Chronique de Concert
Casse Gueule- Shun & His Happy Family - Capitaine Cookie
Quelques activistes marseillais notoires (poke Francky Lanight) amateurs de choses underground, ont convié trois groupes hors-normes ce soir à la Machine à Coudre : les marseillais de Capitaine Cookie et de Shun & his Happy Family et les niortais de Casse Gueule.
Capitaine Cookie est un duo instrumental à la discographie déjà pléthorique (huit disques depuis 2010), qui comprend un bassiste et un joueur de synthétiseurs. Le duo pratique une sorte d'electro dub contemplative, plutôt ambiant. Le bassiste joue ses plans Dub sur une basse épiphone, tandis que son acolyte, assis devant son clavier et son laptop, envoie des sonorités rêveuses et aquatiques. La musique devient parfois plus rythmique et dévie alors vers une sorte de house hypnotique et éthérée assez plaisante et jamais clichée.
Leur son est bien maîtrisé et leur musique prend même une dimension cinématographique d'autant que sont projetés sur un écran à l'arrière de la scène des films à tendance psychédélique et au montage haché façon " cut-up " où l'on voit des champignons qui poussent en accéléré ou même des membres de Casse Gueule (avec qui ils sont amis) en train de faire les avions dans la campagne, ce genre de choses. Ce set de Capitaine Cookie a été une mise en bouche plutôt sympathique.
Place ensuite à Shun & his Happy Family, power trio constitué d'un guitariste chanteur, d'un batteur et d'une bassiste. Le groupe livre un punk rock aux accents pop ou hardcore voire Metal. La section rythmique est à la fois puissante et toute en souplesse : le batteur frappe dur et la basse ondule, le guitariste chanteur fait preuve d'une certaine inventivité et vélocité, jamais démonstrative, et chante indifféremment en anglais et en français.
Il est plutôt communicatif et plaisante volontiers entre les morceaux. Le groupe sait surprendre grâce à des compositions aux structures souvent complexes, faites de breaks et de changement de tempos, et aux ambiances psyché. Et il a en plus le mérite d'éviter tous les tics propres aux genres évoqués plus haut. Un des titres de ce que je suppose être leur dernier album, " le Kaiser " est dédié au légendaire musicien français Lucas Trouble (décédé l'année dernière) qui a produit un de leurs disques.
Autant d'éléments qui ont fait que la musique de Shun & his Happy Family m'a suffisamment intrigué pour que j'ai envie d'en savoir davantage à son sujet.
On va changer encore de registre avec Casse Gueule, trio qui qualifie sa musique de " chanson française industrielle " ou de " Turbo chanson française ", deux appellations tout à fait appropriées. Casse Gueule est constitué d'un chanteur, Jonn Toad et de deux joueurs de synthétiseurs analogiques, Pierre le Dentiste et Mathieu Philippe de L'isle. Les trois sont lancés sur une tournée française qui suit la sortie en CD de Dictature et Mendicité, album joyeusement foutraque et détonnant qui revisite et détourne allègrement des classiques du hard rock 70's à la sauce synth punk avec des sonorités que l'on avait plus entendues depuis D.A.F ou Front 242.
Les trois ont disposé leurs matériels, enchevêtrement de machines, de câbles et de synthés, au milieu de la salle, qui va prendre d'un coup l'allure inattendue d'un dance floor. Les musiciens seront donc au centre avec le public qui les entoure, chose un peu inhabituelle pour une salle comme la Machine. Le concert met un peu de temps à démarrer, le temps qu'ils règlent leurs synthétiseurs (Moog et Korg) et leurs machines.
L'exhubérant Jonn Toad, vêtu d'un bleu de travail, commence à danser lascivement sur Reviens Sophie, chanson "d'amour " déglinguée, au tempo plutôt lent. Son chant, délibérément outrancier, va aussi bien dans les aigus (façon chanteur de hard rock) qu'au grave (façon crooner sous acide). Ce n'est pas un chanteur " à voix ", mais plutôt un vocaliste de " l'école " John Lydon ou Mark E.Smith, où il est davantage question d'expressivité et de personnalité que de justesse vocale.
Jonn choisit parfois un quidam dans le public devant lequel il se plante pour lui chanter sa ritournelle en pleine face et ne pas le lâcher du regard. Il ne cessera de se déhancher durant tout le concert en occupant tout l'espace de la salle. Ses deux acolytes sont penchés sur leurs instruments et envoient des boucles et des motifs synthétiques totalement accrocheurs.
Le grand rouquin à kilt, Mathieu Philippe de L'isle, délaisse parfois son synthé korg pour se lancer dans une convulsive danse de Saint Guy. Pierre le Dentiste, le plus calme des trois, affublé d'une blouse blanche, est concentré derrière son moog et ses machines. Quelques titres de Dictature et Mendicité sont joués, notamment les bombes électro comme Soit et Outre, qui sont respectivement des reprises complètement barrées et presque méconnaissables du Let There Be Rock d'AC/DC et du Breaking the Law de Judas Priest (il fallait quand même oser).
Le public semble totalement surpris par cette débauche d'énergie qui ne redescend jamais. Certains dans la salle ont l'air perplexes mais les autres jubilent. La prestation de Casse Gueule peut paraître un brin bordélique mais cette musique s'avère une redoutable machine à danser, qui invite quand même à une danse ou l'on se cogne contre les meubles et où l'on glisse sur les tapis. Cette performance frénétique s'apparenterait presque à un happening. On a de moins en moins l'habitude de voir des groupes autant impliqués physiquement sur scène, ce qui est tout à leur l'honneur.
Le concert se termine dans un joyeux chaos : Mathieu Philippe de L'Isle danse dans toute la salle en faisant tournoyer un néon tel un derviche tourneur de l'aire industrielle tandis que Jonn Toad se roule par terre en continuant à hurler dans son micro. On ressort un peu lessivé mais plutôt ravi de ce set intense et déjanté. Leur prestation scénique débridée a été à la hauteur de la dinguerie de Dictature et Mendicité, un album essentiel dont on n'a pas fini ici de recommander l'écoute et l'acquisition.
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Critique écrite le 08 novembre 2017 par Phil2guy
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