dans la nuque de la Momie qui était en plein "témoignage en duplex" : en quelques secondes, tout bascule : on prend des flashes plein la tête, y'a du bruit, tout est plongé dans le noir, la télé déraille, les conférenciers crient, et dans un médaillon de lumière giclant sur le rideau rouge encore fermé, Carnasse, le vrai, en chair et en os, montre sa figure ensanglantée.


En fait, ça fait un peu comme si une bande de CRS casquée déboulait dans ta chambre à 6h00 du mat' après avoir enfoncé ta porte au burin : on cligne des yeux, on tourne la tête, dans un éclair on voit d'un coup en fond de salle un type à poil avec une femme en tchador, on comprend plus rien, puis le rideau s'ouvre alors qu'on tient les accoudoirs de son fauteuil et un trio de types avec des cagoules en chair et la bouche écartelée déversent un boulet sonore agressif plein de basses et de méchanceté, sur un podium en travers : ça dépote, c'est sourd et violent, ça fait bizarre après toute la conférence...


Bon, ben nous y voilà, le Maxi MOnster a démarré on peut dire....
Le Cap'Tain Carnasse revient sur scène, débraillé, déglingué, il chante en faisant des sauts carpés sur la musique sauvage de son "orchestra", et puis après, ben ma foi, je vais pas faire tout le déroulé (il reste une deuxième représentation, dépêchez-vous, après c'est fini) mais en gros des videos sur un autre écran géant font visiter un manoir dans lequel tous les monstres de Carnasse font des trucs bizarres avant qu'on les voie sur scène....


On reconnaîtra Oshen qui veut "injecter des substances" dans la vessie de la Momie, les incontournables Mandrake, frères monstrueux et autres dingueries invraissemblables, bref, il faudra enfin quitter la salle sous l'assaut d'un stroboscope hyper fort qui flashe à hauteur d'oeil toute la salle sans interruption, après qu'un final en forme de ligne apocalyptique ait ramené toute la troupe de monstres sur scène pour faire chacun leur besogne surréaliste...


Ouf... Bordel, on en a pris pour son grade ! On essaie un peu de se rappeler de tout, en vrac, dans sa tête, c'est dur, alors on cherche des adjectifs pour en parler avec ses voisins, est-ce qu'on est choqué, agressé, nerveux, excité, séduit, ou alors tout à la fois ? En tout cas, c'est sûr, on voit pas des trucs comme ça à tous les coins de rue !!! Mais en fait, on a adoré ça. Parce qu'on a rien compris, parce qu'on a tout compris, parce qu'on voulait être surpris et qu'on l'a été, là, pour de bon, parce que ça fait un bien fou de ne pas pouvoir servir de ses codes ou de ses habitudes face à cette déferlante de mots, de textes, de sons, de musique, d'images, de gens bizarres, et qu'être dérouté, c'est peut-être un des derniers luxes du spectateur blasé que l'on finit tous par devenir.


C'est comme une sorte de souvenir ravivé, une caresse bizarre; Ouais, on n'aime jamais vraiment être caressé à rebrousse-poils : ça piquotte, ça tiraille, ça gratte, ça agace, même si ça reste une caresse. En l'occurence, celle du Cap'tain Carnasse, aka Dominique Viger : une caresse qui pue la sueur, le sperme, la dent cariée et le sang sêché, mais une caresse quand-même : c'est un peu doux, beaucoup dégueu, on comprend pas forcément d'où elle vient, ce qu'elle veut, mais bon, on se laisse faire : qui n'aime pas être caressé ?

Photos Pirlouiiiit

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